mardi 29 janvier 2019

HORIZONS BLEUS DE H.ZAKINE


Le lendemain matin, après une nuit où j’ai flirté avec la folie, à savoir si la colère de Colette elle a pas déteint sur la météo. Neptune il est fou de rage. La Méditerranée elle tape la danse du ventre sous une pluie battante. Les chutes du Niagara c’est plus au Canada, c’est aux Horizons Bleus. Y manque plus que Gilbert Roland qui traversait les chutes comme un funambule sur son fil dans un film que je me rappelle plus le titre avec la tête de babao que j’suis.
Purée, la marabounta qui tombe !Le pull, je l’enfile fissa fissa comme un mort de froid. Serge y défie les éléments déchaînés parce que lui il est mort de faim ; alors y monte chercher le pain, le lait et le beurre chez Argento. Ch’uis assis, les mains entre les cuisses à subir les embruns que le vent y me crache à la figure comme un mal élevé qu’il est.
Cette solitude, face à la folie de la météo, c’est un moment privilégié même si je me gèle les cacahuètes, soua-soua. Le ciel on sait même pas où y commence et où elle commence la mer. (Un autre il aurait dit « on voit pas l’horizon »).
Purée ! c’est là que je pense à Colette. Elle doit être plus en colère que dame nature. Surtout que on m’a toujours dit que la colère c’est une seconde nature chez les « donzelles ». Jusqu’à hier soir, elle m’avait donné l’impression de maîtriser ses nerfs et de penser que la colère elle était mauvaise conseillère, et puis patatras ! Quelle contenance je vais prendre ? Dieu seul le sait.
Soit je joue le dur style Kirk Douglas dans « ok corral » soit je rampe style jack Lemmon dans «  la garçonnière » mais la vérité, avec l’épisode Francette, je serais le roi des falampo si je faisais pas bonne figure à ma petite chinoise.
Petit à petit, les fainéants y se lèvent et chaque fois c’est le même étonnement ponctué de gros mots :
« Oh !Putain ! C’est l’hiver ou quoi ? » Après y se tapent le chocolat chaud pour les petits et le café au lait pour les grands. Dans tous les pays où l’hiver y fait que passer sans repasser, une certaine effervescence elle envahit les cœurs. Une joie intérieure, une exaltation inexplicable elle s’empare de chacun comme si le père noël y descendait sur terre. Ici, on dirait que les Horizons Bleus, on a gagné à la loterie nationale. Plusse la marabounta elle dégringole du ciel et plusse on est tous contents. Le rire y maquille tous les visages.
Même ceux qui sont vilains, pas beaux et laids y rayonnent de bonheur qu’à force y deviennent magnifiques. Sauf Luc qui garde sa tête de coulo  quelle que soit la météo. Purée, ch’uis méchant comme une teigne.
Colette elle arrive sur la terrasse emmitouflée dans un petit ciré jaune. Je lui souris jaune comme le ciré. Je plaisante et pourtant j’en mène pas large (« j’en mène pas large », la vérité, qu’est ce que ça veut dire cette expression quand on l’analyse froidement ?)
Même pas Ma petite chinoise, elle me rend mon sourire. Ni jaune, ni rouge ni arc en ciel. Aouah ! Elle s’est levée de la cuisse gauche. Elle me regarde avec des yeux assassins. Si un regard y pouvait tuer, tout Alger y serait en train de me pleurer.
Les manchettes des journaux : « Le pauvre, il était si beau ! » La page suivante « et si intelligent !» même la page des sports, elle se fendrait d’un titre à la une :« ce sont toujours les meilleurs qui s’en vont ! Meilleur au football, meilleur aux noyaux, un as de la carriole »
BA ! BA !BA ! Le chagrin qu’elle aurait ALGER. A mes obsèques, même Luc la tapette y verserait quelques larmes. Purée, tous les amis que j’avais et j’le savais pas. Tous y m’aimaient ! RE BA ! BA !BA !
Comme la pluie elle pleure de plus belle, la terrasse elle devient piscine. L’inondation elle nous pend au nez. Alors, les hommes y coupent le poil qu’y z’ont dans la main pour tendre une grande bâche au dessus de nos têtes. Le camping au cabanon, même en Amérique y connaissent pas. Purée, pour arrimer la toile, l’inspecteur des travaux finis, Papa Vals, rien qui critique : « Tu vois pas que la ficelle elle est trop courte, spèce de bourricot d’Espagne ! »
Papa Bensimon y renchérit : «  c’est pas la ficelle qu’elle est trop courte, c’est tes bras ! » 
 --«  Et puis tch’es sur qu’elle est étanche cette bâche ? »
--« Va étancher ta soif, spèce de kilo que tch’es. Laisse faire les techniciens ! » Ca c’est tonton Robert qu’il en touche pas une en travail manuel. Lui, c’est l’intellectuel de la famille que tout le monde on le voyait président de quelque chose total il est président de rien du tout. Sa mère, la pauvre toutes les excuses il lui trouve : « Des intelligents comme lui, yen a pas deux à Bab El Oued. Seulement il a pas eu de chance, le pauvre mon fils ! »
Tant bien que mal, la toile elle tient. Pour l’amour de Dieu, mais elle tient.

