lundi 1 août 2011

LES AILES BLANCHES D'ALGER de Rosalind Ferrara -12 -

CHANT VII
SECONDE ELEGIE POUR NOS FAMILES EN DEUIL
Mon autre grand-père, mon père,  mes grands-mères, mes tantes...
Les souvenirs tracent de grandes lignes blanches comme des avions  fusent dans le ciel, et vous restituent la beauté de la mémoire, pareille à une grande fleur pleine de poésie… C’est pourquoi, ce qui fut douleur, souffrance, laideur, s’estompe dans le flou des pensées, et l’on ne retient que son souffle à l’apparition des plus belles réapparitions de l’enfance bénie sur les ailes des anges…
         Ce furent d’étranges parents que les miens, si contrastés, un père sicilien, une mère anglo-alsacienne, lorraine, autrichienne, espagnole, surprenant mélange, dont je sens dans mes veines toute  l’immense force créatrice, très différents, mais très beaux tous les deux. Deux familles si dissemblables et pourtant chacune dans son genre ouverte au BEAU et pourvue de dispositions artistiques…
Les parents de mon père venaient de Sicile,  de Catania plus précisément. Quand ils sont arrivés en Algérie, ils ne parlaient pas français. Mon grand-père marié à l’époque avait déjà des enfants. Mais il rencontra Arduina MALAVOLDI. Le divorce par consentement mutuel n'étant pas possible à cette époque, il se sépara tout simplement de son épouse. Les amoureux vécurent dix-huit années sans pouvoir se marier au grand scandale de mes grands-parents maternels très conservateurs ! Mes grands-parents siciliens donnèrent le jour à plusieurs enfants dont mon père.
Je garde de ma grand-mère, un souvenir très affectueux et à consonance artistique : après m’avoir emmenée voir Faust, cette petite femme s’était inventé un prénom « Marguerite », … Quant à mon grand-père sicilien, sec et maigre, pourvu d’une fine petite moustache, il était doté d’un caractère volcanique. J’adorais les « petits canards » au rhum sur un sucre qu’il glissait dans ma petite bouche gourmande…
Je me souviens de beaucoup de remue-ménage dans cette famille si peu calme et fort remuante. Je la voyais très souvent, car, à cette époque déjà, mes parents vivaient une séparation flagrante et douloureuse           
Le petit appartement de mes grands-parents siciliens, rue de la Tour d’Auvergne, était situé dans les étages supérieurs de l’immeuble. Ses galeries intérieures reviennent souvent encore hanter mes rêves… C'était pour moi le plus bel appartement du monde. Il était bien rustique  en réalité et n'avait rien de bien attrayant, si ce n’est la chaleur affective qui y régnait.
On entrait directement dans une immense pièce, qui servait de chambre à  mes tantes, meublée d’un cosy discrètement transformé en lit le soir, d’une table ronde où des bouquets de fleurs fraîches, parfois immenses pour la petite fille que j’étais, souvent des glaïeuls, jaillissaient dans les sillons joyeux du soleil entré insolemment par l’immense fenêtre toujours ouverte dans mon souvenir.  J'y regardais danser des grains de poussières étoilées dans les fines dorures de l’astre pénétrant et peu discret, tandis qu’il me tardait qu’une de mes tantes ouvre le grand coffre de bois mystérieux. De là ne manqueraient pas d'apparaître, pour mon bonheur, de merveilleux trésors délicatement enfouis : jupes de toutes les couleurs aux allures gitanes, jupons bouffant  en cascades intrépides... Et je ne cessais de rêver du jour où je pourrais porter toutes ces belles choses !...
Puis, il y eut des mariages, les grands mariages de mes tantes, et d'abord toute la préparation solennelle qu’ils suscitaient : les courses dans les beaux magasins dont les robes immaculées, les   diadèmes fantastiques me fascinaient... Et voici que moi-même j'avais une nouvelle robe, une belle robe de demoiselle d’honneur montée et cousue à même de mon fier petit corps plein de vie !...

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