lundi 30 novembre 2009

LA LANGUE DE CHEZ NOUS AUTRES -3-

APREUM :
l'après midi pataouète.
--"Ou tu vas ce apreum?"
--"Chez TAZZ!"

ARAPETE:
l'arapète, c'est collant comme la sécotine. Une arapète elle répéte toujours la même chose!
--" Hou! arrete de rabâcher comme une arapète!"

ARCHORECHE:
Alors là, une seule signification : quel dommage quand même!
--" l'archorèche! Belles comme on est, même pas on fait du cinéma. c'est pas pêché, la vérité!

ADROPER
C'est ça que le pataouète y disait pour s'encourager ou pour encourager les autres.
--"Adope ninette, en avant nous autres!"

ARDJEB
L'ardjeb, c'était la fiesta, le bruit, le tcherklala, la barouffa.
--"Viens dimanche au cabanon, on va s'taper l'ardjeb!"

ASGUERE
Commémoration israélite pour les morts de la famille. Une Toussaint individualisée en quelque sorte.

ATSO
L'autre nom pataouète de la tota ou alors quand on avait envie de dobzer quelqu'un que sa tête elle nous restait sur l'estomac.
--"ATSO! Tu me prends pour un babao ou quoi ?" avec le majeur dressé vers cuila qui nous énervait.

AUBERGINE
Cuila qu'il avait pris une bonne tannée dans une entrée de maison, un ring ou chez azrine, on disait qu'il s'était fait "MONTER L'AUBERGINE". Surtout s'il avait un oeil au beurre noir!
A SUIVRE.........

IL ETAIT UNE FOIS BAB EL OUED -3 -


CHAPITRE DEUXIEME
ACTIVITES INTELLECTUELLES
ARTS ET LETTRES


Il est admis que l’une des raisons de la prise d’ALGER est due pour une grande part au consortium BACRI-BUSNACH. A la suite d’un tour de passe-passe dont ils avaient le secret, les deux négociants endettés auprès de la régence, revendirent à HUSSEIN DEY une lettre de créance que la France avait contractée envers le consortium. Le fameux coup d’éventail fut la conséquence de cette affaire mais non le détonateur de la conquête.
La « course » même si elle s’essoufflait considérablement et les prisonniers chrétiens furent selon les historiens les véritables raisons de l’engagement de la France dans cette aventure.
Toujours est-il que la famille BACRI a marqué de son empreinte l’histoire de l’Algérie et tous les ouvrages traitant ce sujet ne manquent pas de mentionner le rôle de Joseph « le vieux », Jacob qui se rendit au devant du Maréchal DE BOURMONT en tant que Chef de la Nation Juive dont l’intelligence influença plus d’une fois la politique française en Afrique du Nord.
Il me paraît tout naturel, à mon tour, de faire figurer dans cette mémoire de Bab El Oued deux descendants de cette illustre famille qui vécut dans la casbah judéo-arabe avant de « descendre au faubourg » rue du Roussillon.

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Le premier, car le plus âgé, est connu de tout un chacun pour ses calembours qui éclairèrent d’un jour nouveau « le Canard Enchaîné » de la grande époque. Il s’amusa tout au long de ses écrits à donner ses lettres de noblesse à sa famille, à son quartier et à sa ville natale.
Roland BACRI, c’est de lui qu’il s’agit, auteur entre autres de « et alors et voilà! », « le petit poète », « la légende des siestes », « le Roro », « l’obsédé textuel », « Trésor des racines pataouètes », « Le beau temps perdu », « les Rois d’Alger ». Il s’essaya sans se prendre au sérieux à la chanson, prétexte à des parodies désopilantes de la chanson pataouète sous le pseudonyme "RORO DE BAB EL OUED". Sans commentaire !

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Son frère cadet versé, dès son plus jeune âge, dans la musique, n’est autre que Jean CLAUDRIC, pianiste, compositeur, chef d’orchestre de renom, arrangeur et accompagnateur des plus grandes vedettes de la chanson française. Né au 3 rue du Roussillon, à Bab El Oued en 1930, il « fait » le conservatoire d’Alger avant d’endosser le costume de pianiste au sein des orchestres de Lucien ATTARD et Lucky STARWAY. A 28 ans, sa virtuosité franchit la Méditerranée. Maurice CHEVALIER le choisit pour son prochain disque dont il sera l’arrangeur et le chef d’orchestre.
Lui emboîtent le pas, Joséphine BAKER, FERNANDEL, Les Compagnons de la Chanson, Marcel AMONT, Johnny HALLYDAY, Charles AZNAVOUR, Michel POLNAREFF, Mireille MATHIEU et bien entendu Enrico MACIAS pour lequel il compose nombre de succès tels « les filles de mon pays », « les gens du Nord » entre autres. Sous le pseudonyme de Sam CLAYTON, il écrit tous les succès de SHEILA et dirige parallèlement les orchestres symphoniques les plus prestigieux à travers le monde, tout en participant à de nombreux shows télé, spectacles de variétés et Eurovision. Il reçoit le grand prix de la SACEM en 1984.

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Sous le pseudonyme de DAXELY, Marcel BOUMENDJIL fit partie de ceux que l’on catalogua comme les acteurs fétiches du grand Marcel PAGNOL. Remarqué par le maître sur les planches de l’Alcazar de Marseille dont il fut pensionnaire de 1950 à 1966, il fit merveille sous la dégaine endiablée de Garrigou, le bedeau de la chapelle des « Trois messes basses » l’une des « Lettres de mon moulin ». Ses compositions de grand benêt hésitant dans la première version de « MANON DES SOURCES » ou dans celle du concierge de « MERLUSSE » marqua les esprits. Auprès de la capiteuse Tilda THAMAR, il tourna « La casaque dorée » avant d’accompagner Tino ROSSI dans « NAPLES AU BAISER DE FEU » interprétant avec talent le rôle de faire-valoir au cours d’une tournée qui dura…….six années.
Natif de Bab El Oued, oncle de Jean CLAUDRIC et Roland BACRI, ce comédien repéré par le « maître » provençal du cinéma français aurait pu faire une plus grande carrière si une sainte horreur des mondanités que certains prirent pour de la timidité, et un besoin viscéral de son environnement familial ne l’avaient ramené chez lui, à ALGER, à Bab El Oued

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Comment évoquer les gloires de Bab El Oued sans nommer celui qui est né le 23 Aout 1927 au quartier Guillemin, rue Thuillier exactement : Martial SOLAL.
Celui qui figure dans le grand dictionnaire du jazz débute à six ans. Il rejoint très jeune l’orchestre du regretté Lucky STARWAY avnt de passer professionnel en 1945.Il officie au sein d’orchestres prestigieux tels ceux de Aimé BARELLI ou Benny BENNETT . Mais ce qu’il désire avant tout c’est jouer au sein d’un quartet de jazz. Il crée sa propre formation et rencontre un énorme succès. En 1962, il est invité au festival de Newport où son talent d’improvisateur génial lui vaut d’accompagner les plus grands, de Sydney BECHET à Django REINHARDT en passant par Art FARMER ou Stéphane GRAPELLY. Il compose quelques musiques de films dont « A bout de souffle » et « Léon Morin prêtre ».
Dans les pages de leur « Dictionnaire biographique des musiciens » les deux éminents spécialistes du jazz que sont BAKER et SLONIMSKY parlaient de l’enfant de Bab El Oued en ces termes : « Martial SOLAL est un musicien de génie dont le rôle dépasse largement les frontières du jazz et de l’Europe »

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Sylvio GUALDA est né dans un modeste appartement de la rue Maxime NOIRET au cœur de Bab El Oued. Il passe sa petite enfance à la maternelle de la rue Rochambeau. A cette époque, son papa Maccario dirige l’un des orchestres préférés des habitués de la piste de danse d’Algérie. Qui n’a pas tenté sa chance sur les slows veloutés, les tangos lascifs, les pasos endiablés, les rumbas ondoyantes de l’orchestre MACKER.
Bon sang ne saurait mentir. Le jeune Sylvio profite des jeudis et des vacances que lui octroie l’enseignement primaire dont il s’affranchit à l’école de la rue Franklin pour pousser la chansonnette au sein de la formation de son père. Le « petit » est doué pour le chant, donc pour la musique. Après l’étude du piano, il se tourne sur les conseils du timbalier de Radio-Alger, le professeur BLANQUAERT, vers la percussion. La voie royale ouvre, alors, ses allées fleuries au jeune homme après l’obtention du premier prix de l’Opéra d’Alger. Il quitte sa ville natale, son quartier, sa maison pour un ailleurs indécis. Le voyage au large de ses racines le déboussole et Paris ne le prend pas dans ses bras. La volonté décuplée par l’adversité, Sylvio se fait un devoir de faire découvrir la discipline de la percussion à la métropole. Le scepticisme, voire l’incompréhension des musiciens devant ce choix s’évanouissent au soir de son premier concert.
En 1968, à l’âge de vingt huit ans, il est nommé premier timbalier solo de l’Orchestre National de l’Opéra de Paris. Tout s’enchaîne alors. De grands compositeurs écrivent pour lui, il est le premier percussionniste occidental invité par la Chine, la SACEM lui décerne le grand prix en 1987 et après une période de boulimie de concerts, il se consacre à l’enseignement. La France l’honore en lui demandant de représenter son pays lors de l’exposition universelle de Séville en 1998. Mais si l’honneur le touche dans son approche de la musique, il sait que son pays est là-bas, sur la rive orientale de la Méditerranée, de l’autre côté de sa mémoire, à Bab El Oued. Son cœur alors bat la chamade et cogne si fort qu’il croit entendre le percussionniste qui sommeille en lui.

