vendredi 8 avril 2011

L'URBANISATION D'ALGER

Après la conquête de 1830, la capitale de l'Algérie déborde vite des limites de la Casbah, la forteresse turque. On sait qu'Alger est née de la Casbah, la forteresse turque qui dominait la ville médiévale, réseau de ruelles labyrinthiques, enfermée derrière ses murs. A peine débarqués, les Français entreprennent de créer une place d'armes et détruisent le centre historique de l'antique El-Djezaïr. La rénovation du quartier de la Marine (la basse Casbah) sera engagée au moment du centenaire de la conquête, en 1930. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, il n'en restera plus rien.
Très vite, la ville sort de ses limites historiques pour gagner le front de mer. Par étapes successives, on retient le projet de l'architecte Frédéric Chassériau, qui propose de créer un boulevard le long de la mer. Napoléon III l'inaugurera en 1865. Cette espèce de rue de Rivoli maritime, avec ses immeubles à arcades, est reliée au nouveau port par un système de rampes monumentales, toujours impressionnantes. Une gare est installée en contrebas. Des immeubles emblématiques sont peu à peu construits sur le front de mer : Préfecture, Banque de l'Algérie, Casino-hôtel , Opéra, palais des Assemblées. Derrière pousse le quartier d'Isly avec ses grands magasins et ses cafés.
Au début du XXe siècle, une vague néo mauresque saisit Alger. On élève des édifices "arabisants" (la Grande Poste, le siège de La Dépêche algérienne, les Galeries de France...). En même temps, le centre d'Alger se déplace encore vers l'est, du côté du boulevard Laferrière), où sera construit (par Jacques Guiauchain et les frères Perret) le Gouvernement général. C'est là aussi que l'entreprise Hennebique, pionnier du béton armé, mène des expériences de construction d'immeubles à ossature métallique. La rue Michelet escalade les collines avec des épingles à cheveux qui engendrent d'étonnantes séquences urbaines et de curieux édifices d'angle.

Plusieurs urbanistes (René Danger, Henri Prost, Tony Socard) essaient de rationaliser la croissance de la ville qui s'éparpille. Du coup, Alger devient le centre de débats urbains passionnés. C'est dans ce climat que débarque Le Corbusier. A partir de 1932, il va proposer un réaménagement radical de la ville. Son plan Obus prévoit l'implantation d'un quartier d'affaires à la Marine et d'une série d'immenses immeubles curvilignes sur les hauteurs ; dans ce projet un viaduc habité, véritable autoroute urbaine, surplombe la Casbah réduite à une simple citation et se déploie sur les collines, à mi-pente. Le Corbusier proposera, plus tard, d'autres solutions - dont un gratte-ciel assez beau, à implanter sur le quartier de la Marine.

Ses projets seront tous refusés, mais certains de ses principes seront retenus (notamment pour le malheureux quartier de la Marine), et les architectes algérois seront nombreux à les défendre. Parmi eux Pierre-André Emery, Jean de Maisonseul, Louis Miquel (l'un des auteurs de l'immeuble Aéro-habitat) ou Roland Simounet. L'un de ses disciples, Gérald Hamming, sera coresponsable du Groupement d'urbanisme de la région algéroise (GURA) mis en place au lendemain de la seconde guerre mondiale par Jacques Chevallier, le nouveau maire d'Alger. C'est ce dernier qui fera appel à Fernand Pouillon - honni des corbuséens - pour construire trois cités destinées aux populations musulmanes : Diar es-Saada, Diar el-Maçoul et Climat de France à Bab el-Oued.
Emmanuel de Roux

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