lundi 1 août 2011

SQUARE GUILLEMIN de hubert zakine-19-

Tous les amis, on habite dans un périmètre de cinquante mètres alors pour se donner rendez vous, c’est facile. On sort au balcon, on se donne un coup de sifflet et l’affaire elle est dans le sac. Capo, il a envie d’aller au Mon Ciné cet après midi. Le Mon Ciné, c’est une des neuf cinémas de Bab El Oued mais cette salle, c’est « notre » cinéma. D’abord, il est à vingt mètres à l’angle des escaliers de la rue Kœchlin et de la rue Rochambeau. Alors, à force de le voir en allant à l’école ou en faisant les commissions chez madame Bazar, l’épicière, le Mon Ciné, il est devenu notre cinéma préféré. Surtout que le patron, Mr Hanoun y programme des films pour la jeunesse du quartier.  Et des jeudis cinématographiques avec des films de cow boys, de corsaires, de cape et d’épée, d’aventures dans des pays lointains, de Tarzan, de Zorro, grâce à Dieu et surtout grâce à Mr Hanoun, c’est pas ce qui manque au Mon Ciné. Mais c’est l’argent qui  manque le plus souvent et la seule chance de se payer une place, c’est le 5/25.
Le 5/25 c’est un jeu qui multiplie par cinq (ou par zéro) la somme misée. Une boîte en carton avec  six chiffres (1 à 6) crayonnés et délimités à la va vite, un yaouled qui fait la mata, la banque qui lance le tchic tchic et si le chiffre misé y sort, on encaisse cinq fois la mise. Mais quand la chance elle nous tourne le dos, on pleure toutes les larmes de notre corps et on a qu’une seule envie, c’est d’aller se jeter au Kassour !
Parfois, la préposée aux places elle laisse entrer au Mon Ciné les enfants du quartier même si on a pas assez d’argent. Mais elle pose une condition : prendre un fauteuil pour deux. Les fauteuils larzeze ! Tout en bois qu’une jeunesse persifleuse au possible, elle prend un malin plaisir à  claquer au moment le plus angoissant du film. Une autre condition imposée, c’est de le dire à personne ou sinon tout Bab El Oued, y va resquiller par deux comme des frères siamois.
Le Mon Ciné, y se trouve rue Rochambeau à côté des écoles. Chaque année, Rochambeau y nous offre une séance de cinéma avant les vacances de Noël. Cette année, elle est restée gravée dans ma mémoire pour trois raisons. La première, c’est l’année de mon certificat d’études que j’ai raté haut la main. (raïben, ma mère qui voyait son fils  docteur ou avocat !)
PAPA AIACH ET SA CLASSE DE ROCHAMBEAU
La deuxième c’est parce que mon maître c’est Monsieur Aïach qu’on appelle papa Aïach pour lui témoigner notre affection et la troisième, c’est qu’au lieu de nous emmener  au Mon Ciné,  on s’est retrouvé au Marignan pour assister au premier film d’Elvis Presley « Loving You ». Le tcherklala, la barouffa, le chahut, le tohu-bohu, le bin’z (enfin tous les mots qui font du bruit !) je vous dis pas ! Vous me croirez si vous voulez mais Capo, à partir de ce jour, y s’est pris pour Elvis Presley. Mais la vérité, avec ses trois cheveux qui se battent en duel, je sais pas comment y fait  pour donner l’impression d’avoir la tonne de cheveux. C’est pas qu’il est fartasse mais  son père,  il a horreur de voir les cheveux lui manger la figure. Le lendemain, il est venu avec la banane! Une toute petite banane mais une banane quand même. Mais pour ressembler à Elvis et faire tenir sa banane, il est obligé de s’asperger  ses cheveux de gomina ou de les badigeonner de Pento. Toutes les cinq minutes, y passe le peigne dans sa coiffure en prenant des poses à la James Dean et bien sur à la Elvis. Lui qui paraissait si intelligent. Yaré Capo !
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