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Robert CASTEL est le fils du maître du Chââbi, le grand, l’immense Lili LABASSI. Bercé dès sa plus tendre enfance par la plainte des mélopées judéo-arabes, le petit Robert MOYAL partage son temps entre l’école Franklin, la musique orientale et le football à l’A.S.S.E. Ses camarades de classe se souviennent de sa propension à raconter des histoires drôles où son débit de paroles faisait merveille. Son talent comique se révèle au grand jour au sein de « la famille Hernandez » de Geneviève BAÏLAC dans le rôle de « Paulo le bègue ». Sa notoriété franchit la Méditerranée puis l’Atlantique. Après l’exode, une fantaisie musicale écrite en collaboration avec Jacques BEDOS « la purée de nous ôtres » lui permet d’élargir son registre de comédien. Il interprète avec une très forte sensibilité des chansons nostalgiques qui arrachent les larmes aux spectateurs et spectatrices originaires de « là-bas ». Au cinéma, il donne la réplique à Alain DELON dans « l’insoumis » puis c’est le grand voyage aux côtés de son épouse Lucette SAHUQUET. La mémoire au cœur, il invente un personnage, CAOUÏTO, qui additionne les particularismes des enfants de Bab El Oued. Cinéma, théâtre, télévision, il multiplie les apparitions qui comblent d’aise ses compatriotes pieds noirs. Mais il n’oublie pas pour autant la musique de son père et enregistre quelques morceaux orientaux en jouant du violon, le corps de l’instrument posé sur la cuisse, à la manière « Lili LABASSI ». Son dernier enregistrement « Ô FRANCAIS DE FRANCE. » rend hommage à son père, à son pays, à son quartier : Bab El Oued

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Lucky STARWAY, alias Lucien SERROR, fait hélas partie de ceux qui laissèrent la vie de l’autre côté de la Méditerranée. Chef d’orchestre fortement influencé par les mélodies de Glenn MILLER, d’où son patronyme, sa notoriété lui vaut de faire danser toute une jeunesse au Casino de la Corniche, justement réputé par sa situation exceptionnelle et son ambiance musicale de très haute qualité. La bombe installée sous la scène par un employé musulman tue et mutile à jamais ; parmi les victimes, le Chef d’Orchestre, véritable « armoire à glace », montagne de bonhomie et de gentillesse, musicien de talent, enfant de Bab El Oued, de cette avenue de la Bouzaréah qu’il sillonna tant de fois et qui résonne, encore de nos jours, de ces morceaux arrangés à la sauce américaine.
Lucky STARWAY fut accompagné par « son » peuple, « son » quartier, « son » pays jusqu’à sa dernière demeure rejoindre Glenn MILLER au Carnégie Hall de l’éternité.

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Philippe CLAIR, Polo le bègue de la famille HERNANDEZ, fut l’un des premiers enfants de Bab El Oued avec Robert CASTEL à connaître le succès en métropole. En tapant sur « la Grande Zohra » et les nouveaux maîtres de l’Algérie, il fit rire ses compatriotes qui se retrouvèrent dans ses propos. Le baume au cœur qu’il dispensait à ses frères de l’exil parvint aux oreilles d’imprésarios qui lui firent enregistrer plusieurs 45 tours qui s’arrachèrent. Appuyé sur un accent à couper au couteau, il se lança dans le cinéma et plus particulièrement dans la réalisation de films comiques. Avec Aldo MACCIONE et surtout Jerry LEWIS qui accepta le rôle principal de « Par où t’es rentré, on t’a pas vu sortir » (relevez la subtilité du titre !), il connût la consécration. Le rire étant pour le français considéré comme un art mineur, Philippe CLAIR semble avoir largué les amarres d’avec le cinéma comme il le fit en quittant sa terre natale. Définitivement ?

Nombreux sont les musiciens qui sortent du rang. Lucien ATTARD, l’élégant accordéoniste devenu chef d’orchestre à l’allure de dandy, une rose à la boutonnière, qui charme les femmes du Tantonville où il se produit lorsque ses contrats lui en laissent le loisir sous le regard critique de son épouse, la chanteuse Mary Lou ; Pierre MARC chef d’orchestre à la réputation flatteuse qui concurrence Lucky STARWAY ; Henri RIERA qui débute à Bab El Oued avant de réussir une brillante carrière à Paris ; Martial AYELA qui connaît la consécration nationale en accompagnant Enrico MACIAS de nombreuses années à l’instar de Michel GESINA de la Basséta et qui enregistre une superbe chanson où il laisse transparaître sa nostalgie de la ville natale « ALGER RETROVISION » ; René COLL et son orchestre qui fait encore danser les pieds noirs (et les autres) en métropole ; les chanteurs ne sont pas en reste avec la douce et jolie Anita MORALES, mélange de Gloria LASSO et DALIDA qui souffrit non pas de la comparaison mais seulement du manque d’imprésario sérieux à Paris mais qui réussit sa reconversion au sein de la « famille HERNANDEZ » ; le trio LOS ALCARSON, enfants de la Basséta, à la voix de velours, aux mandolines langoureuses et au répertoire puisant dans le large registre de chansons hispanisantes qui, malgré quelques 45 tours de belle facture, continue à officier dans les cafés de Bab El Oued à la grande satisfaction d’une clientèle conquise; Luc DAVIS « authentique pied noir » par ses origines antillaises, cible affectueuse de Bab El Oued, à la voix chaude et envoûtante qui cumule répertoire français et créole avec un égal bonheur, accompagné par son pianiste de toujours, Pierre SISTE, les derniers nés, enfants du trio RAISNER, les COMPAGNONS DE L’HARMONICA imitent leurs aînés avec toute la fougue de leur jeunesse.
Tout ce petit monde artistique se retrouve une fois par semaine aux « galas du Marignan » devant une foule d’initiés ou, plus prosaïquement, amateurs de chansons sous la houlette d’animateurs locaux tels Jacques REDSON, Paul TRINCHANT, Jacques BEDOS, PAULINET, le fameux chansonnier ou LANCAR surnommé DARBEZ, de l’A.M.A.B.E.O, roi des comiques de Bab El Oued.

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Alger, terre de feu et de ciel, terre d’amour et de miel, de courage et de contrastes attire les artistes de tous poils. Les écrivains GIDE, MONTHERLANT, DAUDET, LOTI , FROMENTIN ouvrent la voie à toute une pléiade de plumitifs en mal d’inspiration.
Les artistes-peintres découvrent, alors, l’exotisme aux portes de Marseille. Un orientalisme qui va bouleverser leurs existences et par delà, leur œuvre.
DELACROIX, MARQUET, GERICAULT plongent en ce pays avec la force de leur peinture dans le monde mystérieux d’un Orient fascinant. Ils enfanteront nombres d’artistes reconnus ( DINET, LEROY, BROUTY ) qui s’enticheront de la villa ABD EL TIF, maison mauresque sur les hauteurs de Mustapha à la mesure de leur ambition et de leur éblouissement. Regroupés sous le nom d’Ecole d’Alger, ces peintres ressentent une certaine perception du pays qu’ils délivrent au sein de leurs ouvrages. Les sculpteurs Paul BELMONDO et André GRECK s’y rattachent, entraînant d’autres artistes derrière eux. Des pieds noirs feront partie de cette école d’Alger. Armand ASSUS, Emile AUBRY, Eugène DESHAYES, Marcello FABRI, Louis FERNEZ, Augustin FERRANDO, Constant LOUCHE, Louis RANDAVEL.......
Bab El Oued apportera sa modeste contribution à l’art pictural algérien grâce à Sauveur GALLIANO « lauréat de la casa VELASQUEZ », Vincent BAEDA, Yves BACARISAS qui fut également pensionnaire de la Villa VELASQUEZ et quelques autres qui peignirent leur terre natale avec pour seule ambition de conserver les images heureuse du pays natal.
L’un des plus grands compositeurs français Camille SAINT-SAENS qui se rendit célèbre par son opéra SAMSON ET DALILA , sa DANSE MACABRE et son CARNAVAL DES ANIMAUX s’ouvrit à ce pays avec délectation. Il lui dédia en 1879 une SUITE ALGERIENNE majestueuse dont nul ne sait si l’inspiration d’une telle œuvre ne lui fut pas, pour tout ou partie, révélée par Bab El Oued qu’il arpenta de long en large lors de ses nombreuses visites.
Il mourut à Alger où il résidait en 1921 et la ville blanche lui rendit hommage par son superbe Boulevard SAINT-SAENS.


