mardi 24 mars 2015

extrait de MA MERE, MES TANTES, L'ALGERIE ET MOI de hubert zakine

Je m’en ouvrais à mes amis d’enfance mais s’ils comprenaient les propos de tata Rose, je peux affirmer qu’ils s’en foutaient comme de l’an quarante. En définitive, je devais me débattre seul contre tous. Ma mère et mes tantes contre moi, autant dire, un combat perdu d’avance !
Mes femmes semblaient programmer le calendrier de ma vie. D’abord, mon mariage et neuf mois après, la naissance de mon premier garçon car il est bien évident que le Moïse des temps modernes se devait de donner des fils à la dynastie religieuse. Abraham, Israël, Eliaou, au secours ! Si d’aventure, j’échouais, la honte à la figure ! Mieux, j’y pense pas ! La mission de sauver le patronyme de mes pères m’était dévolue et attention les yeux si je me manquais ! Purée, qu’est-ce que je vais pas entendre  de la part de mes tantes adorées !
--Tu es un bon à rien !
--Même pas capable d’avoir un garçon !
Les pauvres, mes tantes ! Je pourrais pas répliquer que leurs maris, non plus, ils n’ont fait que des filles.
--Dix fois, vingt fois,   tu dois te remettre sur le métier !
--Mélanie, on t’avait prévenu quand il était petit,  tu lui as pas donné assez de fortifiants !
--C’était la peine de sauter sur tout ce qui bouge si au bout du compte, tu n’es pas capable d’avoir un garçon.
 
Bon, pour le moment, il valait mieux que je me concentre sur mes 17 ans et la course aux fiancées. Les filles d’Alger ne vont pas m’attendre pour s’amouracher du premier garçon rencontré. Roland, mon ami, c’est pas un amoureux comme les autres ; qu’elle soit   brune, blonde, rousse ou chauve, si elle porte une robe et qu’elle a des tétés, il tombe amoureux. Moi, Je suis plus difficile. Bien sûr, je crache pas sur les tétés et tout, et tout, mais si elle est smom, je change de trottoir. Smom, c’est être toujours jamais contente. Une smom, quand elle sourit, tellement elle manque d’habitude qu’elle se décroche la mâchoire. Avec toutes les catastrophes qui endeuillèrent ma famille, je ne me suis jamais départi de ma bonne humeur. Alors, les figures d’enterrement, très peu pour moi. Non, mon rêve c’est une fille avec plein de creux et de bosses là où il faut, le sourire comme carte d’identité et le rire comme passeport. Que quand je la vois, le karse, il m’oublie pour la journée. C’est peut-être ça, l’amour. A savoir !
Moïse, le vrai, il n’avait pas des sangsues après lui comme mes tantes alors moi, le Moïse algérois, je n’ai plus qu’une idée en tête, m’amuser pour profiter de ma jeunesse avant les soucis du mariage promis par Tata Rose.
--Mais, tata, j’ai à peine dix-sept ans et déjà tu veux me marier ?
-- je veux rien mon fils mais n’oublie pas que  la valeur n’attend pas le nombre des années !
Tata Rose, sara, sara, elle me sortait des phrases toutes faites auxquelles je ne pouvais répondre tant elles demandaient réflexion.  
--Tata, j’ai plus le droit de m’amuser, alors ?
--Bien sûr mon fils mais jusqu’au service militaire, après, il faut te caser et penser à la famille. Fini l’amusement !
Purée, à l’écouter, le mariage, c’est le bagne. Il est vrai que tata Rose ne s’était jamais mariée et elle parlait par ouïe dire. Mais elle avait entendu ses sœurs se plaindre si souvent qu’elle s’était faite une certaine idée du mariage. Avant leur veuvage, mes tantes Cécile et Irène ne pouvaient s’empêcher de critiquer leurs maris. A présent, que mes oncles avaient rejoint le grand jardin de l’éternité, elles regrettaient d’avoir tant dénigré leurs chers époux. Hélas, c’était trop tard et il fallait bien qu’elles fassent passer leur mauvaise humeur sur quelqu’un. Malheureusement pour elles, mes cousines étaient aux premières loges. Mes cousines……..et moi !

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