Dans cet orage que le ciel y nous déverse sur la tête, je vois comme un signe du bon dieu. Avec cette folle météo, obligé je reste au cabanon et Francette l’obsédée elle est dans l’impossibilité de me rejoindre ou sinon elle se noie. Châ ! Pendant ce temps, je sens que ma petite chinoise et moi on va se rabibocher soua-soua. Je vais user de tout mon charme oriental pour amadouer  Calamity Jane. Le déluge y joue du tam-tam sur la bâche. On croirait que Madame Bono, ces noirs venus de la montagne, ces faiseurs de pluie y sont descendus aux Horizons Bleus. Purée, dé ! Si c’est vrai que c’est des faiseurs de pluie, mon ami, y sont forts, hein !    Y pouvaient pas rester chez eux, non !
Chacun y s’arrange avec ce temps pourri. La belote pour les uns, la tchatche pour les autres et pour les femmes qu’elles pensent qu’au menu de midi ( et avec ce temps, y faut avoir le coco plein !) la corvée du manger. Colette elle se tient à l’écart comme une pestiférée. Alors, Clark Gable, qué je fais ? J’y vais ou j’y vais pas ? Allez, va je me jette à l’eau ! Avec cette pluie, c’est normal.
--« tu boudes ? » je lui demande l’air babao comme si je le savais pas.
--«  Non, mais on marche plus ensemble ! »
Regardes moi là, dé ! Elle sait même pas que j’ai tripoté les tétés de Francette et elle me calcule plus. Les filles, c’est d’un compliqué !
--«  Comme tu veux tu choises. Tu sais si je peux même plus parler à un copine sans que tu casses, alors tch’as raison, on marche plus ensemble. »
Mais quand même, où j’ai appris à parler comme ça aux filles, où ? Je cherche et je me dis que je vois trop de films. Ca déforme ma personnalité. C’est  Robert Taylor ou Humphrey Bogart qui parlent par ma voix. C’est pas le p’tit morveux du jardin Guillemin. D’où y connaît les filles, çuila.
Je dis çuila, total c’est de moi que je parle ! Aouah, y faut que j’me calme ou aller voir des films de cow boys ou mieux de  Bud Abbot et Lou Costello.