samedi 28 novembre 2009

ALEXANDRE ARCADY


Alexandre Arcady est né à Alger en 1947 d'une mère juive pied-noir et d'un père d'origine hongroise - comme le patronyme de son fils. La famille s'installe en France en 1961 et, après ses études, Alexandre s'essaye à la mise en scène de théâtre, réalise quelques courts métrages et, pour la Télévision, enregistre une représentation du "Dom Juan" de Molière en 1978. Il se fera connaître en interprétant, dans AVOIR 20 ANS DANS LES AURÈS (René Vautier, 1972), le rôle de Noël, soldat de l'armée française engagée dans la guerre d'Algérie, qui refuse de combattre puis déserte. LE COUP DE SIROCCO, son premier long métrage, est largement autobiographique. C'est aussi le premier qui s'adresse au public des « Pieds-Noirs » émus de retrouver, dans cette chronique nostalgique de l'exil, le souvenir du « pays perdu ». Interprété par des comédiens hauts en couleurs, Marthe Villalonga, Roger Hanin, Patrick Bruel, qu'on retrouvera souvent dans la suite de l'œuvre du cinéaste, LE COUP DE SIROCCO sera un succès inattendu et prometteur. « D'une manière ou d'une autre, il y aura toujours dans mes films quelque chose qui sera marqué par l'Algérie et la Méditerranée » avait déclaré Arcady avant d'entreprendre LE GRAND PARDON. Situé dans le quartier parisien du Faubourg et de la Butte Montmartre, le film est en effet la description quasi sociologique d'une famille juive immigrée d'Algérie. Film policier dans lequel nombre de critiques trouvent des similitudes avec LE PARRAIN de Francis Ford Coppola (1972), LE GRAND PARDON rencontra un vaste public et conforta la réputation de son auteur de cinéaste à succès. Pour LE GRAND CARNAVAL, Arcady disposa d'un budget dix fois supérieur à celui du COUP DE SIROCCO. Il put ainsi faire évoluer des centaines de figurants, des tanks et autres véhicules militaires, des bateaux, pour reconstituer le débarquement américain en Algérie du 8 novembre 1942. Avec HOLD-UP, Arcady quitte le continent africain pour installer ses caméras au Canada, à Montréal, et diriger la star du moment, Jean-Paul Belmondo, dans un polar classique. Après le relatif insuccès de HOLD-UP, le cinéaste retourne en Afrique du Nord pour DERNIER ÉTÉ À TANGER. L'intrigue, celle d'une vengeance mettant aux prises deux gangs adverses, est cette fois sans rapport avec l'Histoire, passée ou actuelle, et le film, où Roger Hanin est encore en haut de l'affiche, passe inaperçu. C'est sans doute la raison pour laquelle Arcady, avec L'UNION SACRÉE et POUR SACHA, revint à des sujets enracinés dans la réalité contemporaine. Le premier dénonce le fanatisme d'où qu'il vienne et prône la tolérance entre les communautés juive et arabe. Le second est une histoire d'amour sur fond de conflit israélo-arabe à l'époque de la Guerre des Six Jours, en 1967. Les deux réconcilient leur auteur avec un succès qui l'incite à reprendre, avec LE GRAND PARDON II, la recette du premier opus réalisé dix ans plus tôt. Cette fois, il transporte l'intrigue et ses personnages aux États-Unis et ce dépaysement explique peut-être une certaine désaffection du public. Mélodrame aux accents de conte de fées, DIS-MOI OUI ne rencontrera pas le succès escompté. Arcady va retrouver alors ses préoccupations de cinéaste qui se veut responsable et engagé, à la manière d'un Costa-Gavras auquel on le compare parfois. C'est ainsi que K (première lettre de Kadish qui est, dans la religion juive, la prière des morts) utilise comme ressorts dramatiques le souvenir de la Shoah, l'antisémitisme historique et toujours actuel, la montée du néo-nazisme, la chute du mur de Berlin, la première Guerre du Golfe. K est un thriller politique comme le cinéaste les aime. Dans LÀ-BAS... MON PAYS, Arcady revient sur les traces de son enfance et signe une œuvre qui dénonce la montée de l'intégrisme et le sort fait à la femme dans l'Algérie d'aujourd'hui. C'est en Roumanie qu'Arcady situe l'intrigue d'ENTRE CHIENS ET LOUPS, où des tueurs (Richard Berry et Saïd Taghmaoui) sont envoyés à Bucarest pour exécuter un politicien véreux. Le cinéaste trouve ici une nouvelle occasion de stigmatiser la corruption de certains politiques dont le comportement est en tous points comparable à celui des truands qu'ils sont censés combattre.

vendredi 27 novembre 2009

ROBERT COHEN


Robert Cohen a traversé le ciel du noble art comme une étoile filante. Parti d'Oran (Algérie) avec l'espoir de faire carrière sur le sol français, il a gagné tous les titres possible (français, européen et mondial) en moins d'une année. Sa carrière professionnelle n'a seulement duré que cinq années lors desquelles il a donné l'image d'un champion doué et attachant.
Il ne lui aura fallu que neuf mois pour tout connaître. Entre novembre 1953 et septembre 1954, Robert Cohen a remporté les titres français, européen et mondial des poids coqs et s'en est allé pour conquérir d'autres succès dans sa vie professionnelle. Sur les rings, le petit Algérien, né le 15 novembre 1930 dans le quartier du port de Bône, a laissé l'image d'un homme courageux et doté d'un sens du combat très affiné.Robert Cohen découvre la boxe en février 1948 en livrant des assauts amateurs organisés dans sa ville. Tour à tour plombier, forgeron ou menuisier, l’adolescent de confession juive ne rêve plus que de mettre les gants. Malgré l'interdiction de son père qui n’affectionne pas ce sport, Robert se rend assidûment à la salle dirigée par Roger Léon. Son tempéramentde battant lui permet de remporter le championnat d’Algérie en 1949 puis de se hisser en demi-finale du Tournoi d’Afrique du nord. A 21 ans, Cohen atteint la finale du championnat de France. Malgré la défaite, il séduit pourtant Gaston-Charles Raymond par sa fougue. Celui-ci, ex-aventurier des rings américains (dans les années 30, il livra 163 combats, dont 132 victoires, des mouches aux plumes) et manager associé à l’Avia Club des frères Méquillet, le convainc de passer professionnel à Paris.Ouvrier à la chaine chez Renault lorsqu'il débarque avec son frère Léon dans la capitale en juin 1951, Cohen remporte huit de ses neuf premiers combats pros, puis quatorze autres l’année suivante au cours de laquelle il lave son seul affront devant Robert Meunier. Rien ne semble résister à ce prodige qui surclasse ensuite le vieux gitan Théo Médina, ex-champion d’Europe. En novembre 1953 à la salle Wagram, le jeune espoir (23 ans) dispose de Maurice Sandeyron aux points et décroche son premier titre, celui de champion de France des coqs. Quatre mois plus tard à Belfast, Cohen punit le tenant européen, John Kelly, en huit minutes à Belfast. Après trois autres succès, notamment à Tunis devant le Transalpin Mario D’Agata, il est désigné challenger au titre mondial laissé vacant par l'Australien Jimmy Carruthers.Il lui faut alors parcourir 8 000 km pour relever le défi sur les terres du Thaïlandais Chamrern Songkitrat. La mousson est au rang des invités le 19 septembre 1954 à Bangkok où 69 972 spectateurs soutiennent
leur champion façonné à la boxe pied-poing. Mais sans l'apport de ses jambes, l'Asiatique n'a pas la même envergure et Robert Cohen, pourtant victime d'une fracture du pouce de la main droite et coupé à l'arcade droite, s'impose aux points. Un mois plus tard à New York, il reçoit des mains de Nat Fleischer la fameuse ceinture du Ring Magazine. La NBA impose à Cohen d’affronter dans les deux mois son challenger officiel, l’invaincu mexicain Raul Macias. Mécontent, son manager parisien refuse l'injonction et annonce son intention d'organiser une première défense en Afrique du Sud. Devant ce fait, la NBA destitue le français. Alors que Macias s’empare de cette portion du titre devant Songkitrat en mars 1955, Cohen, toujours reconnu par la commission de New York et l’IBU, frôle l’irréversible à quelques jours de son départ vers Johannesburg. Sur la route du retour vers son camp dans la forêt de Rambouillet, il est victime d’un accident de voiture. Souffrant de fractures à la mâchoire, de plaies au visage et de multiples contusions, le champion est immobilisé durant de longues semaines. Robert Cohen craint une nouvelle destitution. Mais les deux organisations acceptent un report au 3 septembre pour affronter l’invaincu sud-africain, Willie Toweel.A quelques heures du choc, le 3 septembre 1955, c'est la panique. Robert souffre d’une crise de furoncles à la joue gauche. Encore alité la veille du combat, il sait qu'il ne peut reculer sous peine d’être déchu. Pour la pesée, Charles Gaston maquille les énormes plaies avec du talc. Mais dans les vestiaires, l’inquiétude pèse lourdement. Devant plus de 30 000 spectateurs, le Français, pourtant plus petit (1,58 m contre 1,71 m) et victime d'une nouvelle fracture du pouce de la main droite, sauve sa ceinture en faisant match nul. Lors de ce voyage en Afrique du Sud, Cohen rapporte un trésor encore plus précieux. Sur les plages de Durban, il rencontre Zita, l’amour de sa vie.Trois mois plus tard au Vel d'Hiv', alors qu’il n’a pas récupéré de ce dur affrontement, Cohen lance un défi au champion de France des plumes, Cherif Hamia. Battu en puissance, le champion du monde est envoyé au tapis aux 2e et 7e rounds avant d’être arrêté sur blessure au 10e. A 26 ans, écoeuré par les manipulations crapuleuses de certains membres de son entourage, il perd son titre mondial, par arrêt de l'arbitre à l'appel du 7e round, le 29 juin 1956 au stade Olympique de Rome, face au sourd-muet Mario D'Agata.Contre toute attente, il annonce son retrait des rings pour se consacrer à la gestion des entreprises de son beau père, riche industriel au Congo Belge (Zaïre). Mais ses vieux démons le poussent à livrer un dernier combat, puis à ouvrir une salle dans les quartiers d’Elisabethville avant d'endosser la responsabilité technique de l’équipe amateur du Zaïre. Installé aujourd'hui à Bruxelles, Robert Cohen (36 victoires, 13 avant la limite, 3 nuls et 4 défaites) laissera à jamais l’image d’un champion surdoué, intègre et généreux.
Thierry Raynal

