lundi 8 novembre 2010

JACQUES FERRANDEZ "LES CARNETS D'ORIENT"

Cet auteur méditerranéen est devenu un spécialiste incontesté de l’Algérie avec notamment sa saga Carnets d’Orient dont il a achevé le second cycle au printemps 2009 avec un fameux T.10 aux éditions Casterman. Il vient de publier une adaptation d’un roman d’Albert Camus, l’Hôte, aux éditions Gallimard ainsi qu'un document jeunesse sur la décolonisation de l'Afrique, Nos ancêtres les Pygmées avec Didier Daeninckx aux éditions Rue du Monde. Né à Alger, Jacques Ferrandez a grandi dans le Sud de la France, où il a suivi une formation à l’École nationale d’Art décoratif de Nice. Il démarre dans la BD avec Rodolphe comme scénariste : ils publieront notamment ensemble la série Raffini. Il a gardé des images fortes de ses racines et de ses nouvelles attaches. Cette influence se retrouve dans Arrière pays, l’Eau des collines ou Nouvelles du Pays, pour la Provence, et les Carnets d'Orient, sa série emblématique qui s’est achevée au moment de la déclaration de l’indépendance de l’Algérie. C’est aussi dans le domaine des carnets de voyage qu’il excelle et en fait l’un des plus grands illustrateurs. L’an passé, il a ainsi signé Cuba Père & Fils avec son fils Pierre. Il réalise régulièrement des couvertures de romans.

Lors d’une interview pour Auracan.com, Jacques Ferrandez présentait quelques uns de ses projets qui ont été publiés cet automne. Voici les extraits en question.
Allez-vous écrire une suite [aux Carnets d’Orient] ?
Pour le moment, il n’est pas prévu de suite. Je vais laisser reposer les personnages dont on peut penser que la vie a continué après la déclaration d’indépendance. La fin est assez ouverte. L’histoire après 1962 est aussi passionnante, avec la prise du pouvoir du FLN, les luttes intestines, les assassinats de membres du FLN à l’étranger… On peut encore raconter énormément de choses – aussi bien du côté algérien que du côté français avec l’installation des pieds-noirs, la question des Harkis. Encore une fois, le sujet est inépuisable. Pour le moment, je n’ai aucun plan pour la suite. De la même manière que je disais à la fin du premier cycle que c’en était terminé, je suis un peu plus prudent aujourd’hui. Je ne jure de rien !

Traiterez-vous de l’Algérie autrement ?
Oui, j’ai plusieurs projets en chantier dans ces mêmes espaces géographique et historique. Je travaille sur un texte de Didier Daeninckx qui a pour toile de fond la décolonisation de l’Afrique. Cela se passe à Marseille. On évoquera l’Algérie au travers d’un instituteur qui va être mobilisé et se posera beaucoup de questions. Il y a un autre chantier, sans doute pas avant 2010, avec mon camarade Fellag. Ce sera un texte illustré sur une pièce avec beaucoup de personnages qui se passe en 1930 à la kasbah d’Alger. Cela me fait revenir sur le thème du Centenaire. Et j’ai aussi un autre projet qui sera directement rattaché à l’Algérie : l’adaptation en bande dessinée d’une nouvelle d’Albert Camus pour la collection Fétiche chez Gallimard…
Jacques Ferrandez a commencé chez Casterman en publiant "Arrière-pays" : petites histoires typiquement provençales. Après la série "Carnets d'Orient", Jacques Ferrandez replonge dans l'univers provençal et s'attaque à un classique de la littérature française : le pays de Pagnol, ses drames, ses amours avec le cycle de "L'eau des collines" où il réussit à faire chanter ses personnages dans la pure tradition d'une imagerie bien connue. En octobre 1998, sur un scénario de Tonino Benacquista, Jacques Ferrandez a dessiné, toujours pour Casterman, L'outremangeur. En octobre 2000, il publie "La boîte Noire" sur un scénario de Benacquista aux éditions Futuropolis/Gallimard, un voyage dans l'inconscient et sur la recherche de soi, après le réveil comateux du héros.

L'hôte - Jacques Ferrandez d'après une oeuvre d'Albert Camus

Algérie, dans les hauteurs semi-désertiques du pays, un instituteur français reçoit la visite d'un gendarme et de son prisonnier indigène. A lui d'amener l'homme à Tinguit où il sera jugé pour meurtre. Cette tâche, l'homme l'accepte à contre-coeur et devra la confronter à sa conviction intime et la complicité étrange qui va le lier à cet homme dont il ne sait rien.
J'aime Ferrandez depuis ma découverte de ses sublimes Carnets d'Orient, une fresque qui m'a fait découvrir un pays et une histoire qui fait partie de mon histoire familiale. J'aime ses dessins délicats, son sens du récit, ses personnages, les couleurs magnifiques qu'il emploie, sa finesse et sa sensibilité pour aborder des thèmes forts, durs, et des événements qui provoquent encore la passion et la haine.

Il choisit là d'adapter l'Hôte d'Albert Camus, un texte court, une nouvelle que je n'ai, je l'avoue, pas lue mais que j'ai découverte par les images de Ferrandez. Toujours aussi sublimes les images: on parcourt du regard les paysages immenses des montagnes algériennes, on ressent jusqu'à l'os l'isolement, le froid, la rudesse de ce monde de pierre, une rudesse qui répond à celle des hommes et à celle d'une époque où l'on doit choisir son camp et où toute humanité se heurte à la violence et l'incompréhension. Entre l'instituteur et le prisonnier se tisse un lien étrange, fait d'une sorte de respect mutuel, de découverte silencieuse de l'autre, un lien qui ne résistera pas au monde extérieur. Pas ou peu de dialogue, juste l'image et la force qu'elle donne au récit, sa fausse simplicité qui mène au dénouement qu'on devine tragique mais qui reste dans l'ombre. Comme si le bref instant de compréhension et de respect devait être préservé de la violence à venir.
C'est une très belle oeuvre, qu'on aurait aimé plus longue pour savourer encore les images et Camus, qu'on devine en filigrane.

1 commentaire:

  1. JACQUES FERRANDEZ, un vrai artiste qui nous fait rêver et que je tiens à remercier pour ce qu'il fait quoi que je ne suis pas fan de Camus. Bon courage l'artiste.
    a.ikhlef / Constantine

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