lundi 31 janvier 2011

IL ETAIT UNE FOIS BAB EL OUED -17-

CHAPITRE QUATRIEME
LES COMMUNAUTES
LES ESPAGNOLS

Dès 1830, un fort contingent d’espagnols débarque à Alger. Opportunistes, ils quittent leur terre natale pour donner des couleurs à leur existence misérable et « élever leurs enfants à Alger! ». Pour l’heure, leur seule préoccupation se limite à mieux manger qu’à Alicante, Valence ou dans les îles Baléares, régions dont sont issus les premiers migrants. Installés dans les villes côtières, ils vivent chichement, se nourrissent de sardines grillées, de hareng fumé et de riz largement parfumé de safran. Ils louent leurs bras pour l’arrachage de l’alfa ou l’extraction de la pierre; rudes au travail, ils ne rechignent devant aucune tâche pour un salaire de misère qu’ils multiplient par le nombre d’heures effectuées. La France reconnaît leur mérite et les militaires voient d’un bon œil ces ibériques qui les réconcilient avec les fruits et les légumes frais. Beaucoup d’entre eux partiront conquérir des terres arides et contribueront à la bonne santé de l’agriculture des premières années de la conquête.
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D’autres exercent leurs talents dans les vergers luxuriants qui bordent les « djenans », magnifiques demeures hispano-mauresques plantées au cœur des « fahs » de la campagne algéroise. Ils comblent d’aise toutes les composantes d’une population en proie à la malnutrition et certains vendent sur les marchés publics le produit de leur travail. D’autres sont récupérés par de riches propriétaires qui concilient ainsi le cultivateur et la bonne espagnole, femme à bien faire le ménage et la cuisine.

D’autres encore se confinent dans les villes, exerçant tous les métiers de terrassement, de commerce ou d’artisanat. Tel enfant d’Elche fabriquera ses propres espadrilles avant de répondre à la demande de ses amis et de sa famille, puis le succès aidant, ouvrira sa première usine à Bab El Oued, multipliant les ouvrières à domicile puis les ateliers. Tel garçon d’Alméria ouvrira une petite gargote pour ses compatriotes et se retrouvera à la tête de plusieurs cabarets où se côtoieront « buveurs d’eau », « buveurs d’absinthes », aventuriers, promoteurs et prostituées venues d’Espagne.

Bab El Oued n’existe pas encore mais les Espagnols dressent leur campement aux abords de la porte de l’Oued M’Kacel, élaborant un semblant de quartier où le compatriote fraîchement débarqué trouve asile et réconfort.



Les Espagnols font du lavoir leur lieu de rassemblement où les hommes, après avoir troqué leur tenue de « fourachaux » pour le pantalon de coutil et la manta, lancent des œillades complices aux belles ibériques qui demeurent les seules femmes visibles dans ce pays aux fortes résonances de machisme. Ce lavoir donnera son nom espagnol à « ce quartier dans le quartier » qui deviendra le cœur vivant de Bab El Oued : la Basseta.

On y parle valencien, alicantin, majorquin ou mahonnais et l’on se sent frères. On s’entraide dans la joie comme dans le malheur et parfois, lorsque la nostalgie prend à la gorge, le soir, devant la pompe qui abreuve les Bab El Ouédiens, on joue à la « mora », on tape la « ronda3 », on évoque les courses de « toros » alors qu’au loin, un air mélancolique égrène sur une guitare de deux sous aux cordes usagées, l’accent du pays. Parfois, on dresse une arène de fortune sur la future place du Général FARRE où seront édifiés les jardins Guillemin. Les plus jeunes se dégourdissent les jambes face à des vachettes inoffensives sous les vivats d’une foule bon enfant.

Le peuplement de Bab El Oued s’opère de manière confuse et précipitée. La Cantère reste le lieu de prédilection, la base opérationnelle, le centre de triage et de rassemblement des ibériques. On vient sur le conseil d’un parent, d’un ami, d’un camarade d’infortune. Puis, après un court instant de réflexion, on décide de retrousser les manches pour se faire une place au soleil dans les métiers aussi divers que marchands de légumes, portefaix, cigariers, jardiniers, savetiers, domestiques, tenanciers de cabarets, éleveurs d’animaux et pour les plus déshérités, carriers ou maçons. Certains partent à la conquête de régions agricoles encore incultes mais dont le sol ne demande qu’à être ensemencé comme la Mitidja ou la plaine de la Rassauta qui donnera naissance à Fort de l’Eau.


Mais pour la plupart, Bab El Oued demeure la terre promise. Les carriers et terrassiers valenciens qui, sitôt débarqués de leurs balancelles de fortune, prennent d’assaut la carrière Jaubert, cette plaie béante qui va les ancrer définitivement dans ce paysage car il est admis que la sueur de l’homme dessine la trace d’un indicible amour pour la chose entreprise. Chaque minute de labeur est un mile marin qui rapproche la famille restée en Espagne et chaque pierre extraite de la carrière pour le grand chantier de l’avenir est un centimètre carré du billet à envoyer à l’épouse, à la mère, à l’enfant.

Au sein de cette population espagnole, les Mahonnais occupent une place à part. Le port de Mahon, servant de base arrière à la conquête grâce à sa situation géographique et stratégique, les Mahonnais et les Minorquins saisissent la chance offerte par les navettes incessantes entre les deux pays pour tenter l’aventure française en Afrique du Nord.

Au fil des années, 42% des habitants déserteront leur île, assurés de trouver du travail sur la frange côtière d’une Méditerranée toute proche de leur terre natale.

Après avoir séjourné à Bab El Oued, les fils de Mahon, Ciutadella, Mercadal et autres contrées de l’île de Minorque quittent le centre-ville d’El Djézaïr pour les espaces aérés de la campagne environnante. Besogneux, compétents, travaillant en famille, ils font preuve d’une grande réussite dans le domaine de la culture des légumes et des céréales.

Bab El Oued voit ainsi partir une communauté saine, laborieuse, à la mentalité exemplaire pour les villages de Maison-Carrée, Fort de l’Eau, Birkadem et Kouba.
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L’Espagnol est en Algérie pour y planter ses racines. Même si le pays reste collé aux semelles de ses espadrilles, il plonge dans l’aventure sans bouée de sauvetage. Il n’a d’autre alternative que la réussite ou la mort. Pas question de rentrer en Ibérie avec un maigre baluchon pour tout bagage.


