samedi 12 mai 2012

LE DESTIN FABULEUX DE LEON JUDA BEN DURAN "SIEUR DURAND D'ALGER" de hubert zakine

HUSSEIN PACHA était un homme fier, sûr de lui et de son pouvoir en cet été 1820. Son insolence ne connaissait pas de limites.

Les Consuls de SARDAIGNE et d'ESPAGNE subirent son courroux lors d'un entretien privé sur les taxes portuaires réclamées à leurs pays. L'arrogance de ses propos et de ses missives indisposaient tous les ministres plénipotentiaires.

Pour atteindre la Régence d'EL DJEZAIR avec son cortège de glorieuses réminiscences liées à l'auguste premier personnage du pouvoir ottoman, ce Turc né à VOURLA, près de SMYRNE, gravit tous les échelons de la promotion sociale. Engagé très jeune dans l' "ODJAC", armée ottomane, qui offrait la possibilité à ses soldats de cumuler un métier civil avec la charge militaire, HUSSEIN, toute ambition déployée, usa de cette facilité pour ouvrir une friperie dans le vieux quartier de la "Kasbah". L'écho de son succès parvint jusque dans les jardins de la "cassaubah". Aussi, le Dey d'alors, OMAR BEN MOHAMEDI, le nomma secrétaire, "drogman" de la Régence puis, satisfait de ses services, Ministre des Propriétés Nationales. Son intelligence fit des merveilles et le propulsa, quelques années plus tard, vers le trône en lieu et place de ALI KHODJA.

A présent, seul maitre d'EL DJEZAIR après ALLAH, HUSSEIN PACHA régnait sur un pays en proie au doute. La piraterie s'essouflait et la "course" ne remplissait plus guère le trésor de la Régence.

Il prit alors de mesures impopulaires, augmenta les impôts, réclama le paiement des dettes contractées envers la Régence sous d'autres monarques. Dont celle de la célébrissime "créance BACRI"

Par une habile manipulation dont il avait le secret, le "Consortium Juif Livournais" réussit à convaincre le Dey d'accepter des lettres de créance de la FRANCE pour solde de tous comptes. Hélas, le Trésor Français refusa d'honorer la totalité des obligations pour une sombre histoire de Caisse de Dépôt et Consignation.

HUSSEIN rendit, alors, responsables les Livournais, instigateurs et détonateurs de sa discorde avec la FRANCE.

Aussi, accueillit-il avec intérêt Léon Juda DURAN, ennemi déclaré des BACRI, qui devint le fournisseur officiel de la Régence. Ses qualités d'interprête ajoutées à ses connaissances en matière financière et à ses relations commerciales éblouirent le Dey qui en fit son premier secrétaire "drogman".

La Maison BACRI était à genoux. David DURAN pouvait reposer en paix dans le vieux cimetière israélite de la Porte BAB EL OUED au milieu des asphodèles sauvages.

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Le mariage de Léon Juda

La "djenan" familiale lui apparut superbe, enveloppée d'azur et d'or. Plus blanche, plus bleue et plus majestueuse qu'autrefois. Enlacée de jardins sauvages et spontanés aux déroutantes flèches de verdure qui emprisonnaient le regard, la maison de l'enfance semblait immobile, intemporelle. Telle une aquarelle figée par la main amoureuse d'un peintre de génie qui, l'imagination en feu, brossait le pays du bonheur.

Léon Juda remontait le long fleuve agité de sa vie. Un retour à la source bienfaisante et douloureuse de sa jeunesse après quatre années de guerre, de peine et de joies arrachées sur la route parsemée d'embûches et de nostalgie. Il revenait, une épouse à son bras et un petit David pour tout bagage.

Nedjemah Chabah, la belle Oranaise, avait séduit d'un regard velouté le "jeune loup" ainsi surnommé par Messaoud ABOULKER, beau-père et principal fournisseur de céréales pour le "Beylick" de l'Ouest. Par cette union qui le comblait, Léon Juda s'attacha l'exclusivité commerciale de la Maison ABOULKER.

Toutes les traditions, rites et coutumes du judaïsme d'EL DJEZAÏR enflammèrent la maison de l'Eternel, de la "djehaz", trousseau offert par le jeune homme à sa promise, à la "mezrah", lorsque le fiancé se promène avec sa future épouse pour assister au lever du soleil, en passant par le "mikvé", bain rituel des femmes, le "bain d'Esther", la "harkassa", soirée du "hénné" et la "tania", réception en musique de tous les amis et membres des deux familles.

Lors de cette occasion solennelle, le jeune marié perpétua une coutume ancestrale, vieille de quatre siècles, en revêtant, à la synagogue, la robe noire et la coiffe des "Rabbanim" victimes de l'inquisition médiévale de 1391.

Seule la famille DURAN, descendante en ligne directe de "RASHBAZ" jouissait du privilège de porter les deux objets sacrés alors que les familles STORA, SERROR et BENHAÏM, branche co-latérale de RIBACH se voyaient interdire le port de la robe.

La "djenan" des DURAN s'endimancha de la douce présence de Nedjemah. La petite mémé enveloppa la jeune épousée de tout l'amour que le chagrin lui avait laissé tout au fond du coeur. Quatre années avaient accompagné sa peine de ne pouvoir rejoindre sa fille bien aimée au paradis des femmes de son pays. Une quête absolue. Une quête d'absolu.

Mais l'Eternel, disait-elle, lui parlait les soirs de grand vent quand la mer en furie annonçait la tempête.

"IL" lui disait les choses de la vie et occultait le dernier voyage. L'assurant du bien-fondé de sa décision, "IL" parlait de l'absence comme d'un bonheur à venir, une espérance à combler.

A ce jour, elle savait. Pourquoi l'attente. Pour quoi et, surtout, pour qui. Pour cette jolie fleur en forme de coeur que la fléche de Léon Juda, son adoré petit-fils, avait transpercée en terre bénie d'Oranie. Pour la belle vierge aux cheveux noirs sous la "fouta", pour la petite Nedjemah née pour le bonheur de son "mazozé", pour que se transmette le relais de l'amour entre les deux femmes, la vieille et la jeune, pour les beaux yeux de Léon Juda.

Les fontaines chantantes du patio ruisselèrent en cadence et les fleurs offrirent leurs corolles à la caresse des dieux ardents. Les murs recouverts de chaux reconnaissaient l'enfant prodigue et le fauteuil de David DURAN, demeuré à sa place par la divine volonté de la petite mémé, semblait inviter le nouveau maître de Maison.

Alentour, la campagne verdoyante attirait le coucher d'un soleil qui rougissait à vue d'oeil.

Léon Juda s'instaurait conservateur du musée d'amour d'autrefois et dépositaire d'un avenir parfumé de rose et de jasmin auprès de Nedjemah Chabah et de son premier né qui portait le prénom de son grand-père, perpétuant ainsi, la tradition millénaire du peuple juif.


A SUIVRE......................

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