CHAPITRE PREMIER
HISTORIQUE
LA REGENCE
Bab El Oued n’existe pas encore. La porte de la rivière, si! La rivière M’kacel dévale les pentes du Birtraria ( Frais Vallon ) à chaque automne détruisant tout sur son passage et sa colère ne connaît pas de limite. Bab El Oued est un lieu-dit, une zone géographique, un repère sur les cartes, hors les murs de la citadelle, qui n’a d’autre existence que le nom de son souk, de son fort et de sa porte.
La porte de Bab El Oued est très basse et en chicane. C’est un long passage voûté fermé par une poterne aux deux battants renforcés d’arceaux de fer. Le fossé d’enceinte est comblé et l’on accède de plein pied aux constructions extérieures de la ville.
Devant la porte, sur un piton rocheux battu par les vagues, s’élève le Fort Neuf que certains affublent du sobriquet irrévérencieux, Bordj El Zoubia, en raison des immondices déversées à ses pieds. Il fut édifié par Mustapha Pacha en 1802. Un peu plus éloigné du littoral, le Fort des 24 Heures, Bordj Bab El Oued, commencé sous la régence de Mohamed Pacha en 1567 et achevé en 1569 sous le règne de Ali El Euldje. Il sera démoli pour construire l’arsenal de l’artillerie situé à l’emplacement du futur square Nelson.
Au-delà de la porte Bab El Oued qui sera rasée en 1846 pour être rebâtie à l’extrémité de l’Esplanade où s’étageront les cinq jardins Guillemin, s’étendent les « fahs », petites agglomérations formées d’habitations, d’ateliers, de fondouks, de cimetières et d’édifices religieux. Une fonderie de canons datant du XVIII ème siècle côtoie les fours à chaux, les carrières, les tuileries, les briqueteries.
Les carrières de Bab El Oued exploitées par le Beylick représentent la principale industrie de la ville d’Alger. La pierre extraite sert à la construction d’habitations mais aussi et surtout à l’édification et au renforcement des enceintes et des six portes de la forteresse qui défend la ville. Quant aux fours à chaux qui côtoient les luxuriants jardins du Dey où sera édifié l’hôpital Maillot, ils laisseront pour la postérité une appréciation amicale dans le vocabulaire pataouète "fourachaux" qui désigne un homme malpropre ou manquant de finesse d’esprit
/////
Les grottes de Bab El Oued, à l’orée de la campagne environnante, abritent des kabyles et des berbères qui ne travaillent qu’épisodiquement aux carrières et à la fonderie dont les emplois sont « réservés » aux captifs chrétiens.
L’eau est domestiquée par la création à la fin du XVI ème siècle d’un aqueduc de style romain qui capte les sources du BIRTRARIA pour alimenter les quelques cent cinquante fontaines et puits que compte Bab El Oued, assoiffé par les nuisances dégagées des carrières et des fours à chaux.
Sur un petit promontoire que prolongent les cimetières juifs et musulmans, un mausolée abritant les dépouilles de sept deys de la régence d’Alger regarde la mer aux côtés de deux tombeaux de rabbanim judéo-espagnols chassés par l’inquisition médiévale de Pierre le Cruel en 1391 et réunificateurs du judaïsme algérien.
Ainsi se présente Bab El Oued à l’arrivée des français en 1830.
/////
CHAPITRE PREMIER
HISTORIQUE
LA CONQUÊTE
Nous sommes en 1830. L’empire ottoman capitule. Le Général De BOURMONT entre dans la capitale sous les acclamations des juifs qui prennent en marche le train de l’émancipation française sous le regard indifférent des Maures circonspects en attendant des jours meilleurs.
A l’emplacement du futur lycée BUGEAUD se dresse l’austère porte de Bab El Oued qui, à l’instar des cinq autres portes de la ville, constitue une forteresse inexpugnable pour tout envahisseur terrestre. Au-delà, le cimetière israélite accueille les suppliciés mis à mort par une Régence sanguinaire pour laquelle la vie d’un juif est moins importante que celle d’un cheval ou d’une bête de somme.
Contrairement à la porte Bab Azoun qui s’ouvre sur un fondouk côtoyant les commerces de nuisance établis hors la citadelle, la porte Bab El Oued, inondée à chaque automne par les débordements de l’impétueux Oued M’Kacel rayonne vers la colline de la Bouzaréah d’où émergent de gracieuses « djenans », demeures de style hispano-mauresque blanchies à la chaux, autour des « fahs » de la campagne d’El Djézaïr.
