jeudi 26 mai 2011

LE RUA DE MAURICE FAGLIN



Le 2 mai 1932, le stade Municipal était plein à craquer. Des chaises avaient été installées sur la piste cycliste
et un arbitre venu de Métropole, Monsieur MERCKS, donna le coup d'envoi. Pourquoi un arbitre de Métropole ?
Parce que nos dirigeants, le toubib en tête, craignaient que comme pour les précédents matches, notre adversaire ne soit favorisé, peut être inconsciemment, par un arbitre local.
CUBILIER, COUARD, RABIA, TAZAIRT, BARNIER, POIZAT, AVOUSTIN, FAGLIN, EL
MEHDAOUI, MALAURENT, THOMAS étaient opposés à :
REQUIN, CONSIGLIO, IMBERNON, MONTEL, MOUTIER, OHRAN, DIMEGLIO, CALMUS, VITIELLO, SADI, LUCCHINI (peut être GUILLAMOT jouait-il à la place de MOUTIER qui jouait à celle de CONSIGLIO et GARCIA à celle de LUCCHINI).
C'était un dimanche algérois ensoleillé, une température de printemps, un ciel bleu avec quelques petits nuages pour faire comme le RUA, bleu et blanc - Signe du destin ? - et deux équipes décidées à trancher définitivement une rivalité que même les autres équipes prenaient en compte, la plupart d'entre elles préférant le RUA, il faut le reconnaître.
La 1ère mi-temps fut jouée de façon prudente de part et d'autre et c'est sur un score nul, 0 à 0, que survint
le repos. Il faut ici ouvrir une parenthèse pour indiquer combien chez les sportifs en général, les footballeurs en particulier, il y a une part importante de superstition. C'est ainsi qu'au RUA, AVOUSTIN et FAGLIN,
inséparables sur les terrains comme dans la cour du lycée - ils se connaissaient depuis la 6e du lycée de Ben Aknoun et se trouvaient alors en 1ère du Grand Lycée - avaient remarqué que le survol du stade par un avion était signe de victoire. Mais les avions en 1937, cela n'encombrait pas les airs. Fort heureusement - nous le croyons encore aujourd'hui - au moment où la 2e mi-temps allait débuter, on en vit un qui non seulement fit son apparition mais effectua encore 2 nouveaux passages en direction des buts du Gallia. On racontait que cette présence aérienne n'était pas innocente et que Monsieur DUHEM, secrétaire général à l'époque, pilote amateur, membre de l'Aéroclub, avait fait le nécessaire pour que...
Bref l'avion était apparu et pendant les 10 premières minutes, nos cinq lycéens se déchaînèrent. A la 10e minute EL MEHDAOUI, contrôlant le ballon d'une aile de pigeon à 20 mètres du but, adressait un violent tir qui heurtait le poteau, revenait heurter le dos de REQUIN qui avait plongé et entrait dans les filets.
EL MEHDAOUI qui n'avait pas 18 ans mais qui avait un sang froid extraodinaire, mit son index sur la tempe et, goguenard, grommela quelques mots en kabyle, que même aujourd'hui nous n'aurons pas l'indécence de traduire. L'infortuné gardien n'était pas au bout de ses peines. En effet cinq minutes plus tard, Robert THOMAS, de son aile gauche adressait un centre parfait à mi-hauteur sur lequel EL MEHDAOUI accourut au 1er poteau. Encore sous le coup de la déception et sans doute énervé par la mimique de notre avant centre, REQUIN se précipita, un peu en direction du ballon, beaucoup vers EL MEHDAOUI pour lui régler son compte.
Notre kabyle, d'un flegme tout britanique ouvrit alors les jambes et le ballon parvint ainsi à 5 ou 6 mètres des buts désertés. FAGLIN n 'avait plus qu'à marquer, ce qu 'il fit. On va comprendre maintenant pourquoi notre Président avait insisté pour que l'arbitre vienne de Métropole. Il avait cependant, pour ne pas heurter l'amour propre de nos arbitres locaux, accepté que les 2 assesseurs soient algérois. Sur leur lancée nos avants en faisaient voir de toutes les couleurs aux demis et arrières gallistes. Et EL MEHDAOUI, après avoir évité le dernier défenseur, tira au but et marqua. L'arbitre, qui indiquait le centre du terrain, fut alors alerté par un juge de touche, alla le consulter et s'en revint pour ordonner un coup franc en faveur du Gallia. Il y eut du charivari dans les tribunes. Ce 3e but, s'il avait été validé aurait sans doute assommé nos adversaires ; son annulation les stimula. La fin de partie fut d'autant plus difficile que nos jeunes joueurs étaient, l'un après l'autre, pris de crampes. Mais derrière, de CUBILIER à POIZAT cela tenait bon. La présence physique de nos 3 défenseurs, celle de BARNIER, la hargne de TAZAIRT et POIZAT étaient telles que la pression galliste fut stérile. La fin du match survint et Raymond COUARD, porté en triomphe jusqu'à la tribune d'honneur, reçut la coupe. La victoire fut fêtée et cette fois nos lycéens furent invités à partager le pain, le sel et le champagne.