Le crépuscule du sacrifice apparaît dans le ciel de cet eldorado proposé par la France. Son pays sera celui qui fournira du travail et l’espérance d’une vie meilleure pour ses enfants. Au prix de mille souffrances, il gagnera son pari. Ses petits parleront l’espagnol à la maison et le français avec ses camarades de classes et ses amis de la rue. Certains porteront des prénoms ibériques mais leurs cartes d’identité seront françaises. Même s’ils restent indéfectiblement attachés au quartier de la Cantère qui chante la nostalgie par mille saveurs empruntées au quartier.

Comme tous les pays en construction, l’Algérie manque de tout. Il faut habiller les soldats, les restaurer, les désaltérer, offrir les distractions auxquelles ils prétendent les jours de permission, autant d’opportunités pour des hommes entreprenants. Cette génération n’a rien à perdre. Alors elle entreprend. BASTOS crée sa fabrique de cigarettes avenue du Frais Vallon. Il est bientôt imité par BERTHOMEU sur la route Malakoff, face aux « Bains des familles », MELIA rue Léon Roches et LE GLOBE rue de Dijon. Le métropolitain Gustave JOBERT installe son usine de tabac JOB, rue Livingstone, Les cigarières sont prioritairement recrutées au sein de la communauté espagnole. RONDA chausse tout ce que Bab El Oued compte d’amateurs de chaussures en caoutchouc dans sa manufacture située au 31 Avenue Général Verneau. SALVA, le papa du futur international de football crée une ferme laitière au Climat de France et vend des vaches dans toute l’Afrique du Nord. ESPIG devient le roi des épices dans ce pays oriental où tout se cuisine et se goûte avec violence. La force de ces plats relevés restera par delà l’exode l’une des traditions les plus suivies de tout le petit monde de Bab El Oued. Le fameux safran « SPIGOL » témoigne dans tous les supermarchés de France et de Navarre de la vitalité de cette marque fondée rue Delacroix en 1876. La famille SPINOZA ouvre son usine d’anchois, d’olives et de bonite séchée au Triolet. André MUT crée « la limonade DEDE » Avenue de la Bouzaréah et reprend l’exploitation du « Sélecto » durant la deuxième guerre mondiale. En 1947, il revend à Hamoud BOUALEM ce breuvage à base de produits naturels que les Algérois s’arrachent. On peut dire sans risquer de se tromper que le « Sélecto » connut en Algérie un succès similaire à celui que réserve, de nos jours, la jeunesse à Coca Cola.

A coté de ces manufacturiers, les Espagnols accaparent les corps de métiers où ils excellent. La boulangerie et la pâtisserie entre autres.

On peut également avancer qu’il existe une confrérie ibérique qui jette son dévolu sur les cafés, les bars et les brasseries de Bab El Oued. Les consommateurs y retrouvent l’ambiance des « clubs » de là-bas où les femmes se comptent sur les doigts de la main. On vit entre hommes, les amitiés s’y nouent ou se prolongent entre les bancs de l’école et le cimetière.

Certains connaîtront la consécration métropolitaine puis mondiale. C’est le cas de la famille LIMINANA dont l’anisette CRISTAL ANIS, se vendra aux quatre coins de l’hexagone avant de partir à la conquête de la planète. Manuel (le fils du père) devient, entre temps, le mécène du sport bouliste, du théâtre aux armées et surtout du lancement en métropole de « La famille Hernandez « . Coup de pub génial, CRISTAL ANIS est connu et reconnu en France avant même l’indépendance.

En 1872, les frères GRAS installent leur usine avenue des Moulins et jouissent d’une réputation telle que les clients délaissent l’appellation anisette pour réclamer aux patrons des cafés une « ANIS GRAS ». L’usine métropolitaine sera absorbée par la maison mère algéroise qui développera la marque au-delà des frontières.

PHENIX des frères KANOUI, rue Lavoisier et « LA ROYALE » des frères TAYEB rendue célèbre par la publicité radiophonique de Lili BONICHE, jouent les troisièmes larrons dans cette saga de l’anis au cœur même de Bab El Oued.

A SUIVRE.........

ALGER SOURCE D'INSPIRATION PICTURALE











dimanche 30 janvier 2011

APPEL DE MONSEIGNEUR LAVIGERIE

Mgr Lavigerie déclarait en 1867 en quittant l’évêché de Nancy pour celui d’Alger
« Je vous quitte pour porter, si je le puis, mon concours à la grande oeuvre de civilisation chrétienne qui doit faire surgir des désordres et des ténèbres d’une antique barbarie une France nouvelle »

Quelques années plus tard, archevêque d’Alger, il lançait cet Appel aux Alsaciens et Lorrains exilés (1871) :
« Chrétiennes populations de l’Alsace et de la Lorraine, en ce moment, sur les routes de la France, de la Suisse, de la Belgique, fuyant vos maisons incendiées, vos champs dévastés, l’Algérie, la France africaine, par ma voix d’évêque, vous ouvre ses portes et vous tend ses bras. Ici, vous trouverez pour vous, pour vos enfants, pour vos familles, des terres plus abondantes et plus fertiles que celles que vous avez laissées entre les mains de l’envahisseur.

Sous un ciel encore plus doux et plus beau que le vôtre, dans un climat qui passionne bientôt tous ceux qui l’ont habité, vous pourrez former des villages uniquement composés d’habitants de vos provinces, et où vous conserverez la langue, les traditions, la foi du sol natal. Vous y retrouverez, pour vous parler et pour vous instruire, des prêtres de votre pays, que nous vous donnerons pour pasteurs ; vous pourrez, comme l’ont fait des colonies sorties des provinces voisines de la vôtre, donner aux centres créés par vous les noms des villes, des bourgs, des villages qui vous sont chers parce qu’ils sont ceux de la patrie.

