Je m’en ouvrais à mes amis d’enfance mais
s’ils comprenaient les propos de tata Rose, je peux affirmer qu’ils s’en
foutaient comme de l’an quarante. En définitive, je devais me débattre seul
contre tous. Ma mère et mes tantes contre moi, autant dire, un combat perdu
d’avance !
Mes femmes semblaient programmer le
calendrier de ma vie. D’abord, mon mariage et neuf mois après, la naissance de
mon premier garçon car il est bien évident que le Moïse des temps modernes se devait
de donner des fils à la dynastie religieuse. Abraham, Israël, Eliaou, au
secours ! Si d’aventure, j’échouais, la honte à la figure ! Mieux,
j’y pense pas ! La mission de sauver le patronyme de mes pères m’était
dévolue et attention les yeux si je me manquais ! Purée, qu’est-ce que je
vais pas entendre de la part de mes tantes adorées !
--Tu
es un bon à rien !
--Même
pas capable d’avoir un garçon !
Les pauvres, mes tantes ! Je pourrais
pas répliquer que leurs maris, non plus, ils n’ont fait que des filles.
--Dix
fois, vingt fois, tu dois te
remettre sur le métier !
--Mélanie,
on t’avait prévenu quand il était petit, tu lui as pas donné assez de
fortifiants !
--C’était
la peine de sauter sur tout ce qui bouge si au bout du compte, tu n’es pas
capable d’avoir un garçon.
Bon, pour le moment, il valait mieux que je me concentre sur mes
17 ans et la course aux fiancées. Les filles d’Alger ne vont pas m’attendre
pour s’amouracher du premier garçon rencontré. Roland, mon ami, c’est pas un
amoureux comme les autres ; qu’elle soit
brune, blonde, rousse ou chauve, si elle porte une robe et qu’elle a des
tétés, il tombe amoureux. Moi, Je suis plus difficile. Bien sûr, je crache
pas sur les tétés et tout, et tout, mais si elle est smom, je change de
trottoir. Smom, c’est être toujours jamais contente. Une smom, quand elle
sourit, tellement elle manque d’habitude qu’elle se décroche la mâchoire. Avec
toutes les catastrophes qui endeuillèrent ma famille, je ne me suis jamais
départi de ma bonne humeur. Alors, les figures d’enterrement, très peu pour
moi. Non, mon rêve c’est une fille avec plein de creux et de bosses là où il
faut, le sourire comme carte d’identité et le rire comme passeport. Que quand
je la vois, le karse, il m’oublie pour la journée. C’est peut-être ça, l’amour.
A savoir !
Moïse, le vrai, il n’avait pas des sangsues après lui comme mes
tantes alors moi, le Moïse algérois, je n’ai plus qu’une idée en tête, m’amuser
pour profiter de ma jeunesse avant les soucis du mariage promis par Tata Rose.
--Mais, tata, j’ai à peine dix-sept ans et
déjà tu veux me marier ?
-- je veux rien mon fils mais n’oublie pas
que la valeur n’attend pas le nombre des
années !
Tata Rose, sara, sara, elle me sortait des phrases toutes faites
auxquelles je ne pouvais répondre tant elles demandaient réflexion.
--Tata, j’ai plus le droit de m’amuser,
alors ?
--Bien sûr mon fils mais jusqu’au service
militaire, après, il faut te caser et penser à la famille. Fini l’amusement !
Purée, à l’écouter, le mariage, c’est le bagne. Il est vrai que
tata Rose ne s’était jamais mariée et elle parlait par ouïe dire. Mais elle
avait entendu ses sœurs se plaindre si souvent qu’elle s’était faite une
certaine idée du mariage. Avant leur veuvage, mes tantes Cécile et Irène ne pouvaient
s’empêcher de critiquer leurs maris. A présent, que mes oncles avaient rejoint le
grand jardin de l’éternité, elles regrettaient d’avoir tant dénigré leurs chers
époux. Hélas, c’était trop tard et il fallait bien qu’elles fassent passer leur
mauvaise humeur sur quelqu’un. Malheureusement pour elles, mes cousines étaient
aux premières loges. Mes cousines……..et moi !
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