Calamity Jane, si elle pouvait me jeter les assiettes à la tête comme une femme mariée, elle le ferait. Elle m’énerve mais je la trouve belle comme une poupée. Faute d’avoir fait la paix avec elle, je m’approche de la table où les babaos y se tapent une partie de Monopoly. J’ai horreur de ce jeu de nouilles. Si je pouvais, je le brûlerais avec tous ces billets de fausse monnaie qui servent à acheter des maisons à Paris. Qué Paris. Je m’en fous comme de ma première chemise de Paris. D’ailleurs, aujourd’hui, je m’en fous de tout, alors !
Y faut dire que seul le football y trouve grâce à mes yeux. Le football et les cartes. Et les jeux de rue style carrioles, noyaux, toupies, taouètes et compagnie. Des jeux de voyous, quoi !
Seul sur mon île déserte,  y me reste qu’à rejoindre la tablée de manille où Papa Vals et mon père y se la disputent à Mr Thomas et Valenza. Je m’assois derrière mon père même si je sais qu’il a horreur d’avoir quelqu’un derrière lui qui regarde par-dessus son épaule quand y tape la belote, le poker ou la manille. De temps en temps, je jette un œil sur Colette qu’elle fait rien que rigoler comme si elle nageait dans le bonheur. Comme « Sissi » quand elle se promène dans la forêt avec son père.
La pluie comme une ralah, elle cesse jamais au grand jamais. Démontée, la mer elle tape la guerre contre les poissons. Raïeb, qu’est ce qui doivent être remués. Remarque, mieux ça que dans une marmite !
Amman, on dirait l’hiver au Groënland. Même pas je sais où il est, le Groënland. Moi je fais pas comme ce falso de Luc que zarmah c’est une lumière. Total, chaque fois qu’on lui pose une question, y coupe le courant.
La grisaille environnante , elle engendre pas la mélancolie parce que les rires y fusent de partout. Les engueulades aussi à cause des mauvais joueurs et des tricheurs, qui pullulent  aux Horizons Bleus.
Ma petite chinoise, elle a jamais parue aussi belle avec son pull over rouge vermillon et le col blanc de son « alligator » relevé. Je fonds devant ses cheveux bouclés et ses yeux noirs, son teint bronzé et son sourire. Purée, comment une fille si jolie avec un air si doux elle a un caractère pareil. Elle est pas à prendre avec des pincettes quand elle est jalouse, ça j’en suis sur. Comme elle dit ma mère en parlant d’une certaine voisine, «  c’est un véritable poivron piquant ».
Allez va. Je vais m’asseoir à côté d’elle. Comme elle est en bout de banc, je lui demande de me faire une petite place. Elle s’exécute belmot. Juste pour la forme. Alors, obligé, je m’assois tout contre elle, ma cuisse se plaquant contre la sienne.  Colette elle comprend mon manège comme si elle avait fait math sup. Et le miracle y s’accomplit. Je deviens Bernadette Soubirou ou quoi ? Rêve-je ? Elle me tape un sourire en se collant un chouïa contre moi ! Ma parole d’honneur ! Houla, si je mens !Encouragé, qué je fais ? Zarmah, pour mieux voir le jeu que je peux pas voir en peinture, je me penche vers elle. Purée, qu’est ce qu’elle sent bon ! Christian Dior y peut aller se rhabiller lui et ses parfums entêtants comme elle dit Madame Noguès qui préfère sentir la transpiration. Ma petite chinoise, elle se parfume au savon noir et mon ami, ça embaume le pain grillé. On en mangerait.
Mon bras, malicieux comme pas un, y tente de s’enrouler autour de sa taille mais d’un geste discret, elle se dégage. Ma main  pas découragée pour deux sous, elle caresse son pull over. Elle me regarde. Je suis vert, bleu et rouge de confusion. A savoir si elle est contente ou pas. Purée ce calvaire que les garçons y passent avec les filles. Et encore c’est qu’un début. En désespoir de cause, je lui glisse à l’oreille :
« Tu viens au hangar à bateaux ? ». Bou ! Le courage qui m’a fallu pour sortir cette phrase de ma bouche. Tellement j’ai honte, même pas je crois que c’est moi. Elle tourne son beau visage vers moi et elle me répond un Non qui fait passer le courant du Labrador sur la terrasse des Horizons Bleus. Déjà que la température elle est souèd !




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