samedi 5 mai 2012

HORIZONS BLEUS "le cabanon des gens heureux" de Hubert Zakine

Allez va. Je vais m’asseoir à côté d’elle. Comme elle est en bout de banc, je lui demande de me faire une petite place. Elle s’exécute belmot. Juste pour la forme. Alors, obligé, je m’assois tout contre elle, ma cuisse se plaquant contre la sienne. Colette elle comprend mon manège comme si elle avait fait math sup. Et le miracle y s’accomplit. Je deviens Bernadette Soubirou ou quoi ? Rêve-je ? Elle me tape un sourire en se collant un chouïa contre moi ! Ma parole d’honneur ! Houla, si je mens ! Encouragé, qué je fais ? Zarmah, pour mieux voir le jeu que je peux pas voir en peinture, je me penche vers elle. Purée, qu’est-ce qu’elle sent bon ! Christian Dior y peut aller se rhabiller lui et ses parfums entêtants comme elle dit Madame Noguès qui préfère sentir la transpiration. Ma petite chinoise, elle se parfume au savon noir et mon ami, ça embaume le pain grillé. On en mangerait.

Mon bras, malicieux comme pas un, y tente de s’enrouler autour de sa taille mais d’un geste discret, elle se dégage. Ma main pas découragée pour deux sous, elle caresse son pull-over. Elle me regarde. Je suis vert, bleu et rouge de confusion. A savoir si elle est contente ou pas. Purée ce calvaire que les garçons y passent avec les filles. Et encore c’est qu’un début. En désespoir de cause, je lui glisse à l’oreille : « Tu viens au hangar à bateaux ? ».

Bou ! Le courage qui m’a fallu pour sortir cette phrase de ma bouche. Tellement j’ai honte, même pas je crois que c’est moi. Elle tourne son beau visage vers moi et elle me répond un Non qui fait passer le courant du Labrador sur la terrasse des Horizons Bleus. Déjà que la température elle est souèd !

Je démoralise plus vite qu’un avion à réaction. Dégoûté de la vie, je prends mon ciré que total il est pas à moi et je me dirige vers l’escalier qui conduit à la route. Y tombe des cordes. A savoir si je vais pas en prendre une et me pendre avec. Jeannot qu’il a oublié d’être intelligent, y veut m’accompagner mais un seul regard de ma part, ça suffit à l’en dissuader. Y me faut la solitude du Sahara pour me calmer. Je marcherais tel le juif errant à la recherche de mon moi absolu dans la sérénité d’une mer de sable où tout est futile sauf la vie. Ba Ba Ba, le poète ! Ch’uis complètement niqué de la tête ouais !

Colette elle me fait vraiment travailler du chapeau. Les tribulations d’un chinois en chine avec Jean Paul Belmondo, elles ont rien à voir avec les miennes même si ma petite chinoise elle me fait des chinoiseries. (çuilà qu’il a rien compris, y s’en fait pas, moi non plus !) Tout ça pour dire que je suis totalement déboussolé. Je pourrais me trouver en Amérique ou en Cochinchine, ça changerait pas grand-chose. Vous avez compris mainant, ouais ? Tout y faut que je vous explique alors !

La pluie comme une teigne, elle me balance de ces baffes, c’est rien de le dire ! Je me dirige vers la Pointe Pescade où Francette elle doit m’espérer alors que j’ai pas du tout envie de la voir, elle, ses tétés et son envie de me manger tout cru.
Y tombe le déluge. L’autobus y me demande de monter. C’est là que je m’aperçois que je suis fauché comme les blés. Le receveur arabe y me regarde et avec autorité y me demande de monter quand même sans oublier de me traiter de chitane. La classe, dé !

A moi les tétés de Francette parce que plus j’y pense et plus j’ai envie de savoir si dans la journée ses tétés y sont aussi gros que le soir ou bien si c’était un effet d’optique.

La Pointe Pescade, jamais je l’avais vue sous la tempête. Quand le soleil y lui fait pas les yeux doux, elle paraît inerte, morte. En totale hibernation ! Y a que moi qui patauge dans ses rues désertes. Cà me renvoie à Spencer Tracy qui débarque dans une ville désertique, abandonnée de ses habitants. Sauf que lui, y faisait une chaleur suffocante et qu’il était, comme a écrit un copain de classe, unijambiste des bras. Ma mère elle aime pas que je parle de l’infirmité parce que ça porte malheur. Alors elle aurait dit : « 5 dans mes yeux ! »

Bien à l’abri sous le rideau de soleil d’un restaurant qu’il a pas vu que le soleil il est en pleine dépression, je regarde droit devant moi. Ma tête, même pas elle réfléchit. Châ ! Je suis bien sans les babaos du cabanon, sans Colette, sans Francette, sans tétés, sans pensées scabreuses. Simplement avec moi pour me tenir compagnie. Sans personne pour me contredire, sans personne qui veut me faire aller là où je veux pas mais où je vais quand même parce que je suis un falso, sans personne qui m’oblige à réfléchir pour comprendre ses propos, qui me saoule de paroles sans importance, que je m’en fous comme de l’histoire des Incas. Je pense à rien comme un contemplatif qui contemple tout ce qu’il a sous les yeux sans essayer de comprendre. Je sais pas qui c’est qu’il a dit « heureux les simples d’esprit etc… » mais ma parole, çuilà y faut lui décerner la médaille de la sagesse. Purée, me revoilà qui tape la philosophie.

Je regarde la pluie, les trombes d’eau ; j’entends la pluie qui s’écrase sur les voitures et sur la bâche du restaurant où personne y se restaure. Je suis bien. Je dors les yeux ouverts. Les palmiers qui bordent la place y dégoulinent comme des parapluies de la nature. Devant moi, c’est un livre d’histoire naturelle qui s’ouvre. Mieux qu’à l’école où pourtant papa Aïache, mon instituteur, y se donne un mal de chien pour nous intéresser à ses leçons.

A SUIVRE...............

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