[...] L’État peut se procurer aisément des millions d’hectares de terres... Venez donc dans notre France nouvelle, plus riche encore que la première et qui ne demande que des bras pour développer une vie qui doublera celle de la mère-patrie. Venez, nous sommes tous prêts à vous accueillir comme des frères, à vous faciliter vos premiers travaux, à vous consoler de vos douleurs. Venez, en contribuant à établir sur ce sol encore infidèle une population laborieuse, morale, chrétienne, vous en serez les vrais apôtres, devant Dieu et devant la patrie. »

LE CINEMA A ALGER d'après Jean-Pierre Frey


Jusqu'à la Libération le cinéma français tourne un certain nombre de films se passant dans les colonies françaises dont trente-trois fictions ont l'Algérie pour décor et trois seulement la ville d'Alger. L'un est le remake d'un autre Sarati le terrible (Mercanton, 1923 et Hugon 1937) et le troisième est le film de Julien Duvivier. La Casbah d'Alger est ici reconstituée aux studios Pathé de Joinville comme la ville de Sfax (Tunisie) pour La Maison du Maltais de Pierre Chenal. Seuls quelques extérieurs sont filmés à Alger. Le scénario s'y prête mais Julien Duvivier avait tourné presque entièrement au Maroc Cinq gentlemen maudits (1931) et La Bandera (1935). Le cinéaste n'en est donc pas à son premier film "exotique" (on peut y inclure le curieux Golgotha tourné juste avant La Bandera, évocation de la vie du Christ dans lequel Jean Gabin joue Ponce Pilate...).
Pépé le Moko peut être vu comme un film raciste quand le seul personnage algérien, l'inspecteur Slimane, est un personnage inquiétant. II est du reste interprété par un acteur français (Lucas Gridoux), une nouvelle fois dans un rôle de fourbe (après celui de Judas dans Golgotho). Pépé lui déclare d'ailleurs : " Avoir à ce point-là une gueule de faux jeton, ça devient de la franchise !".
Pourtant à la sortie du film Emile Vuillermoz écrit : " Ne voyez-vous pas d'ici la brillante campagne d'opinion que l'on peut amorcer dans certains milieux antifrançais contre notre politique coloniale, en faisant observer que de notre aveu nous sommes incapables d'organiser l'Algérie, puisque sa capitale est repaire inexpugnable de bandits et de hors-la-loi ?... ".
Pépé le Moko est davantage une histoire où la colonie est un ailleurs dépaysant qu'un film colonial. Il appartient à la veine du réalisme poétique où le protagoniste dont les traits sont toujours ceux de Jean Gabin, ne peut fuir pour changer de vie, pour échapper à son des¬tin. Le déserteur de Quai des brumes ne peut quitter Le Havre, l'ouvrier du Jour se lève est bloqué dans sa chambre. Ici Pépé a réussi à partir, il ne peut seulement pas revenir en France. Tel un Robin des Bois moderne (c'est un voleur apprécié de toute la Casbah), il ne peut quitter son repaire sans se faire arrêter. Comme Fréhel pleurant sur ses amis de la Place Blanche, il ne lui reste qu'à rêver à Pigalle, au Paris perdu.

Les Frères Lumière à Alger
Le cinématographe vient de naître. Alexandre Promio, l'un des plus célèbres opérateurs des Frères Lumière qui revendique l'invention du travelling, filme Alger. Huit films d'une durée de 40 secondes chacun, montrent la Place du Gouvernement  vue depuis un tramway, la rue Bab-Azoun, un marché animé, la circulation des piétons et des véhicules, le port, un paysage en bord de mer.

 1897-1954 : La ville fantasmée

DE 1897 au 1 er novembre 1954, les pays occidentaux - et principalement la France - ont tourné près de 90 films en Algérie, ou du moins en ont situé partiellement ou totalement les récits. Un Sud fait de routes incertaines, de sable chaud, de paysages désertiques (où les oasis sont plus des postes militaires avancés que de véritables villes) s'oppose à une côte méditerranéenne où Alger supplante largement les autres villes. Port et porte d'entrée dans le prolongement du PLM, c'est une ville dont la Casbah en front de mer affiche une façade lumineuse. Mais c'est aussi une sorte de cul-de-sac à l'image des impasses de son dédale de ruelles protégées des regards par la pénombre, et qui rejette dans son ombre portée le reste de la ville. Dans cette période plus que par la suite, les paysages naturels de la côte ou du Sud font pièce à des décors urbains souvent reconstitués en studio pour des raisons de commodité de tournage. En dehors de vues générales de la ville et de quelques scènes de rue, ce sont des petites villes de province et l'image canonique du bled qui supplantent la subtilité et les nuances d'un véritable espace urbain. Les villes sont alors plus des étapes, des points de passage ou des points de chute d'une colonisation laborieuse ou martiale, que des lieux d'une villégiature enviable. Alger en revanche représente en même temps que le lieu de tous les dangers et de tous les mystères d'un Orient à forte charge sensuelle et érotique, le siège d'une mondanité originale et cosmopolite. européenne cherchant une émancipation sous des cieux supposés plus cléments, d'une bourgeoisie terrienne (...).
Sorte de Babylone aux accents et sabirs divers, jardin d'acclimatation pour des plantes plus ou moins exotiques mais toujours à la recherche de leurs racines, Alger fut longtemps et reste un espace où deux villes se côtoient sans jamais vraiment s'ignorer, et où les populations s'épient et se jaugent au bord de tensions contenues, mais aussi où s'affrontent et éclatent les rancoeurs mal enfouies et les frustrations profondes. La casbah est ainsi l'envers du décor de la ville européenne.

1954-1962 : La brutale irruption du réel
Les quelque 44 films français de fiction tournés de 1954 à 1962 ne font guère que des allusions lointaines à un " là-bas " que la mémoire orpheline des Rapatriés rendra célèbre. On a affaire à un véritable block-out sur la ville blanche dans les films de fiction. Les documentaires d'actualité ou les reportages ainsi que les films de propagande du Service cinématographique des armées ou du Gouvernement Général de l'Algérie monopoliseront les actualités en salle comme les journaux de la télévision naissante(...)
Pour Alger, comme du reste pour les autres villes, avec l'indépendance, c'est l'éclipse. Elle devient un nom, des bruits, des rumeurs, des accents et des instantanés plutôt qu'un ensemble cohérent de vues articulées, d'autant que sa physionomie changera brutalement avec le départ précipité d'une large partie de ses habitants

samedi 29 janvier 2011

Harry James and Helen Forrest, It's Been A Long, Long Time..wmv


HARRY JAMES ET HELEN FORREST : UN PETIT TOUR DANS LES ANNEES 50

Dick Haymes "I Wish I Knew""


UN CROONER US DES ANNEES 50

vendredi 28 janvier 2011

ALGER, EN ATTENDANT LES AUTRES VILLES D'ALGERIE

JE SAIS JE SUIS CHAUVIN !
D'AUTRES VILLES D'ALGERIE MERITENT TOUTE L'ATTENTION ET L'AMOUR DES PIEDS NOIRS QUE VOUS ETES.
BIEN QUE JE NE CONNAISSE QUE MA VILLE NATALE, JE VOUS PROMETS D'HONORER LES  VILLES D'ORANIE, DU CONSTANTINOIS  (ET DE L'ALGEROIS!)
QU'EST CE QUE VOUS VOULEZ, ON SE REFAIT PAS!









