mardi 31 mars 2015

extrait de "SUR LES RIVES DE SHENANDOAH" de hubert zakine.

JE SUIS EN TRAIN D'ECRIRE "SUR LES RIVES DE LA VERTE PRAIRIE" une histoire qui se passe en Virginie. Pour changer un chouïa de genre !
1945
Assis au fond du bus de la compagnie Greyhound dont l’inconfort martyrisait ses reins, Bobby Mac Donald parcourait les derniers lacets de la bande côtière de sa Virginie natale. Son retour au pays avait débuté à l’aéroport de Charleston, s’était poursuivi sur les lignes du Virginian Railway et l’étape suivante le déposerait à la gare routière de Charlottesville où il se promettait de faire un brin de toilette avant de se présenter à sa famille.
L’aurore renaissante parée de pourpre et d’or lui annonça la plaine des hautes terres où sa famille possédait, depuis plusieurs générations, un domaine vinicole surplombant sa maison natale. Malgré une barbe naissante qui creusait ses joues et témoignait de sa lassitude, Bobby était ravi de retrouver les paysages qui avaient bercé son enfance et défilaient sous ses yeux qu’il maintenait ouverts à grande peine.
Avait-il craint de ne plus jamais revoir ces marées épineuses qui s’étiraient jusqu’aux confins de l’océan Atlantique et emprisonnaient le regard vers cette magnifique forêt de pins qui semblait s’élever jusqu’à dieu ? Avait-il douté du pouvoir magique de l’amulette indienne remise par le chef de la tribu des Mattaponi lors du départ de son unité pour l’Europe en guerre ? Ce vieil ami de la famille, sage parmi les sages et respecté de tous, avait tenu à lui remettre l’amulette en mains propres accompagnée d'une incantation qu’il récita de sa voix douce mais rocailleuse.
Aujourd’hui, comme paraissaient lointaines les angoisses qui avaient assailli ses nuits d’insomnie et lointain le souvenir de son engagement sous la bannière de l’état de Virginie. A présent, plus rien ne comptait que cette vallée qui glissait sous les roues du vieil autobus et le ramenait vers la vie ! Le front collé à la vitre, il se laissait bercer en imaginant les retrouvailles avec sa mère, femme si douée pour l’amour maternel trop longtemps délaissée pour glorifier la guerre, cette faucheuse de vies à peine écloses. Sa famille, ses frères, sa sœur et son père, William, chef à la poigne de fer de la tribu des Mac Douglas dont les aïeux s’étaient arrimés en ce pays à peine sorti de l’indépendance anglaise.
Après un grincement de frein interminable, le car Greyhound stoppa devant la station de la gare routière de Charlottesville. Bob se leva, défroissa le pantalon de l’armée qui collait à ses cuisses et étira ses jambes engourdies. Après être descendu du bus, Il jeta un regard circulaire cherchant visiblement un visage familier mais il ne croisa que des employés cravatés qui ne prêtèrent nulle attention à ce soldat aux traits fatigués. De guerre lasse, il entra dans la gare et se dirigea vers les lavabos. Une rapide toilette assortie du troc de sa tenue militaire pour une chemisette blanche et un blue jean acheté en cours de voyage. Il compléta sa métamorphose par une coupe au salon de coiffure dont le propriétaire sembla reconnaitre le petit Mac Douglas.........................................
.............................................Bob, le nez au vent, demanda au taxi de ralentir en longeant la plaine du comté pour humer les senteurs oubliées sur les champs de bataille. Comme lui sembla belle et sauvage la bande côtière qu'il sillonna si souvent avec son père et ses frères en se rendant au domaine vinicole de Charlottesville. A un embranchement, il fit stopper le taxi avec une idée derrière la tête. Il paya le chauffeur en n'omettant pas de laisser un bon pourboire au conducteur noir qui découvrit un sourire ajouré, regarda autour de lui le décor qui parlait à sa mémoire de petit garçon. Il empoigna sa valise et prit le chemin qui descendait vers la rivière de son enfance. Aucune senteur ne lui était étrangère. Il reconnaissait les arbres, les clairières, les sous-bois. Rien n'avait changé. Si ce n'était son bras qui était resté en Europe, il eut pu croire qu'il avait rêvé tant les parfums de sa Virginie natale lui parlaient. Mais le rêve s'avéra fort douloureux. Il descendit le chemin jusqu'à la rivière de la Rivanna, s'aperçut que l'absence de son bras le déséquilibrait sur ce sentier qu'il avait tant de fois emprunté en courant à perdre haleine dans son adolescence. Il se planta devant un tulipier rougeoyant dont le tronc semblait dépasser un mètre de diamètre et une trentaine de mètres de haut. Bob resta ainsi à contempler cet arbre centenaire, parlant à ce vieil ami qui fut témoin de ses premiers émois et portait en son écorce tendre, la trace de deux cœurs enlacés. Shirley, premier amour, baiser de jeunesse et promesse ensoleillée avant la tourmente. Comment allait-elle réagir devant le handicap ? Il laissa son regard descendre vers la rivière. Rien n’avait changé. Il écouta son cœur lui parler de jadis, ressenti les baisers enflammés de sa belle, revit les baignades insouciantes de deux gamins et l’instant délicieux qui rencontra le septième ciel. Surprise miraculeuse qui l’émerveilla. Bob ferma un instant les yeux, fouilla sa mémoire amnésiée pour retrouver le souvenir grisant de cette étreinte inoubliée.
Alors, ses doigts caressèrent les cœurs enlacés à l’écorce de son âme, ses lèvres embrassèrent le vieil arbre rugueux puis sa voix chuchota au vent léger :
--Et oui, mon ami, me revoilà. Abimé......mais …….vivant !



 

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