Quelques semaines plus tard, couronnement d'une saison brillante, le F.C. SOCHAUX, vainqueur de la Coupe de France, venait à Alger rencontrer le RUA en une symbolique Coupe de l'Empire français. Sochaux dominait alors le football français. Sa défense notamment formée de DI LORTO, gardien, de CAZENAVE et MATTLER, arrières, était celle de l'équipe de France. Mais sa ligne de demis, HUG, SZABO, LEHMAN et sa ligne d'avants WILLIAMS (anglais), ABBEGLEN (suisse), COURTOIS (français), DUHART (français/ urugayen) et LESLIE (anglais) ou KORB (français) ou LALLOUÉ étaient composées d'internationaux, en totalité.
Pour cette finale semi-officielle le RUA recevait le renfort de Roger COUARD, en vacances et de Sydney
REGAN, son entraîneur qui remplaçaient EL MEHDAOUI et RABIA, blessés. JASSERON lui-même en
vacances, invité à participer à la fête, préféra s'abstenir pour ne pas priver de ce match un jeune ruaïste. Le RUA par 1 à 0, but de Roger évidemment, l'emporta et nos adversaires acceptèrent mal cette défaite, utilisant en fin de partie des moyens assez rugueux.

La saison suivante 1937/1938 fut moins brillante, le titre de champion allait à l'A.S. Boufarik, alors qu'en coupe c'est le GALLIA qui en 1/2 finale nous éliminait par 1 à 0. Quelques remous résultant d'une certaine
incompatibilité d'humeur entre dirigeants et joueurs, avaient perturbé notre équipe et certains jeunes qui n'avaient pas leur langue dans la poche (CEPI - FAGLIN) avaient été priés d'aller se faire voir ailleurs, c'est à dire en réserve.
D'autres également, en méforme ou blessés avaient subi ce "déclassement". Par contre, on notait la réapparition de grands anciens, tels Paul RAMAGE et " Cagnette " BRANCA. La concurrence était rude, sur le papier le RUA n'avait jamais été aussi fort et pourtant !...
Cette éclipse ne dura pas. En 1938/1939 avec une équipe largement renouvellée, le RUA effectua une brillante saison. CUBILIER avait pris sa retraite de footballeur pour diriger (et y jouer) la section de basket qu'il allait amener aux titres de champion d'Alger, d'Algérie et d'Afrique du Nord. Georges ROQUES qui déjà, en 1936/1937 avait occupé le poste, allait le remplacer dans les buts. Il était athlétique, un peu casse-cou et malheur à l'adversaire qui osait le bousculer. Aidé de Raymond COUARD il "déménageait" les intrus téméraires. Georges et Raymond s'étaient découvert un adversaire privilégié, l'avant centre du Mouloudia, Albor JORDAN d'origine sud-américaine. Ce dernier, excellent technicien, athlétique, malin, vicieux même, ne refusait pas l'affrontement physique. Et au cours des MOULOUDIA-RUA, des chocs, il y en avait, réalisés dans les règles de l'art - pas du "noble art" -. C'était la bataille du silence. On pouvait percevoir les coups, pas les mots. Chacun encaissait, se relevait, boitillait, trottinait en attendant le prochain choc et une éventuelle revanche.
RABIA, MALAURENT, AVOUSTIN, FAGLIN poursuivaient leurs études en Métropole. Robert FERRARI qui depuis les minimes avait fait toutes ses classes au RUA remplaçait RABIA. René VIDAL qui,
comme lui, avait suivi la filière bleu et blanc apparaissait souvent en défense. C'était un joueur polyvalent capable d'occuper tous les postes de l'équipe à l'exception de celui de gardien de but. Ce n'était pas le chouchou des arbitres et il partageait avec FERRARI l'art de provoquer "intelligemment" l'adversaire, l'amenant à la faute. Yvon SAMUEL occupait la place de 1/2 centre dont le précédent titulaire, Paul BARNIER, passait au centre-avant. Les fidèles TAZAIRT et POIZAT encadraient SAMUEL. Dans la ligne d'avants 10 titulaires potentiels, au moins, se disputaient les 5 postes, Paul BARNIER occupant évidemment le centre. Edgar CEPI, vif de gestes, bon technicien, LICHTENSTEIN athlétique, Pierre BERNARD, Omar CHERIF, Albert VIVES, Jean ROBLES, COSTES, MARIN, COUCHET. Sydney REGAN n'avait que l'embarras du choix -
Parmi les nouveaux, Jean "Juanico" ROBLES, dribbleur excessif mais parfois génial, bel abessien comme notre toubib, alternait bons et mauvais matches, s'entêtant parfois dans des dribbles chaloupés sans fin, au grand dam de ses coéquipiers et dirigeants - A l'aile droite VIVES, apportait sa vitesse de démarrage, principal argument, er au contraire de Roblès, associait son jeu à celui de ses partenaires - Pierre BERNARD pouvait occuper tous les postes du milieu de terrain.
Mais il était souvent utilisé au centre des avants. Il avait notamment marqué 4 buts au gardien de l'équipe de France Universitaire. Cette rencontre, jouée au cours des vacances de Pâques 1939, à Montreuil, près de Paris, s'était terminée par une large victoire du RUA, par 5 à 1. Elle servait de sélection à la formation de l'équipe de France pour les jeux universitaires de Monaco en août et septembre 1939.
A SUIVRE

1 commentaire:

  1. Bonjour,
    J'ai le livre du RUA que j'aime feuilleter. Mon père, Jacques BOUVIER à longtemps joué au côté de Maurice FAGLIN et figure sur de nombreuses photos de l'équipe.
    Cordialement

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