CELINE L'ABJECT

Pourquoi lorsque l’on veut parler de Céline, on cite toujours de l’auteur de « Voyage au bout de la nuit » et non pas celui de « L’Ecole des Cadavres » ou de « Bagatelles pour un massacre » ?
Il s’agit pourtant du même Louis Ferdinand Céline, du même homme dont une partie de l’œuvre se trouve au sommet de la littérature française et l’autre partie effroyable, d’un racisme antijuif haineux et violent, côtoie les bas fonds de la pensée la plus abjecte.
En avez-vous seulement lu quelques extraits ?
Visiblement, vous ne saviez pas. Je préfère l’imaginer ainsi car si vous saviez vous ne laisseriez pas parler aujourd’hui de « polémique » autour de l’annulation, de « l’inflexion », du « volte face » ai-je lu, du Ministre de la Culture qui a décidé de retirer le nom de Céline de la liste des célébrations nationales. Vous le féliciteriez peut-être, vous le comprendriez surement.
Mais comment le Haut comité qui propose chaque année une liste des anniversaires de personnalités a-t-il pu penser à honorer Céline, à celui qui écrit dans « L’Ecole des cadavres »
« Les juifs, racialement, sont des monstres, des hybrides, des loupés tiraillés qui doivent disparaître. […] Dans l'élevage humain, ce ne sont, tout bluff à part, que bâtards gangréneux, ravageurs, pourrisseurs. Le juif n'a jamais été persécuté par les aryens. Il s'est persécuté lui-même. Il est le damné des tiraillements de sa viande d'hybride. » (L'École des cadavres, Paris, Denoël, 1938, p. 108).
Ou encore :
« Je me sens très ami d'Hitler, très ami de tous les Allemands, je trouve que ce sont des frères, qu'ils ont bien raison d'être racistes. […] » (p. 151)
La voilà donc la littérature de L.-F. Céline, répugnante, écœurante, nauséabonde. Celle du Dr Destouches et Mr Hyde dont la médecine qu’il conseille pour les juifs n’est ni plus ni moins la stérilisation chirurgicale et eugénique.
Je ne comprends pas.
Toujours dans « L’Ecole des cadavres », jamais de demi mesures, mais le racisme le plus radical : « on veut se débarrasser des juifs ou on ne veut pas s’en débarrasser. Qui veut la fin, veut les moyens et pas les demi-moyens ».

Si Céline manie sa plume antisémite comme une arme, lorsqu’il n’écrit pas, il exhibe le poison de sa bouche : comme le rappelle Annick Duraffour dans « L’Antisémitisme de plume », livre écrit sous la direction de Pierre André Taguieff ( Berg International Editeurs), « le 7 décembre 1941, Ernst Jünger, alors capitaine de l’état-major de l’armée allemande à Paris, rencontre L.-F. Céline à l’Institut allemand. Il note dans son journal : « Il (Céline) dit combien il est surpris, stupéfait, que nous, soldats, nous ne fusillions pas, ne pendions pas, n’exterminions pas les juifs – il est stupéfait que quelqu’un disposant d’une baïonnette n’en fasse pas un usage illimité. » … « Si je portais la baïonnette, je saurais ce que j’ai à faire »

Est-ce celui-là que l’on voulait honorer 50 ans après sa mort ? Celui qui dans « Bagatelles pour un massacre », oppose le juif à la « France », « aux français », « aux enfants du sol », « aux indigènes », « au blanc », « à l’aryen » ?
Si son antisémitisme paraît à certains encore flou, dans « L’Ecole des Cadavres » il écrira : « Une seule race en France : l’Aryenne ! » et proposera une alternative : « Nous nous débarrasserons des Juifs, ou bien nous crèverons des juifs »

Ma question est la suivante : Pourquoi les membres du Haut Comité ont-ils inscrit le nom de Céline dans cette liste des personnalités honorables ? Ne connaissaient-ils pas l’autre écriture de Céline ou alors voulaient-ils honorer l’écrivain en imaginant que l’on allait oublier l’homme indigne ?
Pourquoi a-t-il fallu attendre que Serge Klarsfeld intervienne ? Faut-il être juif pour se sentir insulté comme français par Céline ? Faut-il être juif pour lire ces pamphlets en français ?
J’attends le jour où l’Histoire des juifs de France sera l’Histoire de France et de tous les français.

Karen TAIEB

LA PRISE D'ALGER

« La véritable cause de l’expédition d’Alger, à la fin de la Restauration, fut que le gouvernement ultra formé par Charles X en août 1829 désirait détourner vers une expédition de caractère colonial, considérée comme facile, l’opinion des Français, au moment où il s’apprêtait à diriger contre l’opposition libérale l’effet des 4 ordonnances du 25 juillet 1830 »
Convention entre le général en chef de l’armée française et S. A. le Dey d’Alger.
« 1°) Le fort de la Kasbah, tous les autres forts qui dépendent d’Alger, et les ports de la ville, seront remis aux troupes françaises, ce matin à dix heures.
2°) Le général de l’armée française s’engage, envers S. A. le Dey d’ Alger, à lui laisser la libre disposition de toutes ses richesses personnelles.
3°) le Dey sera libre de se retirer, avec sa famille et ses richesses, dans le lieu qu’il fixera, et, tant qu’il restera à Alger, il sera, lui et toute sa famille, sous la protection du général en chef de l’armée française ; une garde garantira la sûreté de sa personne et celle de sa famille.
4°) Le général en chef assure à tous les membres de la milice les mêmes avantages et la même protection.
5°) L’exercice de la religion mahométane restera libre ; la liberté de toutes les classes d’habitants, leur religion, leurs propriétés, leur commerce et leur industrie, ne recevront aucune atteinte ; leurs femmes seront respectées ; le général en chef en prend l’engagement sur l’honneur.
6°) L’échange de cette convention sera fait avant dix heures du matin, et les troupes françaises entreront aussitôt après dans la Kasbah, et s’établiront dans les forts de la ville de la marine »