mercredi 25 novembre 2009

LA LANGUE DE CHEZ NOUS AUTRES -2-

ALLATCHE: grosse sardine. Les pataouètes qui aimaient pas le poisson y préféraient qualifier les grosses femmes d'allatches.
"Tain d'allatche, cette gonzesse, elle déborde de partout, dé!

ALLIGATOR : c'est comme ça que le pataouète, il appelait les chemises Lacoste. Qué, des Lacoste, des Alli gators.
ANDAR ET VENIR: aller et retour en version pataouète. Le paséo espagnol qu'on tapait en sillonnant l'Avenue de la Bouzaréah.
AOUFFA: à Alger cuila qu'il a pas mis en pratique cette façon d'entrer dans un stade, un cinéma, un théatre ( la vérité, je pourrais en faire des pages et des pages!), c'est pas un homme. c'est pour ça qu'on les appelait des gamates. C'était pas des resquilleurs, quoi!
--"Et comment je vais au stade, j'ai pas un demi sou?"
--"Tch'as qu'à rentrer à ouf ou mieux à ouffa!"

AOUAH: avec un point d'exclamation, c'est quand on est dégouté de la vie, qu'on a qu'une seule envie, c'est d'aller se jeter au kassour comme Schétrit quand y perdait tous ses noyaux!
--"Aouah, ch'uis nul et non avenue!" (cuila qui sait de quel esprit tordu, elle est sortie cette expression......)
AOUAH: avec un point d'interrogation, sûr c'est une interrogation il aurait dit mon cousin de la cuisse gauche que son vrai nom c'est LA PALICE. Ca veut dire"c'est pas vrai","c'est pas possible menteur que tch'es".
--"hier soir, j'ai donné le compte à la petite Solivérès!"
--" Aouah?"
A SUIVRE......

IL ETAIT UNE FOIS BAB EL OUED - 2 -

CHAPITRE PREMIER
HISTORIQUE
LA NAISSANCE


Nous sommes en 1845. Hors les murs de la citadelle, un nommé LICHTEINSTEIN, de nationalité allemande, possède la jouissance d’un terrain de vingt-cinq hectares qu’il aurait acheté, pour « une poignée de figues », à un juif superstitieux, désirant se débarrasser de cet ancien cimetière........ israélite.
Son intention de créer une cité en lieu et place du conglomérat d’habitations utiles aux travailleurs qui œuvrent à l’édification et au renforcement des remparts de la ville est soumise au Président du Conseil, le Ministre Nicolas SOULT. Sitôt accepté, le projet voit le jour. La cité BUGEAUD sort de terre grâce au concours de nombreux industriels parmi lesquels quelques aventuriers, escrocs ou spéculateurs qui quitteront le pays, l’opprobre pour seul et unique bagage.
Bab El Oued naît dans la douleur. Les vieilles maisons de torchis, de bouse, de diss et de boue ne résistent pas à l’oued M’Kacel, lors des pluies diluviennes d’octobre qui enjambent le pont BAR CHICHA, construit sur le tombeau de ce grand Rabbin d’El Djézaïr. Pont qui sera détruit par l’oued, reconstruit et rebaptisé « pont de fer ».
Mais le ciel veille sur ce quartier qui comptera plus tard jusqu’à cent mille âmes. Au loin, se détachant sur l’azur, une masse claire se dresse, majestueuse et tentatrice. Cette carrière qui appartient au Procureur de la République à Constantine, Monsieur ROUBIERE, offre le calcaire bleu de ses entrailles pour bâtir le faubourg. Ceinturée de fours à chaux, non loin des jardins du Dey, la montagnette est vendue aux frères JAUBERT dont le nom restera accolé à la construction de Bab El Oued.
Les carriers valenciens retroussent leurs manches, imités bientôt par les maçons piémontais; les briqueteries et les fours à chaux tournent à plein régime, Bab El Oued troque ses habitations éphémères pour des maisons en dur. Suivent les commerces et les professions libérales. Les fortifications sont déplacées en 1848. Elles avancent vers le cœur de Bab El Oued, de la place MARGUERITTE du futur Lycée BUGEAUD à l’Esplanade NELSON, à hauteur du futur boulevard Général FARRE , à deux pas de la mer.
Bientôt, les écoles installent le savoir au centre du faubourg. De partout affluent des familles. La ronde des naissances ancre définitivement cette population issue de nulle part à ce quartier mythique.

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CHAPITRE PREMIER
HISTORIQUE
LA MORT

Bab-El-Oued l’Européenne meurt officiellement le jour de l’indépendance de l’Algérie. Mais ce quartier aux mille parfums d’épices, aux amitiés éternelles et aux fausses rancunes, aux coups de colère légendaires et aux visages burinés par le soleil et la mer a cessé d’exister avec le départ des premiers « exilés involontaires pour raison d’état ».
Le coup de grâce survient au mois de mars 1962 avec la signature des accords d’Evian, le blocus de Bab El Oued et la fusillade de la rue d’Isly. Dés lors, chacun s’emploie à prendre un billet d’avion ou de bateau afin de fuir la curée. Une tristesse indicible accompagne la descente aux enfers de ce peuple qui aurait pu donner des leçons d’optimisme et de joie de vivre au monde entier. Les pas des derniers promeneurs qui, par reflex d’habitude, par inconscience aussi, effectuent l’ultime « andar et venir
1 », le dernier « paséo2 », la suprême « passegiata » de l’avenue de la Bouzaréah, se perdent dans l’assourdissante résonance d’un silence de mort. L’avenue ouverte aux quatre vents de l’amitié d’enfance, du voisinage des balcons, de la fureur des rues et du fou-rire de l’insouciance renvoie l’image d’un voyage au centre de la solitude. Les magasins aux yeux clos ont, pour la plupart, déjà tiré leur révérence. D’autres, vitrines exsangues et patrons sur le pas de la porte, attendent l’hypothétique clientèle. Ce petit homme au costume fané demeure à l’intérieur de son atelier d’horlogerie, dans cette autre maison où il a vu défiler les heures de sa vie et de son quartier. Devant sa machine à polir inerte, il écoute la musique insolite du silence. Comment prendre la décision de partir pour un ailleurs impossible et dérisoire ? Comment ?...
Le moindre bruit fait aujourd’hui sursauter des hommes et des femmes habitués à la fureur des pays méditerranéens où l’éclat de rire demeure le son le plus répandu. On se retourne machinalement pour s’assurer que personne n’a de mauvaises intentions ou dans l’espérance de voir une dernière fois un visage ami. Au détour d’un café dont le rideau reste désespérément baissé, la machine à remonter le temps entraîne vers la douceur des jours heureux lorsque la multitude envahissait ces temples de l’amitié qui s’égaraient parfois dans un verre d’anisette. Le temps s’est arrêté aux Trois Horloges lors du blocus de Bab El Oued. Ses aiguilles qui tricotaient la vie d’un petit peuple fier de la sueur des aïeux, qui battaient au rythme des chansons napolitaines, des mélopées judéo-arabes et des mandolines espagnoles avaient partagé les petites joies et les grandes peines de cette comédia dell’arte permanente qui sévissait dans le quartier. Elles se sont essoufflées à tenter de suivre la course endiablée de la jeunesse et le cœur fatigué, elles se sont éteintes avant l’heure, avant la déchirure, avant le grand départ. A jamais. A toujours.
Le cimetière des balcons accompagne le dernier convoi de l’exode. Des rangées d’épingles orphelines espèrent encore la grande parade multicolore du linge séchant au soleil. Témoignage de vie, témoignage de Méditerranée, les terrasses ouvertes sur la mer assistent au chaos d’un départ salvateur. Les persiennes de bois refermées, les immeubles semblent prolonger la sieste des fantômes du faubourg. La vie est partie de ce grand corps inerte. Le squelette de Bab El Oued mettra des années à se désintégrer. Les murs sont debout mais ils ne répercutent plus les bruits et les senteurs d’autrefois. Bab El Oued la française, Bab El Oued la tricolore, Bab El Oued l’européenne a glissé lentement de la réalité à l’imaginaire. Elle s’est fondue dans le moule commun du souvenir de ses enfants,
Elle n’est plus que NOSTALGIE.