Entre les deux portes, séparant un labyrinthe de ruelles étroites et parfois nauséabondes, s’étire une longue zébrure aux abords du Palais de la Jénina où réside le Dey. Cette artère commerçante, la rue des souks, Souk El Kébir, se veut la délimitation entre la haute et la basse ville.
L’armée ignore tout ou presque du pays et de ses habitants. Mais l’intendance trouve les ruelles trop étroites, les habitations insalubres et dégradées. Aussi, encourage t-elle les démolitions et la casbah voit ainsi son visage travesti par des architectes français et italiens ignorant l’importance de l’ombre en ce pays.
On perce, dès 1832, les rues Bab Azoun et Bab El Oued sur l’emplacement de la caserne des Janissaires « Salik Pacha », la plus belle d’El Djézaïr, posant ainsi sans même le savoir, le premier jalon de ce qui deviendra le populaire, populiste et populeux quartier de Bab El Oued.
La rue Bab El Oued prend son envol sur une place aérée où trône dans sa parure éclatante de blancheur, la mosquée Djamâa El Djédid, « la mosquée neuve », érigée en 1660 grâce à la générosité des janissaires turcs. Cette place s’appellera, tour à tour Place Royale sous Louis Philippe, Place Nationale en 1848 et Place du Gouvernement en 1870. Elle demeurera dans l’esprit des enfants d’Alger, la Place du Cheval en hommage à la statue équestre du Duc D’Orléans.
On construit un « Hotel de Malte » rue de la Marine et des cabarets à chaque coin de rue. En 1837, on en dénombrera près de cent soixante qui feront le bonheur de tous les buveurs d’absinthe, " la fée verte ". Quant à la rue de Bab El Oued, elle se pare de nombreuses boutiques, damant le pion à la rue des Consuls et son réputé " Hôtel des Ambassadeurs " ainsi qu’à la rue de la Marine, visitée pour le chic de ses commerces, son " Hôtel d’Europe " qui sera le lieu de résidence d’Alphonse DAUDET en 1862, sa " cour des miracles ", hôtel borgne qui sera démoli quelques années plus tard sur ordre de la préfecture pour " inconfort et insalubrité " et ses " bas fonds " tentateurs. Les premiers habitants de la rue Bab El Oued sont des juifs de la " hara1 " amputée par les autorités françaises de sa partie la plus délabrée afin d’ouvrir les rues de Chartres et de la Lyre sur l’emplacement de l’ancienne mosquée Mezzo Morte affectée depuis 1830 à un hôpital militaire.
Bien à l’abri sous ses massives arcades, elle offre aux promeneurs le visage d’une artère commerçante où s’échelonnent des brodeurs d’or sur soie, des tisserands, des tailleurs d’habits, des orfèvres d’art, des passementiers, des luthiers, des savetiers et toutes sortes de petits boutiquiers d’artisanat. Pour la plupart israélites, ces travailleurs manuels opèrent devant une clientèle médusée de tant de savoir-faire. Plus tard, les Bazars Salomon, d’Orléans, du Diwan et de Rovigo attireront la curiosité des touristes par la diversité des marchandises importées par les négociants israélites, grands voyageurs devant l’Eternel.
Place Royale, le Café d’Apollon devient le lieu privilégié de nombreuses et douteuses transactions immobilières, cadencées par la musique militaire des concerts de fin d’après-midi qui se déroulent sur l’estrade d’un kiosque similaire à ceux des villes de France, curiosité de toute une foule de promeneurs qui prennent « la fraîche ».
Déjà, l’intendance s’aperçoit de la vétusté des deux grandes artères Bab Azoun et Bab El Oued. Aussi, décide t-on de tracer une route en contournant le vaste cimetière qui s’étend de la place où s’élèvera le Grand Lycée, plus tard Lycée BUGEAUD, à l’esplanade de l’arsenal militaire où seront aménagés à la demande de Napoléon III, les jardins GUILLEMIN. Ces lieux ombragés, dont l’impératrice EUGENIE, déplora l’absence lors de sa visite à Alger en 1861, verront le jour au début du XXème siècle.
Ces espaces verts qui offrent une ouverture sur la colline toute proche de la Bouzaréah annoncent, déjà, le futur développement de Bab El Oued.