« Alger, lorsque les Français y entrèrent le 5 juillet 1830, ne représentait pas l’aspect triste et désolé d’une ville où la victoire vient d’introduire l’ennemi. Les boutiques étaient fermées, mais les marchands, assis tranquillement devant leurs portes, semblaient attendre le moment de les ouvrir. On rencontrait çà et là quelques groupes de Turcs et de Maures dont les regards distraits annonçaient plus d’indifférence que de crainte. Quelques Musulmanes voilées se laissaient entrevoir à travers les étroites lucarnes de leurs habitations… les Juives, plus hardies, garnissaient les terrasses de leurs demeures, sans paraître surprises du spectacle nouveau qui s’offrait à leurs yeux. Nos soldats, moins impassibles, jetaient partout des regards avides et curieux, et tout faisait naître leur étonnement, dans une ville où leur présence semblait n’étonner personne. »

E. Pellissier de Reynaud « annales Algériennes », t. I, pp.73-74, 75, Paris, Anselin et Gaultier-Laguionie, 1836.

jeudi 27 janvier 2011

DIASPORA ET JUDAISME l'enfance sacrifiée des mariages mixtes -HZ-

EXTRAIT......


Pour l'hébreu, le nom est essentiel par rapport à la réalité qu'il désigne.
Du jour de ma naissance à celui de ma mort, un même nom désigne la multitude des êtres humains qui m'habitent.
André CHOURAQUI

AVANT PROPOS


" Sale juif!", l'insulte suprême. Qui vise à détruire, à mortifier, à salir, à blesser. L'offensé même blindé par des millénaires d'errances, de pogroms, d'holocaustes, reçoit l'outrage comme un coup de poignard dans le dos. Bagarreur, il lave l'injure dans le sang. Parfois, le sien. Souvent, celui de l'auteur de la violence verbale. Innocent, il baisse la tête et courbe l'échine, s'abritant dans l'excuse et la faiblesse. Mais, batailleur ou résigné, la fierté conquérante ou douloureuse, le juif puise des forces nouvelles à la source de sa survie.

Les paroles ne s'envolent guère plus que les écrits. Bien au contraire, elles enveloppent le blessé jusqu'à lui offrir une carapace qui renvoie, miroir déformant, l'offense à l'offenseur.

Les inquisiteurs puissants ou dérisoires traînent derrière eux des siècles d'absurdité tant le machiavélisme habilla leurs actes et leurs propos. Dans l'empire ottoman comme dans l'Espagne médiévale, dans l'Europe de l'Est comme dans l'Allemagne hitlérienne, le juif jouissait du seul droit de mourir. Le "mécréant" vivait dans des ghettos, des mellahs, des haras, dans des conditions d'insalubrité inhumaine, entassé dans des porcheries qui osaient dire leurs noms. Première victime des épidémies, il subissait les effets néfastes d'une promiscuité malsaine. Et sa mort, ignorant le jugement de Dieu, résultait de la volonté humaine de quelque tyran à la haine démesurée.

L'autre juif, le notable, le possesseur du savoir s'agitait alentour du pouvoir. Riche négociant, médecin, astronome, physicien, mathématicien, poète, banquier ou théologien, il payait un impôt, une dîme pour droit de vie. Selon la volonté du pouvoir, la place des suppliciés juifs se maculait du rouge de la honte. L'histoire du peuple d'Israël regorge de récits dantesques où la légende ne joue aucun rôle mais où la vérité explose au soleil comme le fruit sucré et acide d'une grenade de Pessah. Le devoir de mémoire enseigne aux enfants ABRAHAM, MOÏSE, DAVID, LES DIX COMMANDEMENTS, LA THORA, LA SHOAH.....

A huit jours, le Mohel donne aux garçons le premier signe distinctif et anatomique de sa judaïté dans un concert de chants et de prières empruntés à tous les judaïsmes de la planète. A l'école de la vie et du Talmud, l'enfant s'enroule dans l'histoire de son peuple. Le Shabbat, Yom Kippour, Hanoucca, Pessah, Roch Hachana, Succoth, Pourim, cadencent les saisons de sa jeunesse pour l'emporter sur le bateau ivre de l'âge adulte et de sa Bar Misvah. Le Taleth de ce jour béni, enveloppe ses épaules et son existence pour le conduire de l'apogée à l'éternité.

Cet enfant, élu de Dieu, miroir de la vie, jouit de tous les privilèges que lui octroie son appartenance à la communauté juive de son pays. Cohérence universelle au dénominateur commun: Israël. Un seul regard, un seul refuge, une seule entité. Elevé dans l'amour de l'Eternel, empreint des certitudes transmises par son éducation religieuse et familiale, il est l'avenir de son peuple et son identité ne souffre aucune discussion. Il est juif malgré les avanies, les vexations, les offenses. La force de ses convictions reste inébranlable, baignée par une lumière intérieure que seule la mort éteindra. Il est juif une fois pour toutes. "A la vie, à la mort!"

Chaque récit l'ancre davantage dans cet univers spirituel où l'emportent parfois les histoires d'une grand mère détentrice des légendes du passé. Transmettre les traditions et le savoir, tel est le rôle dévolu aux adultes afin que l'héritage millénaire de la foi ne se perde dans le brouillard de la modernité. Pour l'enfant, le goût des pâtisseries de la fête engendre une jubilation naturelle pour la religion puisqu'elle est synonyme de sucreries délicieuses façonnées une fois l'an par une maman-gâteau. La fête est la récompense suprême de toutes les envies et de toutes les tentations d'un monde inconnu. Elle a toutes les vertus et tous les privilèges. Aussi, nul ne s'étonne de voir l'enfant juif entrer en religion avec autant de désinvolture, d'assurance et d'engouement. La démarche est naturelle. Tout son environnement l'y invite. La "menorah", chandelier d'argent qui trône sur le buffet, la "mezouza" que l'on embrasse en franchissant le seuil de la maison familiale, la prière autour de la table dressée les soirs de "shabbat", l'asguère, commémoration par le "quaddish" des défunts de la famille, "Roch Hoddesh" pour la visite au cimetière le dernier vendredi du mois, tout parle à l'enfant de judaïsme, de tradition et de foi.

L'histoire des juifs est toujours tributaire de la bêtise des hommes. Partout, cette communauté est confrontée à la barbarie mais il arrive, parfois, que le pays d'accueil ressemble à ce havre de paix tant espéré. Alors, pour un instant et un instant seulement, ces gens hagards, dépenaillés, un maigre baluchon en guise de bagage, pour ne pas lâcher prise et ne pas faire naufrage, enfilent le costume du dhimmi, d'artisan aux doigts d'or, de négociant au droit limité mais au commerce autorisé. Alors, il se fait un devoir de ne jamais faire de vagues, évitant les querelles et les rodomontades, effacé mais souriant, offrant une image pastellisée de l'émigré juif en terre étrangère.