lundi 23 novembre 2009

LA LANGUE DE CHEZ NOUS AUTRES.-1-

La langue de chez nous autres, elles utilise tous les dialectes, toutes les expressions, toutes les langues latines pour dire les phrases et les mots qui nous passent par la tête. Alors, plutôt que de vous saouler sans anisette, mieux je vous tape le dictionnaire de chez moi pour vous parler du dictionnaire de chez nous autres. C'est un mélange "trabadia la mouquère" avec des zestes venus de tous les citronniers du monde entier mais c'est cuila que je parlais dans ma famille qu'elle est issue de Bab El Oued mais aussi de la casbah judéo-arabe. Mon maitre d'orthographe de la rue Rochambeau y s'en est allé rejoindre le pays de bon dieu ousinon y meurt de mauvais sang.

AZRINE :
personnage essentiel du folklore pataouète. Alors, obligé, à tout seigneur, tout honneur.
Cuila, pire que l'arlésienne. Tout le monde il en parlait et personne y le voyait! C'était cuila qui savait tout, le personnage imaginaire par excellence.
"Même Azrine il aurait échoué à cet examen tellement qu'il était difficile!" y disait le garçon qu'il était nul en tout!
"Azrine y vient, j'bouge pas! " y répondait Polo à sa mère qui lui demandait de se lever de la sieste.
ACHNO: exclamation arabe que le pataouète il a adopté pour remplacer le terme français "incroyable"
"En arrivant au stade, Achno, le monde, dé! On aurait dit qu'y avait tout Alger!
A LA BAB ALLAH:
Ma mère, toujours elle nous reprochait de nous coiffer "à la bab allah" pace qu'on se faisait la raie dans les cheveux droite comme les tournants de rue Rovigo.
C'est comme nos lits, on les faisait "à la bab allah." Raïeb Allah!
ABOUTONNER:
C'est plus mieux quand on aboutonne que quand on boutonne un bouton, non!
"Aboutonne ta braguette ou le petit oiseau y va s'envoler"
Ah! nos mères d'Algérie, elles avaient le chic pour dire ces choses là!
AKOBIN:
En français dans le texte, ça veut dire "si dieu veut", genre "à l'année prochaine" parce que si dieu y veut pas, mieux on va se jeter au kassour.
"Allez ma fille! Akobin le mariage avec un garçon qu'il a plein d'argent, hein!"
Et pour un anniversaire, on dit "Akobin l'année prochaine, mon fils" (si c'est un garçon!) Sans ça, on dit "ma fille!". Alors, tout, y faut qu'j'vous dise!
ADA MACANE ET MON CHAPEAU:une expression arabo-pataouète pour clôre la discussion ou la narration.
"J'ai vu Alger plonger dans la mer et disparaitre à l'horizon. Ada Macane et mon chapeau!

AMMAN:Une exclamation qui résume à elle seule "achno" et "aouah". On l'employait quand on restait baba comme Ali.
"Tch'as vu les tétés qu'elle a, dé! Amman, on dirait des ballons de foot!" En fait, quand on disait "amman", c'est que vraiment, y en avait trop!
AFFOGUER: donner le compte bien, bien comme Cerdan qu'il a affogué Tony Zale qu'encore aujourd'hui, il a rien compris.
A SUIVRE.........

IL ETAIT UNE FOIS BAB EL OUED

CHAPITRE PREMIER

HISTORIQUE

LA REGENCE

Bab El Oued n’existe pas encore. La porte de la rivière, si! La rivière M’kacel dévale les pentes du Birtraria ( Frais Vallon ) à chaque automne détruisant tout sur son passage et sa colère ne connaît pas de limite. Bab El Oued est un lieu-dit, une zone géographique, un repère sur les cartes, hors les murs de la citadelle, qui n’a d’autre existence que le nom de son souk, de son fort et de sa porte.
La porte de Bab El Oued est très basse et en chicane. C’est un long passage voûté fermé par une poterne aux deux battants renforcés d’arceaux de fer. Le fossé d’enceinte est comblé et l’on accède de plein pied aux constructions extérieures de la ville.
Devant la porte, sur un piton rocheux battu par les vagues, s’élève le Fort Neuf que certains affublent du sobriquet irrévérencieux, Bordj El Zoubia, en raison des immondices déversées à ses pieds. Il fut édifié par Mustapha Pacha en 1802. Un peu plus éloigné du littoral, le Fort des 24 Heures, Bordj Bab El Oued, commencé sous la régence de Mohamed Pacha en 1567 et achevé en 1569 sous le règne de Ali El Euldje. Il sera démoli pour construire l’arsenal de l’artillerie situé à l’emplacement du futur square Nelson.
Au-delà de la porte Bab El Oued qui sera rasée en 1846 pour être rebâtie à l’extrémité de l’Esplanade où s’étageront les cinq jardins Guillemin, s’étendent les « fahs », petites agglomérations formées d’habitations, d’ateliers, de fondouks, de cimetières et d’édifices religieux. Une fonderie de canons datant du XVIII ème siècle côtoie les fours à chaux, les carrières, les tuileries, les briqueteries.
Les carrières de Bab El Oued exploitées par le Beylick représentent la principale industrie de la ville d’Alger. La pierre extraite sert à la construction d’habitations mais aussi et surtout à l’édification et au renforcement des enceintes et des six portes de la forteresse qui défend la ville. Quant aux fours à chaux qui côtoient les luxuriants jardins du Dey où sera édifié l’hôpital Maillot, ils laisseront pour la postérité une appréciation amicale dans le vocabulaire pataouète "fourachaux" qui désigne un homme malpropre ou manquant de finesse d’esprit

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Les grottes de Bab El Oued, à l’orée de la campagne environnante, abritent des kabyles et des berbères qui ne travaillent qu’épisodiquement aux carrières et à la fonderie dont les emplois sont « réservés » aux captifs chrétiens.
L’eau est domestiquée par la création à la fin du XVI ème siècle d’un aqueduc de style romain qui capte les sources du BIRTRARIA pour alimenter les quelques cent cinquante fontaines et puits que compte Bab El Oued, assoiffé par les nuisances dégagées des carrières et des fours à chaux.
Sur un petit promontoire que prolongent les cimetières juifs et musulmans, un mausolée abritant les dépouilles de sept deys de la régence d’Alger regarde la mer aux côtés de deux tombeaux de rabbanim judéo-espagnols chassés par l’inquisition médiévale de Pierre le Cruel en 1391 et réunificateurs du judaïsme algérien.
Ainsi se présente Bab El Oued à l’arrivée des français en 1830.


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CHAPITRE PREMIER
HISTORIQUE
LA CONQUÊTE