TIRE DE "IL ETAIT UNE FOIS BAB EL OUED" DE HUBERT ZAKINE
HISTORIQUE
LA REGENCE
Bab El Oued n’existe pas encore. La porte de la rivière, si! La rivière M’kacel dévale les pentes du Birtraria ( Frais Vallon ) à chaque automne détruisant tout sur son passage et sa colère ne connaît pas de limite. Bab El Oued est un lieu-dit, une zone géographique, un repère sur les cartes, hors les murs de la citadelle, qui n’a d’autre existence que le nom de son souk, de son fort et de sa porte.
La porte de Bab El Oued est très basse et en chicane. C’est un long passage voûté fermé par une poterne aux deux battants renforcés d’arceaux de fer. Le fossé d’enceinte est comblé et l’on accède de plein pied aux constructions extérieures de la ville.
Devant la porte, sur un piton rocheux battu par les vagues, s’élève le Fort Neuf que certains affublent du sobriquet irrévérencieux, Bordj El Zoubia, en raison des immondices déversées à ses pieds. Il fut édifié par Mustapha Pacha en 1802. Un peu plus éloigné du littoral, le Fort des 24 Heures, Bordj Bab El Oued, commencé sous la régence de Mohamed Pacha en 1567 et achevé en 1569 sous le règne de Ali El Euldje. Il sera démoli pour construire l’arsenal de l’artillerie situé à l’emplacement du futur square Nelson.
Au-delà de la porte Bab El Oued qui sera rasée en 1846 pour être rebâtie à l’extrémité de l’Esplanade où s’étageront les cinq jardins Guillemin, s’étendent les « fahs », petites agglomérations formées d’habitations, d’ateliers, de fondouks, de cimetières et d’édifices religieux. Une fonderie de canons datant du XVIII ème siècle côtoie les fours à chaux, les carrières, les tuileries, les briqueteries.
Les carrières de Bab El Oued exploitées par le Beylick représentent la principale industrie de la ville d’Alger. La pierre extraite sert à la construction d’habitations mais aussi et surtout à l’édification et au renforcement des enceintes et des six portes de la forteresse qui défend la ville. Quant aux fours à chaux qui côtoient les luxuriants jardins du Dey où sera édifié l’hôpital Maillot, ils laisseront pour la postérité une appréciation amicale dans le vocabulaire pataouète "fourachaux" qui désigne un homme malpropre ou manquant de finesse d’esprit
/////
Les grottes de Bab El Oued, à l’orée de la campagne environnante, abritent des kabyles et des berbères qui ne travaillent qu’épisodiquement aux carrières et à la fonderie dont les emplois sont « réservés » aux captifs chrétiens.
L’eau est domestiquée par la création à la fin du XVI ème siècle d’un aqueduc de style romain qui capte les sources du BIRTRARIA pour alimenter les quelques cent cinquante fontaines et puits que compte Bab El Oued, assoiffé par les nuisances dégagées des carrières et des fours à chaux.
Sur un petit promontoire que prolongent les cimetières juifs et musulmans, un mausolée abritant les dépouilles de sept deys de la régence d’Alger regarde la mer aux côtés de deux tombeaux de rabbanim judéo-espagnols chassés par l’inquisition médiévale de Pierre le Cruel en 1391 et réunificateurs du judaïsme algérien.
Ainsi se présente Bab El Oued à l’arrivée des français en 1830.
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CHAPITRE PREMIER
HISTORIQUE
LA CONQUÊTE
Nous sommes en 1830. L’empire ottoman capitule. Le Général De BOURMONT entre dans la capitale sous les acclamations des juifs qui prennent en marche le train de l’émancipation française sous le regard indifférent des Maures circonspects en attendant des jours meilleurs.
A l’emplacement du futur lycée BUGEAUD se dresse l’austère porte de Bab El Oued qui, à l’instar des cinq autres portes de la ville, constitue une forteresse inexpugnable pour tout envahisseur terrestre. Au-delà, le cimetière israélite accueille les suppliciés mis à mort par une Régence sanguinaire pour laquelle la vie d’un juif est moins importante que celle d’un cheval ou d’une bête de somme.
Contrairement à la porte Bab Azoun qui s’ouvre sur un fondouk côtoyant les commerces de nuisance établis hors la citadelle, la porte Bab El Oued, inondée à chaque automne par les débordements de l’impétueux Oued M’Kacel rayonne vers la colline de la Bouzaréah d’où émergent de gracieuses « djenans », demeures de style hispano-mauresque blanchies à la chaux, autour des « fahs » de la campagne d’El Djézaïr.