Jusqu'au pogrom suivant, au pillage des synagogues, aux confiscations des biens et aux conversions forcées.

Le soleil brille pour tout le monde, dit-on, mais le juif errant ne trouve que barrières et frontières, tortures et sévices, humiliations et désespérances. L'enfant de ce peuple, devenu adulte n'oublie ni ne pardonne. Il transmet à ses fils et à ses filles la souffrance qu'il porte en lui. Mais ce fardeau millénaire serait trop lourd pour ses frêles épaules. Alors, il partage ce douloureux héritage avec ses frères, fidèles côtoyés à la synagogue, amis d'enfance et de souffrance, cercle familial penché sur son passé. Elevé dans cette ambiguïté, à mi-chemin de l'amour et de la haine, adoré de ses parents, abhorré de l'antisémite, l'enfant juif canalise les torrents d'hostilité déversés par l'incompréhensible aversion dont il est l'objet, grâce aux leçons de ses maîtres et de ses pairs. Grâce à cette fierté partagée par tout un peuple à l'écoute de l'Eternel dans ce qu'il a de plus grand, de plus beau, de plus humain. Grâce à cette faculté exceptionnelle d'adaptation à tous les climats, à toutes les langues, à toutes les intelligences. Grâce enfin, à ce formidable instinct de conservation, privilège réservé à toutes les espèces en voie de disparition qui, telles des phénix, renaissent de leurs cendres par le cri d'un nouveau-né.

Le prénom du grand père lui sera, alors, offert comme le symbole d'une continuité, une passerelle entre les générations reliant le passé douloureux au futur ensoleillé, le souvenir brûlant d'un pays oublié sous d'autres cieux à l'espérance d'un prochain retour à Jérusalem.

CE LIVRE EST EN VENTE A LA FNAC OU CHEZ MOI : 54 rue darius milhaud 83000 TOULON

LA LANGUE DE CHEZ NOUS -HZ-

MARSEK ET MAOUATEK : orthographe loin d’être garanti ; on peut remplacer cette expression orientale par « rien que ca y te manque ! »
La femme pataouète, pied noir de la tête au pied et juive par-dessus le marché ( de la lyre), elle emploie cette expression avec un zeste de « cinq dans tes yeux » pour se préserver du mauvais œil
MATA (faire la) : le guet de la sentinelle que si elle est endormie, adieu nous autres ! on faisait la mata pour un oui pour un non mais surtout quand on jouait à cinq vingt cinq devant la grande brasserie ou le « mon ciné » à Bab El Oued
MATRAFCHE : promesse revancharde. Par exemple, quand on était ivre de colère d’avoir perdu tous ses noyaux
MATSE : synonyme de TAFANAR. Partie charnue de l’individu qu’on désignait pour lui signifier qu’il avait une veine de cocu.
MAZOZA : prononcer Mazozé ; Cuila c’est le préféré de la famille, de l’école, le chouchou soit parce qu’il est fayot ou le meilleur élève à l’école.
--« Dieu bénisse, Richard y me donne des satisfactions, la vérité ! »
--« C’est le mazozé à sa mère ! »
M’CHET : m’chet ça veut dire « c’est péché » ou « marque dommage »
MEVAS : des chaussures de babaos avec les doigts de pieds qui prennent leurs quartiers d’été. Les mévas à semelle crèpe c’était notre arme numéro 1 quand on jouait à la savate. Ca faisait un de ces mal !

mercredi 26 janvier 2011

ISRAEL ET LA PENSEE UNIQUE

Rappelez-vous : 31 mai 2010, assaut de l'armée israélienne contre une flottille de "militants de la paix", armés de poignards et de barres de fer. Le bilan est lourd : 9 ressortissants turcs musulmans tués par "les soldats sionistes".
Les associations pro-palestiniennes se mobilisent et organisent des manifestations à Washington et Londres pour "les martyrs de la cause humanitaire ". En Espagne, d'immenses pancartes exigent "l'arrêt du génocide". A Kuala Lumpur, un manifestant s'ouvre le ventre en signe de solidarité. En Belgique, Hollande, Allemagne, en Suisse, des rassemblements énormes sont organisés contre le "massacre de Musulmans".
En France, 70.000 personnes descendent dans les rues du pays, après l'appel de l'Association France Palestine Solidarité, auquel se joignent, sous les banderoles du Hamas, Besancenot qui parle de "crime ignoble", avec, à l'unisson, les Verts indécrottables et les communistes de service. Martine Aubry "condamne avec la plus grande fermeté l'opération israélienne contre un bateau acheminant de l'aide humanitaire". Le président Sarkozy "condamne l'usage disproportionné de la force et exige toute la lumière sur cette tragédie".
Des "militants" manifestent sur les Champs-Elysées, brûlent des drapeaux à l'étoile de David et se heurtent aux forces de l'ordre en tentant d'investir l'ambassade "sioniste" toute proche.
Les programmes des médias sont chamboulés; flashes spéciaux, Charles Enderlin est sur le qui-vive, débats exceptionnels soumettant l'ambassadeur de "l'Etat tyran", Dany Shek, à la question, avec Dominique de Villepin, oubliant qu'il n'est plus rien, qui s'érige en procureur.

Janvier 2011, émeutes en Tunisie, (à l'heure où j'écris) le gouvernement "admet 21 morts, dont un Français et une Suissesse, un syndicaliste parle d'une cinquantaine de tués. L'armée déploie des blindés dans les rues de Tunis, soumis au couvre-feu. En Algérie, les troubles ont fait trois morts.
Je tends l'oreille, et je n'entends rien ou presque, si ce n'est un murmure du gouvernement français "qui déplore". Le PS "condamne solennellement la répression", le NPA de Besancenot "condamne la répression". Une manifestation à l'appel des "Travailleurs maghrébins en France" rassemble moins de cent personnes.
Stéphane Hessel oublie de s'indigner, mais peut-être est-ce dû à son grand âge.
Aucune modification des programmes de télévision, les journaux titrent sur les soldes…
Un arabe tué à Tunis ou à Alger par d'autres arabes susciterait-il moins d'indignation ou bien sa vie aurait-elle moins de valeur que celle d'un arabe palestinien ou d'un Musulman turc tué par la "soldatesque sioniste"?