Nous sommes en 1830. L’empire ottoman capitule. Le Général De BOURMONT entre dans la capitale sous les acclamations des juifs qui prennent en marche le train de l’émancipation française sous le regard indifférent des Maures circonspects en attendant des jours meilleurs.
A l’emplacement du futur lycée BUGEAUD se dresse l’austère porte de Bab El Oued qui, à l’instar des cinq autres portes de la ville, constitue une forteresse inexpugnable pour tout envahisseur terrestre. Au-delà, le cimetière israélite accueille les suppliciés mis à mort par une Régence sanguinaire pour laquelle la vie d’un juif est moins importante que celle d’un cheval ou d’une bête de somme.
Contrairement à la porte Bab Azoun qui s’ouvre sur un fondouk côtoyant les commerces de nuisance établis hors la citadelle, la porte Bab El Oued, inondée à chaque automne par les débordements de l’impétueux Oued M’Kacel rayonne vers la colline de la Bouzaréah d’où émergent de gracieuses « djenans », demeures de style hispano-mauresque blanchies à la chaux, autour des « fahs » de la campagne d’El Djézaïr.
Entre les deux portes, séparant un labyrinthe de ruelles étroites et parfois nauséabondes, s’étire une longue zébrure aux abords du Palais de la Jénina où réside le Dey. Cette artère commerçante, la rue des souks, Souk El Kébir, se veut la délimitation entre la haute et la basse ville.
L’armée ignore tout ou presque du pays et de ses habitants. Mais l’intendance trouve les ruelles trop étroites, les habitations insalubres et dégradées. Aussi, encourage t-elle les démolitions et la casbah voit ainsi son visage travesti par des architectes français et italiens ignorant l’importance de l’ombre en ce pays.
On perce, dès 1832, les rues Bab Azoun et Bab El Oued sur l’emplacement de la caserne des Janissaires « Salik Pacha », la plus belle d’El Djézaïr, posant ainsi sans même le savoir, le premier jalon de ce qui deviendra le populaire, populiste et populeux quartier de Bab El Oued.
La rue Bab El Oued prend son envol sur une place aérée où trône dans sa parure éclatante de blancheur, la mosquée Djamâa El Djédid, « la mosquée neuve », érigée en 1660 grâce à la générosité des janissaires turcs. Cette place s’appellera, tour à tour Place Royale sous Louis Philippe, Place Nationale en 1848 et Place du Gouvernement en 1870. Elle demeurera dans l’esprit des enfants d’Alger, la Place du Cheval en hommage à la statue équestre du Duc D’Orléans.
On construit un « Hotel de Malte » rue de la Marine et des cabarets à chaque coin de rue. En 1837, on en dénombrera près de cent soixante qui feront le bonheur de tous les buveurs d’absinthe, " la fée verte ". Quant à la rue de Bab El Oued, elle se pare de nombreuses boutiques, damant le pion à la rue des Consuls et son réputé " Hôtel des Ambassadeurs " ainsi qu’à la rue de la Marine, visitée pour le chic de ses commerces, son " Hôtel d’Europe " qui sera le lieu de résidence d’Alphonse DAUDET en 1862, sa " cour des miracles ", hôtel borgne qui sera démoli quelques années plus tard sur ordre de la préfecture pour " inconfort et insalubrité " et ses " bas fonds " tentateurs. Les premiers habitants de la rue Bab El Oued sont des juifs de la " hara
1 " amputée par les autorités françaises de sa partie la plus délabrée afin d’ouvrir les rues de Chartres et de la Lyre sur l’emplacement de l’ancienne mosquée Mezzo Morte affectée depuis 1830 à un hôpital militaire.
Bien à l’abri sous ses massives arcades, elle offre aux promeneurs le visage d’une artère commerçante où s’échelonnent des brodeurs d’or sur soie, des tisserands, des tailleurs d’habits, des orfèvres d’art, des passementiers, des luthiers, des savetiers et toutes sortes de petits boutiquiers d’artisanat. Pour la plupart israélites, ces travailleurs manuels opèrent devant une clientèle médusée de tant de savoir-faire. Plus tard, les Bazars Salomon, d’Orléans, du Diwan et de Rovigo attireront la curiosité des touristes par la diversité des marchandises importées par les négociants israélites, grands voyageurs devant l’Eternel.
Place Royale, le Café d’Apollon devient le lieu privilégié de nombreuses et douteuses transactions immobilières, cadencées par la musique militaire des concerts de fin d’après-midi qui se déroulent sur l’estrade d’un kiosque similaire à ceux des villes de France, curiosité de toute une foule de promeneurs qui prennent « la fraîche ».
Déjà, l’intendance s’aperçoit de la vétusté des deux grandes artères Bab Azoun et Bab El Oued. Aussi, décide t-on de tracer une route en contournant le vaste cimetière qui s’étend de la place où s’élèvera le Grand Lycée, plus tard Lycée BUGEAUD, à l’esplanade de l’arsenal militaire où seront aménagés à la demande de Napoléon III, les jardins GUILLEMIN. Ces lieux ombragés, dont l’impératrice EUGENIE, déplora l’absence lors de sa visite à Alger en 1861, verront le jour au début du XXème siècle.
Ces espaces verts qui offrent une ouverture sur la colline toute proche de la Bouzaréah annoncent, déjà, le futur développement de Bab El Oued.

TIRE DE "IL ETAIT UNE FOIS BAB EL OUED" DE HUBERT ZAKINE

BACHAGA BOUALEM




Il y a 50 ans, le 10 décembre 1958, le Bachaga Saïd Boualam était élu vice-président de l’Assemblée nationale.
Au cours de son Assemblée générale, le 12 décembre, au Sénat, dans l’enceinte de la chambre haute du Parlement de la République, le CLAN lui a rendu hommage.
Saïd Boualam, décédé en 1982, était né à Souk-Ahras le 2 octobre 1906. Officier de l’Armée française, Maire de Lamartine, député, il était Commandeur de la légion d’Honneur, Croix de guerre (39/45) avec deux citations, croix de la valeur militaire (2 citations).
Bachaga de l’Ouarsenis, il devient responsable de la harka de la région en juillet 1956, mais son autorité morale très vite s’étend bien au-delà de sa harka. Une autorité et une réputation qui en font une cible privilégiée. Il paiera extrêmement cher son engagement. Trente-deux membres de sa famille tués, dont l’un de ses fils, un de ses gendres et son frère.
Après le 19 mars 1962, des milliers de membres de sa harka seront assassinés.
A l’Assemblée nationale, le 5 juin 1962, il dénoncera ces crimes et lancera un appel poignant :
Mesdames Messieurs, depuis 18 ans ma place était parmi les miens en Algérie. Pendant ce temps vous arrêtiez notre destin. Je reviens aujourd’hui vous demander qu’avez-vous fait de nous ? J’ai servi la France après mon père pendant 56 ans. J’ai donné au pays un de mes fils. J’ai été loyal jusqu’au bout. J’ai engagé tous les miens "…. " Pourquoi n’avez-vous pas depuis des mois regroupé et protégé tous ceux qui sont désarmés ? Pourquoi menacer de sanctions les officiers qui se sentent jusqu’au bout responsables de la vie de leurs hommes et organisent leur retour vers la France ?... " " Il est encore temps. La France sait être grande et généreuse… il s’agit dans ce désastre de sauver l’honneur de notre patrie »
Le 18 mai 1962, avec ceux qu’il avait pu sauver du massacre, il devait s’installer à la limite de la Camargue au "mas Thibert" ; endroit qui est vite devenu lieu de rassemblement puis de recueillement.

DOCTEUR CHERIF SID CARA

Né le 26 novembre 1902 à Mila (département de Constantine), décédé le 6 mars 1999 à Grenoble, le Dr. Chérif Sid Cara fut une des principales personnalités politiques musulmanes pro-Algérie française pendant la guerre d'Algérie, et un des trois seuls secrétaires d'État algériens musulmans de la République française après Abdelkader Barakrok et avant sa sœur Nafissa Sid Cara, après laquelle il fallut attendre 40 ans et un nouveau gouvernement de droite pour voir un membre musulman dans un gouvernement français, Tokia Saïfi, rejointe ensuite par un vétéran de l'Algérie française, Hamlaoui Mékachéra.
Il fut tour à tour conseiller de la République, c'est-à-dire sénateur (élu le
8 décembre 1946 sur la Liste démocratique d’union franco-musulmane, réélu le 7 novembre 1948 et le 18 mai 1952), puis député (élu le 20 septembre 1953, réélu le 30 novembre 1958 sur la liste de l'Union pour le renouveau de l’Algérie française). Il siégea au Sénat en tant que membre apparenté au "Groupe du rassemblement des gauches républicaines et de la Gauche démocratique" d'avril 1949 à septembre 1953.
Il exerça également divers mandats locaux en Algérie: adjoint au maire d'
Oran dès 1935, réélu en 1953, maire de Misserghin (département d'Oran) jusqu'en juillet 1962, membre du conseil régional d'Oran, président du conseil général d'Oran (1955-1962).
Il fut brièvement secrétaire d'État à l'Algérie à la fin de la
Quatrième République dans les gouvernements Bourgès-Maunoury (12 juin - 30 septembre 1957) et Gaillard (6 novembre 1957 - 15 avril 1958).
Il devint ensuite coprésident, avec le général
Jacques Massu, du Comité de salut public (pré-putschistes pro-Algérie française qui forcèrent l'arrivée de de Gaulle au pouvoir) en mai 1958, puis réélu en novembre à l'Assemblée nationale, où il siégea jusqu'en 1962.
En
1959, sa sœur Nafissa Sid Cara fut élue députée d'Alger et entra au gouvernement français jusqu'en 1962.
Lui-même putschiste en 1958, Chérif Sid Cara, en tant que président du conseil général d'Oran, publie avec vingt autres conseillers généraux un communiqué de soutien le
24 avril 1961 au putsch d'Alger des généraux Raoul Salan, Maurice Challe, Edmond Jouhaud et André Zeller. Ils y « saluent avec ferveur l’aube d’une Algérie définitivement française, gage évident d’une fraternité réelle… », et « …présentent l’hommage profondément ému de leur reconnaissance à l’armée française et à ses chefs dont ils se déclarent totalement solidaires… ». Il est décédé en 1999.

