vendredi 27 novembre 2009

ROBERT COHEN


Robert Cohen a traversé le ciel du noble art comme une étoile filante. Parti d'Oran (Algérie) avec l'espoir de faire carrière sur le sol français, il a gagné tous les titres possible (français, européen et mondial) en moins d'une année. Sa carrière professionnelle n'a seulement duré que cinq années lors desquelles il a donné l'image d'un champion doué et attachant.
Il ne lui aura fallu que neuf mois pour tout connaître. Entre novembre 1953 et septembre 1954, Robert Cohen a remporté les titres français, européen et mondial des poids coqs et s'en est allé pour conquérir d'autres succès dans sa vie professionnelle. Sur les rings, le petit Algérien, né le 15 novembre 1930 dans le quartier du port de Bône, a laissé l'image d'un homme courageux et doté d'un sens du combat très affiné.Robert Cohen découvre la boxe en février 1948 en livrant des assauts amateurs organisés dans sa ville. Tour à tour plombier, forgeron ou menuisier, l’adolescent de confession juive ne rêve plus que de mettre les gants. Malgré l'interdiction de son père qui n’affectionne pas ce sport, Robert se rend assidûment à la salle dirigée par Roger Léon. Son tempéramentde battant lui permet de remporter le championnat d’Algérie en 1949 puis de se hisser en demi-finale du Tournoi d’Afrique du nord. A 21 ans, Cohen atteint la finale du championnat de France. Malgré la défaite, il séduit pourtant Gaston-Charles Raymond par sa fougue. Celui-ci, ex-aventurier des rings américains (dans les années 30, il livra 163 combats, dont 132 victoires, des mouches aux plumes) et manager associé à l’Avia Club des frères Méquillet, le convainc de passer professionnel à Paris.Ouvrier à la chaine chez Renault lorsqu'il débarque avec son frère Léon dans la capitale en juin 1951, Cohen remporte huit de ses neuf premiers combats pros, puis quatorze autres l’année suivante au cours de laquelle il lave son seul affront devant Robert Meunier. Rien ne semble résister à ce prodige qui surclasse ensuite le vieux gitan Théo Médina, ex-champion d’Europe. En novembre 1953 à la salle Wagram, le jeune espoir (23 ans) dispose de Maurice Sandeyron aux points et décroche son premier titre, celui de champion de France des coqs. Quatre mois plus tard à Belfast, Cohen punit le tenant européen, John Kelly, en huit minutes à Belfast. Après trois autres succès, notamment à Tunis devant le Transalpin Mario D’Agata, il est désigné challenger au titre mondial laissé vacant par l'Australien Jimmy Carruthers.Il lui faut alors parcourir 8 000 km pour relever le défi sur les terres du Thaïlandais Chamrern Songkitrat. La mousson est au rang des invités le 19 septembre 1954 à Bangkok où 69 972 spectateurs soutiennent
leur champion façonné à la boxe pied-poing. Mais sans l'apport de ses jambes, l'Asiatique n'a pas la même envergure et Robert Cohen, pourtant victime d'une fracture du pouce de la main droite et coupé à l'arcade droite, s'impose aux points. Un mois plus tard à New York, il reçoit des mains de Nat Fleischer la fameuse ceinture du Ring Magazine. La NBA impose à Cohen d’affronter dans les deux mois son challenger officiel, l’invaincu mexicain Raul Macias. Mécontent, son manager parisien refuse l'injonction et annonce son intention d'organiser une première défense en Afrique du Sud. Devant ce fait, la NBA destitue le français. Alors que Macias s’empare de cette portion du titre devant Songkitrat en mars 1955, Cohen, toujours reconnu par la commission de New York et l’IBU, frôle l’irréversible à quelques jours de son départ vers Johannesburg. Sur la route du retour vers son camp dans la forêt de Rambouillet, il est victime d’un accident de voiture. Souffrant de fractures à la mâchoire, de plaies au visage et de multiples contusions, le champion est immobilisé durant de longues semaines. Robert Cohen craint une nouvelle destitution. Mais les deux organisations acceptent un report au 3 septembre pour affronter l’invaincu sud-africain, Willie Toweel.A quelques heures du choc, le 3 septembre 1955, c'est la panique. Robert souffre d’une crise de furoncles à la joue gauche. Encore alité la veille du combat, il sait qu'il ne peut reculer sous peine d’être déchu. Pour la pesée, Charles Gaston maquille les énormes plaies avec du talc. Mais dans les vestiaires, l’inquiétude pèse lourdement. Devant plus de 30 000 spectateurs, le Français, pourtant plus petit (1,58 m contre 1,71 m) et victime d'une nouvelle fracture du pouce de la main droite, sauve sa ceinture en faisant match nul. Lors de ce voyage en Afrique du Sud, Cohen rapporte un trésor encore plus précieux. Sur les plages de Durban, il rencontre Zita, l’amour de sa vie.Trois mois plus tard au Vel d'Hiv', alors qu’il n’a pas récupéré de ce dur affrontement, Cohen lance un défi au champion de France des plumes, Cherif Hamia. Battu en puissance, le champion du monde est envoyé au tapis aux 2e et 7e rounds avant d’être arrêté sur blessure au 10e. A 26 ans, écoeuré par les manipulations crapuleuses de certains membres de son entourage, il perd son titre mondial, par arrêt de l'arbitre à l'appel du 7e round, le 29 juin 1956 au stade Olympique de Rome, face au sourd-muet Mario D'Agata.Contre toute attente, il annonce son retrait des rings pour se consacrer à la gestion des entreprises de son beau père, riche industriel au Congo Belge (Zaïre). Mais ses vieux démons le poussent à livrer un dernier combat, puis à ouvrir une salle dans les quartiers d’Elisabethville avant d'endosser la responsabilité technique de l’équipe amateur du Zaïre. Installé aujourd'hui à Bruxelles, Robert Cohen (36 victoires, 13 avant la limite, 3 nuls et 4 défaites) laissera à jamais l’image d’un champion surdoué, intègre et généreux.
Thierry Raynal

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