Ces deux évènements, mis en parallèle, symbolisent l'indignation sélective de la classe politique surfant dans le sens du vent, travaillée par les mouvements antisionistes prenant prétexte d'un évènement ponctuel qui, parce qu'il implique Israël, donne lieu à des déferlements de haine. Les médias vous répondront qu'ils ne font que relayer ces évènement, mais pour eux, c'est tout de même une aubaine, car Israël et les Juifs, c'est porteur, c'est vendeur, cela fait de l'audimat.
Alors que le conflit du Proche-Orient, si dramatique soit-il, est, statistiquement, le moins meurtrier, c'est celui qui est le plus commenté, attisant toutes les haines. Il y a en Israël plus de mille correspondants de presse, davantage qu'à Washington, Londres, Paris ou Berlin.
Pourquoi Mohamed ne suscite-t-il de l'émotion et des manifestations que s'il s'appelle Al Doura et est palestinien, n'intéressant personne lorsqu'il est tunisien ou algérien?
C'est cette question que devraient se poser également les manifestants, souvent d'origine maghrébine, des défilés anti-israéliens. Ils s'apercevraient alors qu'ils sont une fois de plus les victimes humiliées des réflexes hypocrites de la vieille puissance coloniale et mandataire, pour qui une cinquantaine de "Mohamed" sont d'une valeur bien relative.
Stéphane Hessel, chantre de la pensée indignée, devrait briguer un dernier poste, avant une retraite bien méritée : président de la bourse des indignations sélectives où s'agitent politiciens "traders" et médias "golden boys".
Le capitaine Dreyfus, frappé d'indignité nationale, sous les pamphlets assassins de Maurras et Daudet, inspirait la fierté. Plus Hessel s'indigne contre toi, plus je suis fier de toi, Israël.
Nos pensées, vont ce soir, à Guilad Shalit, détenu depuis 1664 jours par le Hamas. Ses parents sont toujours sans nouvelles. Les visites, même celles de la Croix-Rouge, lui sont interdites.

ALGER MA VILLE NATALE










mardi 25 janvier 2011

MA MERE JUIVE D'ALGERIE -HZ- extrait

J’adorais faire parler ma mère.
Intarissable comme toutes les nostalgies ayant effleuré le bonheur, ma mère juive d'Algérie escaladait sa mémoire sans effort apparent, un souvenir traînant derrière son image sépia tout un chapelet d'anecdotes puisées à la source de son enfance, entourée de ses frères William, Léon et de ses soeurs Elise, Nadine, Pauline.
Elle me racontait sa prime jeunesse dans cette casbah judéo-arabe coincée à mi-chemin de l'Orient et de l'Occident, en marche vers l'inexorable modernité ensemencée par une France civilisatrice, mais retenue par la force invisible d'un passé millénaire.

En chevauchant allégrement la machine à remonter le temps, elle n'oubliait rien ni personne. Avec une précision méticuleuse qu'elle entretenait à force d'y penser, à force d'en parler, elle décrivait ce monde qui la vît naître et précipiter ses premiers pas vers la religion de ses pères. Véritable guide touristique de la casbah, de "sa" casbah, elle situait chaque pièce de ce puzzle à l'emplacement exact; les ateliers, les échoppes, les petits artisans, les lieux de cultes, d'enseignement religieux, la Médersa toute blanche, immaculée, les Mosquées, les Synagogues, les cafés musicaux. De Brahim le Mozabite, affublé dans ce pays du sobriquet de "Moutchou", tenancier d'une épicerie-capharnaüm parcourue de charançons, qui sentait bon les épices, la bougie, la guimauve, les tramousses et.......l'huile rance. Toujours aux aguets devant les petits "yaouleds", auteur de menus larcins dans la rue Marengo, artère principale de la casbah, il faisait face au salon de Thomas le coiffeur, rendez-vous de tous les amoureux du football algérois, obligés de se contorsionner sur leur fauteuil pour admirer "le travail de l'artiste" dans une glace tenant lieu d'exposition de photos des équipes vedettes du championnat d'Alger. Moktar, le marchand de beignets arabes façonnés d'une main experte, jetés dans l'huile frémissante dans un geste auguste qui s'apprenait comme on apprend le piano, sortis de leur bain brûlant à l'aide d'une tige de fer blanc recourbée pour accrocher le beignet et l'offrir dans son papier absorbant à la convoitise du client par l'odeur alléché.

Aucun détail ne manquait et j'eus souvent l'occasion de revisiter les souvenirs de ma mère juive d'Algérie en parcourant, à mon tour, le théâtre pittoresque d'une enfance à jamais enfouie dans sa valise d'exil. Je marchais, alors, sur ses pas. Je rencontrais les personnages envoûtants qui voyageaient dans ses histoires embellies par les années perdues et je m'apercevais avec tendresse, qu'à aucun moment, sa mémoire n'avait failli.

A l'école de la rue de Toulon où elle fit ses premières armes, sous la baguette sévère d'institutrices revêches, elle se souvenait du bonnet d'âne désignant les "têtes en l'air" à l'innocente vindicte des élèves exemplaires. De sa maîtresse d'école qui se pâmait devant la beauté des grands yeux noirs de la "petite DURAND", qui semblaient soulignés de "khôl". De son préau qui s'ouvrait sur le balcon familial où la guettait sa maman-gâteau comme pour la rassurer dans cette difficile étape de la vie qu'était, alors, l'école communale.

De cette époque, elle avait gardé l'exaltation joyeuse de la petite fille insouciante élevée par sa mère, grondée par son père, surveillée par ses frères, adorée de sa famille. A l'instar de ses soeurs, elle apprenait à coudre et à repriser, à laver et à repasser, à tenir une maison le coeur content et l'âme fière de suivre l'exemple de sa mère qui le tenait, elle-même de sa grand-mère.

Elle se souvenait avec nostalgie de ce petit appartement de deux pièces au 31 rue Marengo, grande trouée qui zébrait la casbah en son milieu et se prolongeait par la rue Randon. J'imaginais en l'écoutant, la dose d'amour nécessaire à la coexistence pacifique de deux adultes et de six enfants, évoluant dans ce minuscule espace laissé ouvert sur le palier pour agrandir le volume et accueillir le courant d'air de l'amitié soufflé par le voisinage. Avec en prime, la fenêtre de la cuisine qui glissait en pente douce et en terrasses multicolores vers l'irréel, le grandiose, le majestueux panorama du port d'Alger.