dimanche 22 novembre 2009

CHARLES BROUTY







CHARLES BROUTY appartient à une génération d'artistes qui a donné ses lettres de noblesse à l'Algérie dans le domaine artistique. L'artiste est bien un fils de la Méditerranée, il est né en mer. Après des études classiques au lycée de Nîmes, il suit l'enseignement de l'Ecole des beaux-arts de la ville, et, guidé par sa passion, réalise dessins et illustrations pour des journaux du Sud et du Sud-Est.
Arrivé à Alger, entre 1914 et 1915, il donne à l'Akbar ses premiers dessins et lithographies envoyés de Syrie, imprégnés de ce qu'on peut appeler l'esprit de guerre.Démobilisé à Alger, il œuvre régulièrement pour la grande presse algéroise. L'artiste appartient désormais au monde du journalisme et habite le quartier populaire de Bab-el-Oued.Brouty collabore avec talent à l'illustration de très nombreux ouvrages où il combine, dans ses croquis, choses et gens, ayant leur physionomie propre. Passionnés comme lui par le peuple d'Alger, deux grands artistes, Jean Launois et Etienne Bouchaud, l'accompagnent. En 1930-1931, il obtient la bourse de la Casa de Velasquez, puis le Grand Prix artistique de l'Algérie. Virtuose d'un dessin qu'il a constamment épuré pour le réduire à l'essentiel, Brouty fait preuve dans ses notations d'une maîtrise absolue. Attiré par le désert comme Camus, il a aussi surpris les Touaregs sous leurs tentes, parcouru le Tchad, le Ténéré, s'est arrêté partout - El-Goléa, Ouargla, Ghardaïa, Djanet, In-Salah, Timimoun, Agadès, Nduigmi -, et a fixé le monde nouveau des derricks dans les étendues de sable saharien.
Le journaliste Jean Brune observe :« Charles Brouty n'a plus besoin du parrainage des "grands" qui l'ont précédé sur les sentiers de l'art. Il est lui-même un "grand" et nul ne saurait lui contester la place qu'il occupe. »


Ses petits dessins nerveux, ses aquarelles légères ont piégé la vie autour de lui. Pas n'importe quelle vie : celle du petit peuple de Bab-el-Oued et de la Kasbah. Curieux pouvoir du présent sur les mots !
Bab-el-Oued était un quartier européen et la Kasbah musulmane ; lourd de la dramatique cassure et des drames qui en ont découlé, le présent obligerait à l'emploi du pluriel.
Le singulier est venu tout naturellement du lointain souvenir d'une osmose, bien réelle, dans ce petit peuple, entre des êtres simples, n'ayant pas encore appris qu'ils devaient se haïr. Ils administraient alors « la preuve de ce que l'on peut fondre les hommes en une communauté vivante et fraternelle, quand les esprits et les cœurs ne sont pas empoisonnés par la haine raciale et l'intolérance religieuse. »
La vie de Brouty en est la preuve. Il n'a pas observé de l'extérieur ce peuple disparu. Sa sympathie, sa cordialité instinctive, sa facilité quasi magique de contact lui ont permis de s'y intégrer.
L'artiste « patos », si différent d'eux, avec son crâne lisse, ses sourcils dessinés, ses chemises à carreaux, ses poches bourrées de carnets à croquis, qui ne parlait pas l'arabe, a été adopté et aimé.
Sans lui aussi qui se souviendrait aujourd'hui des Gitans au particularisme farouche qui vivaient tout en haut de la Kasbah, près de la prison civile et à Maison-Carrée ? Il a vécu quelque temps avec eux et leur a consacré une exposition en 1932.
Par la suite, il en retrouvera en Camargue, en Espagne et à Pau en 1982, avec la même sympathie et le même plaisir.
Des peintres venaient alors en Algérie enrichir leur talent au choc de l'exotisme et aux subtilités particulières de la lumière.
Face à leurs œuvres, les dessins de Brouty prennent la valeur profondément humaine d'un témoignage.
Par delà le visuel des djellabas, des haïks, des jupes virevoltantes ou des pantalons flasques croqués sur les trottoirs ou dans les bistrots, Brouty nous restitue un quotidien paisible et chaleureux, un moment de vie d'une communauté plurielle.
Lui qui glissait avec un tel bonheur d'un groupe à l'autre pourrait-on lui appliquer le terme « antiraciste » si souvent employé aujourd'hui ? Impossible, je pense qu'il en aurait ri lui-même tant c'est incongru.
Brouty n'était ni raciste, ni antiraciste, mots de combat intellectuel chargé des excès de la passion. Par-delà son art, sa différence venait du cœur et lui confère une dimension particulière dont il n'a probablement pas eu conscience lui-même.
Il demeure l'imagier précieux d'une forme de vie, mais surtout la preuve qu'elle a existé tant qu'elle n'a pas été dénaturée, puis effacée, par le vocabulaire destructeur (paternaliste, colonialiste, raciste...) employé par ceux qu'elle dérangeait aux temps de l'abandon.
1956 est l'année des bombes meurtrières dans Alger, de la peur qui fait surgir les clans.
Brouty n'est plus « tout droit tombé de la lune » comme l'écrit Emmanuel Roblès, mais bien « dans la lune » tant il en reste à l'écart.
Soudain, le peintre et le poète de tout ce petit peuple de pêcheurs, de gitans, de filles et de yaouleds qui le connaissent et qui l'aiment (3), rattrapé par l'actualité, reçoit un coup au cœur. Lui, si maître de ses réactions, si secret, laisse percer son émotion devant Robert Soûlé, journaliste à « l'Echo d'Alger » : « Tu sais, je crois que c'est complètement foutu parce que, moi, je ne peux plus aller dans la Kasbah ! J'ai essayé de dessiner un peu, les copains m'ont prévenu gentiment qu'il était plus prudent pour moi que je n'y aille plus. »
C'est la fin d'une manière de vivre aimée, d'un monde familier auquel l'attachaient des liens subtils et forts. Lui qui n'a pris aucun parti va en souffrir comme d'un arrachement. Il ne sortait guère de ses quartiers de prédilection, il va beaucoup voyager, le Sahara, l'Espagne, la métropole, où il ne se résoudra à rentrer qu'en 1966 après de longs détours en Casamance, en Tunisie...
On retrouve là, comme chez Jean Brune, mais sans les raisons politiques, les errances des êtres blessés au plus profond par la destruction d'un univers dont ils n'imaginaient peut-être pas l'importance.
« Je pleure les paradis perdus, Alger, le Sud, Tipaza,.. écrit-il en 1972. Que cela paraît loin !
On s'était installé dans le bonheur et on croyait que ça durerait toujours ». Ces « paradis » survivent dans ses œuvres. Ils ne seront vraiment perdus que si l'oubli les engloutit.

D'après Francine DESSAIGNE

NICOLAS BACRI


Nicolas Bacri, fils de Jean Claude Bacri (alias Jean Claudric) et neveu de Roland Bacri commence par l'apprentissage du piano à l'âge de sept ans puis complète sa formation par l'étude de l'harmonie, du contrepoint, de l'analyse musicale et de la composition avec Françoise Gangloff-Levéchin et Christian Manen puis, à partir de 1979, avec le compositeur d'origine allemande Louis Saguer. En 1980, il entre au CNSM de Paris où il recevra l'enseignement de Claude Ballif, Marius Constant, Serge Nigg et Michel Philippot. Il quitte le Conservatoire avec le premier prix de composition en 1983 et devient, pour deux ans, pensionnaire à l'Académie de France à Rome (Villa Médicis) non sans avoir étudié en privé, la technique de la direction d'orchestre avec Jean Catoire, disciple de Léon Barzin. Il a en outre participé aux Masterclasses de Franco Donatoni et Brian Ferneyhough organisées par le CNSM de Paris en 1983 et reçu les conseils de Gilbert Amy, Elliott Carter, Henri Dutilleux et Emmanuel Nunes.