Entre les deux portes, séparant un labyrinthe de ruelles étroites et parfois nauséabondes, s’étire une longue zébrure aux abords du Palais de la Jénina où réside le Dey. Cette artère commerçante, la rue des souks, Souk El Kébir, se veut la délimitation entre la haute et la basse ville.
L’armée ignore tout ou presque du pays et de ses habitants. Mais l’intendance trouve les ruelles trop étroites, les habitations insalubres et dégradées. Aussi, encourage t-elle les démolitions et la casbah voit ainsi son visage travesti par des architectes français et italiens ignorant l’importance de l’ombre en ce pays.
On perce, dès 1832, les rues Bab Azoun et Bab El Oued sur l’emplacement de la caserne des Janissaires « Salik Pacha », la plus belle d’El Djézaïr, posant ainsi sans même le savoir, le premier jalon de ce qui deviendra le populaire, populiste et populeux quartier de Bab El Oued.
La rue Bab El Oued prend son envol sur une place aérée où trône dans sa parure éclatante de blancheur, la mosquée Djamâa El Djédid, « la mosquée neuve », érigée en 1660 grâce à la générosité des janissaires turcs. Cette place s’appellera, tour à tour Place Royale sous Louis Philippe, Place Nationale en 1848 et Place du Gouvernement en 1870. Elle demeurera dans l’esprit des enfants d’Alger, la Place du Cheval en hommage à la statue équestre du Duc D’Orléans.
On construit un « Hotel de Malte » rue de la Marine et des cabarets à chaque coin de rue. En 1837, on en dénombrera près de cent soixante qui feront le bonheur de tous les buveurs d’absinthe, " la fée verte ". Quant à la rue de Bab El Oued, elle se pare de nombreuses boutiques, damant le pion à la rue des Consuls et son réputé " Hôtel des Ambassadeurs " ainsi qu’à la rue de la Marine, visitée pour le chic de ses commerces, son " Hôtel d’Europe " qui sera le lieu de résidence d’Alphonse DAUDET en 1862, sa " cour des miracles ", hôtel borgne qui sera démoli quelques années plus tard sur ordre de la préfecture pour " inconfort et insalubrité " et ses " bas fonds " tentateurs. Les premiers habitants de la rue Bab El Oued sont des juifs de la " hara1 " amputée par les autorités françaises de sa partie la plus délabrée afin d’ouvrir les rues de Chartres et de la Lyre sur l’emplacement de l’ancienne mosquée Mezzo Morte affectée depuis 1830 à un hôpital militaire.
Bien à l’abri sous ses massives arcades, elle offre aux promeneurs le visage d’une artère commerçante où s’échelonnent des brodeurs d’or sur soie, des tisserands, des tailleurs d’habits, des orfèvres d’art, des passementiers, des luthiers, des savetiers et toutes sortes de petits boutiquiers d’artisanat. Pour la plupart israélites, ces travailleurs manuels opèrent devant une clientèle médusée de tant de savoir-faire. Plus tard, les Bazars Salomon, d’Orléans, du Diwan et de Rovigo attireront la curiosité des touristes par la diversité des marchandises importées par les négociants israélites, grands voyageurs devant l’Eternel.
Place Royale, le Café d’Apollon devient le lieu privilégié de nombreuses et douteuses transactions immobilières, cadencées par la musique militaire des concerts de fin d’après-midi qui se déroulent sur l’estrade d’un kiosque similaire à ceux des villes de France, curiosité de toute une foule de promeneurs qui prennent « la fraîche ».
Déjà, l’intendance s’aperçoit de la vétusté des deux grandes artères Bab Azoun et Bab El Oued. Aussi, décide t-on de tracer une route en contournant le vaste cimetière qui s’étend de la place où s’élèvera le Grand Lycée, plus tard Lycée BUGEAUD, à l’esplanade de l’arsenal militaire où seront aménagés à la demande de Napoléon III, les jardins GUILLEMIN. Ces lieux ombragés, dont l’impératrice EUGENIE, déplora l’absence lors de sa visite à Alger en 1861, verront le jour au début du XXème siècle.
Ces espaces verts qui offrent une ouverture sur la colline toute proche de la Bouzaréah annoncent, déjà, le futur développement de Bab El Oued.
TIRE DE "IL ETAIT UNE FOIS BAB EL OUED" DE HUBERT ZAKINE
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