dimanche 13 mai 2012

EXTRAIT DE "LA VIE QUOTIDIENNE A BAB EL OUED DANS LES ANNEES 50" de Hubert Zakine

 LA FAMILLE

La famille, la tribu, le clan, la bande, autant de dénominations qui désignaient l’entité auprès de laquelle se rattachaient les membres d’un même arbre de vie.

Autour de l’histoire de l’ancêtre qui osa braver l’inconnu d’un eldorado promis par une France nourricière se greffèrent de nombreuses ramifications qui s’enracinèrent dans le sol fertile de l’Algérie.

Chaque membre de la famille s’arrima fermement au patronyme hérité de l’ancien comme le naufragé à une bouée de sauvetage avec pour seul alibi la défense de sa Maison. La seule richesse, en ce temps-là, se résumait au souvenir du drapeau abandonné au large de la Méditerranée. Drapeau du pays où reposaient les aïeux sans cesse évoqués lors des veillées regroupant tous les enfants d’un même village transalpin, ibérique, maltais ou mahonnais.

Dans ces familles éreintées par la misère, le labeur semblait le dénominateur commun par lequel transitait l’espérance d’une vie meilleure. Travailler pour bâtir un avenir à ses enfants, se sacrifier pour le bien être de sa maisonnée, « suer sang et eau » afin de mériter le respect d’autrui, la reconnaissance de son entourage et la satisfaction de se regarder dans une glace sans détourner la tête, voilà les prières adressées au seigneur par tout un chacun. Cette formidable leçon, gravée dans la mémoire collective des premières années d’immigration européenne en Algérie renforça l’inaliénable unité des familles méditerranéennes devenues « pieds noires » par la grâce d’une France grande, belle et généreuse.

Autour du cercle de famille s’énoncèrent alors les règles de vie essentielles à la survie de la tribu. Le travail bien fait, le courage et l’abnégation, l’honneur du patronyme brandi tel un oriflamme, le respect dû au père et l’amour à la mère, la transmission des traditions s’inoculèrent dans les veines de chaque apatride sans omettre la reconnaissance envers le pays de la délivrance : la France.

Ainsi, les familles issues du bassin méditerranéen, adoptèrent les lois dictées par la raison et le sentiment, portant dans leurs bagages de multiples coutumes qui se mêlèrent les unes aux autres jusqu’à former une entité que l’on nomma « européens d’Algérie ».

La famille d’Algérie déléguait à chaque membre de la tribu un rôle qui pour être éminent n’en demeurait pas moins discriminatoire pour les tenants du féminisme à tout crin. Mais en ce pays et à cette époque, la révolte n’habitait pas les cœurs. Bien au contraire, l’élément féminin de Bab El Oued n’aspirait qu’à une seule chose : le bonheur de sa Maison.

La femme régnait en maîtresse absolue sur son « chez elle ». Du lever au coucher, en intendante suprême, elle veillait sur son royaume comme sa mère avant elle et sa grand-mère avant sa mère. Toujours aux petits soins avec son mari et ses enfants, femme au foyer de génie, elle partait au marché après avoir rangé son appartement, fait les lits, passé le chiffon du parterre et jeté un dernier coup d’œil afin de constater qu’elle « ne perdrait pas la figure » face à une visite inopinée..............

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