En 1987, Radio-France le nomme au poste de délégué artistique du service de la musique de chambre. Il abandonne cette activité en 1991 pour se consacrer de nouveau entièrement à la composition en devenant pensionnaire de la Casa de Velasquez (jusqu'en 1993). Soutenu par la Fondation d'entreprise du Crédit National (aujourd'hui Natixis) de 1993 à 1996 il réside à La Prée (Indre) à l'invitation de l'Association culturelle "Pour Que l'Esprit Vive" de 1993 à 1999 et remporte de nombreux prix parmi lesquels le Grand Prix de l'Académie du disque 1993 et plusieurs prix de la S.A.C.E.M. et de l'Académie des Beaux-Arts pour l'ensemble de son œuvre. Premier compositeur invité de l'Orchestre Symphonique Français (direction Laurent Petitgirard) il a été nommé "compositeur en résidence" à l'orchestre de Picardie par Louis Langrée pour lequel il a écrit ses 4° et 5° Symphonies, puis par Xavier Delette pour lequel il a écrit sa 5° cantate, créée et enregistrée par l'Orchestre de Bayonne-Côte-Basque où il réside de 2001 à 2006.En 2005 il est nommé professeur d'orchestration au Conservatoire/Haute école de musique de Genève où il réside de 2006 à 2007, date à laquelle il s’installe à Bruxelles.
Depuis la création de son premier Concerto pour violon (op. 7) lors de la série de concerts à Radio-France "Perspectives du XXème Siècle" (1985), programmée par Harry Halbreich, N. Bacri a reçu des commandes régulières de Radio-France, du Ministère de la Culture et de nombreux orchestres, solistes et festivals.
Nommé aux « Victoires de la Musique Classique » 2004 et 2005 dans la catégorie « compositeur de l’année », Nicolas Bacri, est l’auteur de près de cent partitions dont six symphonies, six cantates, onze concertos (pour piano, pour deux pianos, pour violoncelle, pour flûte, ainsi que trois concertos pour violon, deux pour trompette et pour clarinette), et plusieurs autres œuvres concertantes pour divers instruments (Requiem, Folia, Concerto Nostalgico, Concerto Amoroso, Une Prière, Divertimento, Nocturne, Notturno, etc…). Il a aussi écrit six quatuors à cordes, trois trios avec piano, plusieurs sonates et suites pour violon, alto et violoncelle.
Parmi les succès récents qui confirment la place particulière de Nicolas Bacri au sein d’une nouvelle génération de compositeurs français, on peut citer sa Sixième Symphonie op. 60, écrite en 1998 à la demande de Radio France et enregistrée par l’Orchestre National de France sous la direction de Leonard Slatkin, puis reprise par l’Orchestre Symphonique de Londres sous la direction de Daniel Harding en 2003 au Royal Festival Hall, et son Divertimento op. 66 pour piano, violon et orchestre, commande de la Ville de Paris, créée par l’Orchestre Philharmonique de Radio France dirigé par Pascal Rophé au Théâtre du Châtelet, diffusé en direct par France Musique, et télévisé (2000).
En 2002, dans sa version pour violon et orchestre, Une Prière est enregistrée par Laurent Korcia et l’Orchestre de la WDR de Cologne sous la direction de Semyon, Bychkov qui, dans la foulée, commande à Nicolas Bacri son Troisième Concerto pour violon op. 83, créé, enregistré et télévisé (Allemagne) en novembre 2003. C’est encore l’Allemagne qui suscitera la création de son Concerto Amoroso, dédié à François Leleux et Lisa Batiashvili, commande jointe de l’Alte Oper de Francfort et du Tapiola Sinfonietta, en mars 2006, tandis que les années 2004 à 2006 sont marquées par une collaboration suivie avec l’Ensemble Matheus de Jean-Christophe Spinosi, l’Orchestre de Bretagne, l’Ensemble-Orchestre de Basse-Normandie de Dominique Debart, l’Ensemble Instrumental « La Folia » de Christophe Poiget, le Chœur Mikrokosmos de Loïc Pierre, L’Ensemble Capriccioso et le Quatuor Psophos pour lequel Nicolas Bacri compose en 2005 et 2006 son Quatuor n° 6 opus 97 (commande de Musique Nouvelle en Liberté pour le « Prix lycéens des compositeurs » fondé par « La Lettre du Musicien ».
Aujourd’hui, Nicolas Bacri enseigne l’orchestration au Conservatoire-Haute école de musique de Génève, ville dans laquelle il réside depuis mai 2006

jeudi 19 novembre 2009

GUY GILLES




Guy Gilles (Guy Chiche, Alger, 25 août 1938 - 3 février 1996) est un réalisateur français.
Guy Chiche naît à Alger, le 25 août 1938. Alger, l'Algérie, la terre natale, le pays de l’enfance et de tous les souvenirs. C'est le point de départ, la source et l’eau vive de l’inspiration.Le père est fonctionnaire à la Banque de l’Algérie, où il occupe un poste important dans la comptabilité.La mère s’occupe du foyer - un petit frère, Luc-Bernard, est né en 1947.


Elle meurt prématurément, alors que Guy effectue son service militaire. Ce décès va avoir sur le moment une répercussion très concrète sur la vie professionnelle du jeune homme : la mère étant partiellement propriétaire d'un petit immeuble algérois, la vente de celui-ci et l’argent de la succession vont apporter de quoi financer un premier film, Soleil éteint. Guy choisit alors son pseudonyme, en partant du prénom de sa mère, Gilette. Ce n’est pas anodin : étudiante en peinture, elle garda toute sa vie la nostalgie d’une vocation dont l’accomplissement s’arrêta net avec son mariage. Guy Chiche devient Guy Gilles : la mère est morte mais son nom restera, et c’est en le portant que son fils se lance dans le cinéma. L'héritage maternel lui permet de réaliser son premier court-métrage, Soleil éteint, en 1958. Il s'inspire du prénom de sa mère (Gilette) pour créer son pseudonyme. Après des études aux Beaux-arts, il part pour Paris, où il travaille comme assistant auprès de François Reichenbach en 1964.
Son premier long-métrage,
L'Amour à la mer (1962), où apparaissent Juliette Gréco, Romy Schneider et Jean-Pierre Léaud, sort sans distributeur en 1965. On y voit déjà son acteur fétiche Patrick Jouané. Il travaille pour la télévision (sur les émissions Dim, Dam, Dom, Pour le plaisir…) et tourne des "ciné-reportages" (Ciné Bijou, Pop'âge).
Au pan coupé recueille les éloges de
Marguerite Duras, puis Le Clair de terre, avec Edwige Feuillère, reçoit ceux de Jean-Louis Bory (1970). Il tourne un court-métrage pour accompagner Les Voyous de Claude Lelouch, Côté cour côté champ (1971).
Sa relation amoureuse avec
Jeanne Moreau semble inspirer le long-métrage Absences répétées dont l'actrice interprète la chanson, film qui reçoit le prix Jean-Vigo en 1973.
Hélène Martin lui propose de réaliser un documentaire sur Jean Genet, Saint, poète et martyr. Il est diffusé lors d'un festival de films gays organisé par Lionel Soukaz en 1978, troublé par un groupe fasciste qui blesse le réalisateur.
Ses derniers films à sortir en salles sont Le Crime d'amour (1982), avec
Richard Berry et Jacques Penot, et Nuit docile (1987). Atteint du sida, rencontrant des difficultés avec la production, il peine à achever Néfertiti, la fille du soleil en 1994.
Le court métrage de Gaêl Lépingle, Guy Gilles et le cinéma désaccordé tente un éclairage de son oeuvre.
Une rétrospective a été présentée lors du 31°
Festival international du film de La Rochelle en juillet 2003

mercredi 18 novembre 2009

ORANE DEMAZIS




Orane Demazis, de son nom de naissance Henriette, Marie, Louise, Burgart, est une comédienne et actrice française, d'origine alsacienne, née à Oran (Algérie) le 18 septembre 1894, morte à Boulogne-Billancourt le 25 décembre 1991.
Son nom de scène provient de sa ville de naissance et d'autre part de Mazis, une autre ville dans les environs d'Oran.
Elle entre au
Conservatoire d'art dramatique de Paris en 1919 dans la classe de Denis d'Inès. Malgré son talent, elle n'obtient au concours de sortie qu'un premier accessit en comédie. La presse de l'époque lui rend cependant justice, comme Gérard Bauër dans L’Opinion du 15 juillet 1922 : « Un autre sujet a montré un tempérament vif et saisissant : Mlle Orane Demazis qui donnait le rôle de « Blanche » dans Les Corbeaux. Sa voix n’est pas toujours bonne : elle grimpe soudainement et finit dans les notes aiguës ; mais elle a de l’ardeur et de l’emportement : on ne lui a donné qu’un accessit, ce qui est un peu mince. [...] Il serait juste que M. Gémier prît cette élève sous sa coupe, lui donnât les rôles qui lui conviennent et la perfectionnât : son mérite et son talent sont réels. »
À sa sortie en
1922, elle intègre la troupe du Théâtre de l'Atelier dirigée par Charles Dullin. Entre 1922 et 1926, elle joue dans Carmosine d'Alfred de Musset, L’Occasion de Mérimée, Chacun sa vérité de Pirandello, Petite Lumière et l’Ourse et Huon de Bordeaux d’Alexandre Arnoux, Voulez-vous jouer avec moâ de Marcel Achard.
Sa rencontre avec
Marcel Pagnol en 1923 marque un tournant dans sa carrière. En 1926, il l’engage pour sa pièce Jazz (d'abord nommée Phaéton), puis il crée pour elle le rôle de « Fanny » dans Marius (1929), puis Fanny (1931), pièces adaptées aussitôt au cinéma, qui constituent avec le film César (1936), la fameuse trilogie marseillaise.
1929 Marius, comédie en trois actes et six tableaux
1931 Fanny, comédie en trois actes et quatre tableaux
1946 César, comédie en trois actes adaptée du film
Elle fut la compagne de
Marcel Pagnol dont elle eut un fils, Jean-Pierre Burgart, né en 1933.