mardi 22 février 2011

ILS PARLENT D'ALGER......

Les Goncourt : “ Le 7 novembre à cinq heures, la côte d’Afrique est sortie de la brume. A six, un triangle de neige s’est illuminé aux premiers feux du soleil ”.
Alain Feydeau : “ Ce cri arraché aux rêveurs devant certains cités : “ On voudrait mourir ici ”, je l’ai poussé vingt fois à Mustapha, et réellement, quoi que j’aie l’idée que bien des choses finissent avec nous, à la mort, il ne me déplaît pas de savoir que je pourrirai sous un olivier, au bord de cette route ombreuse qui côtoie la Méditerranéen ”.
Guy de Maupassant: “Quel réveil ! Une longue côte, et, là-bas, en face, une tache blanche qui grandit - Alger ! ”.
“ Féerie inespérée et qui ravit l’esprit ! Alger a passé mes attentes. Qu’elle est jolie, la ville de neige sous l’éblouissante lumière ! Une immense terrasse longe le port, soutenue par des arcades élégantes. Au-dessus s’élèvent de grands hôtels européens et le quartier français, au-dessus encore s’échelonne la ville arabe, amoncellement de petites maisons blanches, bizarres, enchevêtrées les unes dans les autres, séparées par des rues qui ressemblent à des souterrains clairs. L’étage supérieur est supporté par des suites de bâtons peints en blanc; les toits se touchent. ”
Francis Jammes : « Alger m’apparut surtout française ... je regardais la mer, assis à la terrasse d’un café dont la banalité luxueuse me plaisait. J’avais une joie d’enfant à demander une absinthe, à me sentir seul, tandis que le soleil de midi semblait faire chanter pour moi son ombre et sa lumière.
La ville riait. Sur les hauteurs, la fraîcheur des maisons mauresques bâillait d’un sourire adorable, un sourire de marbre pâle et de porcelaine bleue. Une langueur m’envahissait. J’avais faim de fruits glacés et de femmes tièdes ... Un son de guitare mourait là-bas. »
Théophile Gautier : “ La place du Gouvernement a été faite par les Français en 1830. Les constructions, baraques, échoppes, boutiques s’avançaient jusqu’à la mer, confuses, enchevêtrées, s’épaulant l’une à l’autre, surplombant, liées par des voûtes, dans ce désordre si cher aux peintres et si odieux aux ingénieurs. Des démolitions successives, puis un incendie ont nettoyé le terrain et formé une large esplanade entourée en grande partie de maisons à l’européenne qui ont la prétention, hélas ! Trop bien fondée de rappeler l’architecture de la rue de Rivoli ”.
 « La place du Gouvernement fourmillait de monde. C’est le point de réunion de toute la ville, c’est là que se donnent tous les rendez-vous; on est toujours sûr d’y trouver la personne qu’on cherche; c’est comme un foyer des Italiens ou de l’Opéra en plein air. Tout Alger y passe forcément par là trois ou quatre fois par jour (...) Il y a là des gens de tous les Etats et de tous les pays, militaires, colons, marins, négociants, aventuriers, hommes à projets de France, d’Espagne, des Iles Baléares, de Malte, d’Italie, de Grèce, d’Allemagne, d’Angleterre; des Arabes, des Kabyles, des Mores, des Turcs, des Biskris, des Juifs; un mélange incroyable d’uniformes, d’habits, de burnous, de cabans, de manteaux et de capes ».
Tous notent aussi la musique militaire donnée tous les soirs qui exécute des « morceaux à grand effet » (Polkas et Symphonies).
La place du Gouvernement, ou place du cheval comme l’appelaient les Algériens en raison de la statue équestre fondue avec les canons pris à la ville, érigée en 1845 et représentant le duc d’Orléans, éclairée au gaz, symbolise le foyer actif d’une population à la recherche d’un équilibre, elle est aussi l’emblème de la victoire.
C’est de cette place que la ville va paradoxalement s’étendre à l’est et que les grands travaux du Second Empire entrepris par Haussmann vont bouleverser.
Cette place enfin située au dessus de la pêcherie et dominant le port en pleine transformation marque la ligne de partage entre la ville horizontale, la ville française et la ville du haut, la Casbah.

ILS PARLENT AINSI DE LA CASBAH D'ALGER

Eugène Fromentin : :“ Quelle ville, mon cher ami ! Les Arabes l’appelaient El-Bahadja, la blanche, et comme elle est encore la, bien nommée ! ...Et quand le soleil se lève pour l’éclairer, quand elle s’illumine et se colore à ce rayon vermeil qui tous les matins lui vient de La Mecque, on la croirait sortie  d’un immense bloc de marbre blanc, veiné de rose “ Il y a deux villes dans Alger; la ville française, ou pour mieux dire, européenne, qui occupe les bas quartiers et se prolonge aujourd’hui sans interruption jusqu’au faubourg de l’Agha; la ville arabe, qui n’a pas dépassé la limite des murailles turques, et se presse comme autrefois autour de la Casbah, où les zouaves ont remplacé les janissaires ”.
 “ La France a pris de la vieille enceinte tout ce qui lui convenait, tout ce qui touchait à la marine ou commandait les portes, tout ce qui était à peu près horizontal, facile à dégager, d’un accès commode... Elle a fait un choix un choix dans les mosquées, laissant les unes au Coran, donnant les autres à l’Evangile. Elle a pris la Djénina qu’elle a rasée, elle a agrandi le port, elle a crée une petite rue de Rivoli avec les rues Bab-Azoun et Bab-El-Oued, et l’a peuplée comme elle a pu de contrefaçons parisiennes. Voilà pour la ville française. L’autre on l’oublie : ne pouvant supprimer le peuple qui l’habite, nos lui laissons tout juste de quoi se loger, c’est-à-dire le belvédère élevé des anciens pirates. Il y diminue de lui-même, se serrant encore instinctivement contre son palladium inutile, et regardant avec un regret inconsolable la mer qui n’est plus à lui"
Théophile Gautier : “ Nous suivions des ruelles si étroites, que deux ânes chargés n’eussent pu y passer de front. Les maisons, à étages surplombant comme des escaliers renversés, se touchent souvent par le haut, interceptant la faible lueur du ciel nocturne; certains passages étaient voûtés et comme souterrains, et nos ombres, projetées par la clarté tremblante de la lanterne, vacillaient sur les pans de mur éraillés, sur de vieilles portes cadenassées en portes de prison, comme dans ces bizarres et fantastiques eaux-fortes de Rembrandt où la réalité prend des formes de cauchemar ”.
Les Goncourt : “ Et ce sont toujours des ruelles à échelons de pierre plongeant sous vos pieds, ou grimpant devant vous; des maisons blanches de chaux vive, s’étayant des poutres jetées au travers de la rue, et faisant ressauter leur premier étage d’une forêt d’arc-boutants, et, soudant leur terrasse l’une à l’autre et ne laissant glisser que quelques filtrations de soleil : intelligente architecture qui, dans le moment où la chaleur incendie la campagne et fait déserter le quartier d’Isly, transforme ces passages en frais couloirs ”.
Théophile Gautier, Fromentin, les Goncourt, Daudet, Maupassant seront séduits et intrigués par l’architecture de la Casbah, ses longues rues étroites, ses porches, ses murs aveugles, ses escaliers, le mystère qu’elle recèle et le souvenir des nuits “ au parfum de chèvre et de jasmin ”.

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