lundi 8 novembre 2010

IL ETAIT UNE FOIS BAB EL OUED / 12 /

BAB EL OUED ET LA GUERRE
Plus l’homme vit éloigné de la mère-patrie, plus le sentiment de lui appartenir est vivace en son cœur. Plus jeune, son pays lui inoculera cette notion d’appartenance et de dépendance, plus douloureuse lui apparaîtra la mutilation, plus injuste lui semblera la sanction. Le principe des vases communicants prend ici toute sa dimension émotionnelle.
L’histoire d’amour entre la France et ses enfants d’outre-méditerranée ressemble à toutes ces histoires tragiques où les sentiments ne valent pas cher face à la raison d’état. Le pied noir de Bab El Oued, français par amour d’une patrie dont il ignore les plaines enneigées et les rivages brumeux, les châteaux de la Loire et les tempêtes bretonnes, les cabanons de Provence et les quais de la Seine, l’enfant du faubourg aux multiples racines, aux multiples langages et aux multiples espérances, élève du savoir de France par choix d’émancipation, avoue sa préférence en un grand éclat de rire avant de lancer le cri désespéré de l’homme trahi.


Pourtant l’histoire était belle. Des hommes, des femmes, des enfants se retroussant les manches devant cet eldorado de lumière, une ville entr’aperçue, imaginée, aimée jusqu’au bout de la raison, « cette raison irraisonnée des amours impossibles », une lumière intérieure qui vient de loin pour poser sa vie quelque part, faisant confiance à l’espérance du hasard. Et l’aboutissement, le décor magique, la passion commune, Alger, Bab El Oued, le bonheur promis, au bout du chemin. Que la France est belle ! Que « cette » France est belle !
La guerre 39-45 provoque le plus fort pourcentage de mobilisation. Normal ! L’Algérie, Bab El Oued sont mobilisés à l’échelle de leur amour pour la mère-patrie ! Les hommes partent la fleur au fusil. La marseillaise en tête, le chant des Africains à pleins poumons ! Pour se donner du courage et par fierté de servir la France. Couverts de gloire, les enfants du faubourg et leurs compatriotes rentrent au pays. Pas tous, mais c’est le lot de toutes les guerres.

Bab El Oued a vécu ce conflit en subissant restrictions et bombardements ! Souvenons-nous du lycée BUGEAUD occupé par les Anglais qui subit pas mal de dégâts par l’aviation du IIIème Reich .Tous aux abris ! Sous les escaliers de la rue KOECHLIN, sous le « Mon Ciné », sous les tunnels des voies ferroviaires de la corniche, ailleurs. Des tués malgré les précautions.
Les juifs et les Italiens non dé-naturalisés, otages de la guerre. Les uns renvoyés des administrations, des écoles, des ateliers, décret CREMIEUX entre parenthèses, les autres « déportés » à Colomb-Béchar. Heureusement le 8 novembre 1942, les Américains qui apportent la paix, le jazz et le bas Nylon. La délivrance !
Et Bab El Oued qui repart de plus belle, fier de ses enfants. Honneur et Patrie !
Les « événements » émancipent les « roumis ». Surtout après le 13 mai 1958. Berné, doublé, le petit peuple de Bab El Oued (et le reste de l’Algérie Française) mesure l’étendue de la sottise d’avoir repris le slogan du Général SALAN : « vive DE GAULLE ».
Le « blocus de Bab El Oued », les chars qui entrent dans le faubourg, écrasant tout ce qui se présente, les avions qui tirent sur les terrasses, la France qui affame le quartier, le reste de la ville qui manifeste rue d’Isly, drapeau français en tête, les balles assassines, 85 morts, 200 blessés d’avoir trop aimé la mère-patrie. Le grand départ, le cœur à l’envers.
Et depuis, LA NOSTALGERIE !


A SUIVRE........


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