Ma mère répétait souvent : "De sa cuisine, ta grand-mère voyageait par procuration à bord du Kairouan, du Ville d'Alger ou du Ville d'Oran. L'imagination faisait le reste. Et nous autres, on embarquait avec elle."
Elle évoquait souvent ses parents comme les témoins de sa jeunesse, la preuve de son existence, la confirmation de son ascendance.

Je n'ai pas eu le bonheur de connaître mes grands-parents maternels. Mes frères non plus. Mais ils semblent avoir toujours fait partie de notre univers tant leur image nous fut peinte, ciselée, détaillée par l'amour de leur fille.

De notre grand-père, nous sûmes qu'il éleva sa famille pauvrement mais dignement, ne rechignant jamais à prolonger sa journée d'ébéniste-matelassier-cardeur en travaillant de nuit au casino de la capitale. Il adorait tant son métier qu'il demanda à ses fils de glisser sous son lit de souffrance, sa machine à carder. Atteint d'un mal incurable, entre deux douleurs insupportables, il tirait à lui son outil de travail pour le contempler. En recevant cette pénible anecdote travestie en confidence, nous pénétrâmes, mes frères et moi, l'âme et le coeur de notre grand-père. Il est des grands hommes ignorés de tous, sauf de leurs familles. Il me plait, ici, de m'attarder sur cet homme digne et respectable que fut mon grand-père maternel.

Comme ses soeurs, ma mère s'identifiait à sa propre mère. Poutre maîtresse de son foyer, ma grand-mère maternelle cumulait les fonctions d'épouse, de mère, de ministre des finances, d'exemple pour ses filles. Couturière par nécessité, elle offrait du rêve bon marché, mais de bon goût, à ses "élégantes" sans le secours d'une machine à coudre.
Ma mère était fière de cette unique photographie conservée "comme la prunelle de ses yeux", représentant sa maman entourée de ses six enfants, prise au jardin Marengo, sous un généreux soleil hivernal. Le décès de mon grand-père avait agi comme un révélateur sur le frère aîné, William, investi soutien de famille qui décida d'immortaliser, sur papier Guilleminot, la famille orpheline et toute vêtue de deuil.

Cette photographie, dans les mains de ma mère, symbolisait cette époque tragique, dure, sans pardon. Une époque charnière ouverte sur le vaste champ de la modernité et le passé simple qui conjuguait la vie avec les yeux au bord des larmes. Ce fut la première et dernière image de ma grand-mère maternelle qui s'en alla quelques cieux plus loin, terrassée par un transport au cerveau. Victime d'une contrariété familiale, elle mourut durant son sommeil. Cette nuit là, Elise, l'une de ses filles, médium sans diplôme, fut réveillée par le pas claudiquant de son défunt père, martelant de sa canne, l'escalier de bois. Affolée, elle entendit très distinctement la voix paternelle lui annoncer qu'il venait chercher sa mère. Le temps de courir dans la chambre de ses parents, elle recueillit le râle de ma grand-mère en partance au pays des étoiles sur le tapis volant de mon grand-père.

Les orphelins sont souvent livrés à eux-mêmes. Pas dans cette famille. Partant d'un bon sentiment, les oncles, les tantes, les cousins, les cousines décidèrent de prendre le relais des parents. Ils se partagèrent la lourde charge d'élever les enfants, désirant pastelliser les couleurs du chagrin afin d'en oublier la violence. Mais, dans la précipitation chargée de bons sentiments, ils occultèrent l'essentiel : le malheur, comme le bonheur, a besoin de communion. La séparation des orphelins sonna le glas d'une possible réinsertion affective. Pourtant, l'éducation de ma mère, de ses frères et soeurs exigeait que le clan restât soudé, le cercle de famille ancré dans ses certitudes, la tribu réunie autour d'un feu sacré allumé par des années de vie commune.

Au contraire, il fut écartelé, démembré, sacrifié. Malgré la bonne volonté de chacun, le besoin de vivre le chagrin à l'unisson, de s'unir pour endiguer la bourrasque, balaya toute idée de séparation et, un mois plus tard, les orphelins réintégrèrent la maison familiale où la tristesse habillait encore les miroirs endeuillés. La joie minuscule des retrouvailles parût dérisoire face à l'omniprésente absence des parents dans ce musée d'amour d'autrefois, chaque objet évoquant un épisode du parcours des chers disparus.

Accrochés à l'unité familiale comme à une bouée de sauvetage, ils confièrent la maison et son entretien à Pauline, trop jeune pour travailler au dehors. Ainsi, la petite dernière abandonna, sans état d'âme, sa scolarité, le challenge valant tous les sacrifices. La famille avant tout. William et Léon, tailleurs, Nadine et Elise, couturières, Lydia, vendeuse furent chargés d'alimenter la caisse commune.

Ma mère évoquait souvent cette noire période avec tendresse. A un moment crucial de leur existence, la famille aurait pu éclater, s'écarteler, chacun et chacune désirant peut-être s'offrir une vie individuelle, sans contrainte, sans attache. A l'opposé, s'appuyant sur les principes de vie dispensés par leurs parents, ils s'arcboutèrent contre les vents mauvais, cherchant le réconfort, la force de l'avenir dans la chaleur de l'autre.

Je lisais dans le regard brillant de ma mère une certaine fierté d'avoir préservé l'essentiel, tous unis, un pour tous et tous pour un. Cette communauté d'esprit de la famille existera bien au-delà des tourments endurés, de la séparation pour bonne cause de mariage, d'exil de leur terre natale, enfin, lorsque le lourd convoi de la douleur emporta le premier d'entre eux pour le pays de nulle part. A l'heure où se couchent les pleins et les déliés sur mon papier chagrin, William, Nadine, Pauline et Lydia, ma mère, se sont éloignés à pas lents, abandonnant Elise et Léon, penchés sur une jeunesse à jamais disparue.

Je revois ce bonheur qui volait dans la maison de ma mère, entourée de ses frères et soeurs, dimanches délicieux comme des gâteaux de fête. Les gamins qu'ils redevenaient pour un jour, une heure ou un instant, remontaient le cours agité du fleuve de leur vie d'adulte pour glisser vers la source tranquille de leur enfance radieuse, ravivant les couleurs à peine délavées de leurs souvenirs. Avec le rire en invité permanent.