Je garde en ma mémoire l’image extraordinaire des habitants de l’avenue Malakoff, ça se trouve où ? Mais à la Consolation voyons ! Les gens de Bab El Oued ne se prennent pas pour les plus beaux et les plus forts. D’origine modeste pour la plupart d’entre eux, pour ne pas dire pauvre, ils ont appris à ne pas douter des véritables capacités de l’homme devant les difficultés de la vie Mais Non Rachel, ils ne sont ni colons, ni profiteurs, ni racistes, parce qu’ils ont reçu en héritage le poids des peuples opprimés et la force de faire face aux sarcasmes de ceux qui se disent au dessus des lois et des gens .. Comme Dit si bien Rose , à Bab El Oued, vit « le Monde Entier » Et bien oui, comment nommer autrement ces populations arrivées de tous les coins de la Méditerranée ? Un peu Berbères, un peu Mozabites, un peu Turcs, une communauté juive peut être d’origine berbère, vivant depuis des millénaires, un chouya de Français fraîchement débarqués, d’Italiens, d’Espagnols, sans oublier les Alsaciens et les Libanais .. J’ai bien dit, le Monde entier ! Mais ?? Tu me diras : Où sont donc les colonisateurs ? La réponse n’est pas simple parce que l’histoire même de l’Algérie ne l’est pas. Je vais mettre de côté, avec ta permission, les profiteurs de drame, les banquiers qui n’ont pas de nom, pour ne parler que de l’authenticité de l’Algérie de Bab El Oued, à savoir, le Peuple, le Petit Peuple . Leur façon de vivre ? Un Tourbillon, Une Explosion ! A chaque instant, une histoire se passe et la situation la plus banale prend allure de comédie ou tragédie, avec toute l’exagération ou le défoulement qu’on veut ou peut y mettre .Sous cette apparence, se trouve un immense besoin d’amour, une sensibilité touchante, et le véritable respect d’autrui . Ils se moquent des autres comme ils savent se caricaturer pour ne pas rester en dehors des Algérois . Un flot de gestes et de paroles, des colères monstres ou énormes éclats de rire, ils vivent heureux et pleinement sans se soucier des regards sévères des habitants des rues Michelet et d’Isly qui demandent un peu plus de discrétion .Mais vois-tu Rachel, lorsque les folies meurtrières surgissent, la dignité et le courage font surface, le voisin devient famille, l’amitié et l’amour retrouvent le sens véritable . Je t’expliquerai plus tard comment une famille musulmane, censée appartenir au mouvement FLN pleure sincèrement un enfant européen mort dans un attentat et comment deux familles pro Algérie française, pourquoi ne pas le dire OAS se rendent de partout, dans les commissariats comme dans les bases militaires pour tenter de ramener le frère d’une voisine arabe musulmane, arrêté pour incitation à la guerre contre « l’occupant », pour l’unique raison que la famille mérite leur amitié .. Difficile, difficile ! Ce n’est pas si simple ,Rachel, ce n’est pas, d’un côté l’indépendance et de l’autre l’Algérie Française, d’un côté des innocents et de l’autre des bourreaux … La position politique de certains fait fi des sentiments réels des communautés arabe, et européenne . J’en veux à tous ces extrémistes qui font passer leurs envies, leur vision du monde avant la réalité d’une situation . Il en arrivent à mentir à tromper leur entourage, à se leurrer eux-mêmes dans le seul but de faire passer un message pour le parti auquel ils appartiennent .Mais je dois te dire qu’à Bab El Oued, il n’y a eu de mon temps, qu’un parti actif avant ce que nous appellerons les évènements d’Algérie : celui de la vie ! C’est le regard de l’enfant et l’adolescente qui transmet cette affirmation, tu l’as compris .
J’habite à la Consolation jusqu’en 1946.La cité se situe entre le stade Marcel Cerdan juste après la plage de Padovani et les cimetières chrétien et juif qui se jouxtent au début de st Eugène . Les maisons surplombent la mer. Il suffit de traverser le « banc blanc », la placette, le jardin … quelques escaliers dans la pierre … La Plage de l’Eden ! Les parents peuvent regarder à la jumelle la progéniture allongée sur le sable chaud, et ils ne s’en privent pas . Si, par hasard, Paulo a l’audace de caresser la jambe de Marinette :
« Aie aie aie, Paulo ! enlève ta main de là malheureux ! tu vois pas que ma mère, elle est au balcon, non ?Tuveux me faire tuer, ma parole ! »
La Consolation ! avec ses soirées de fête passées au jardin face à la mer, le bruit des vagues, en toile de fond , les baignades à l’Eden, les flatteries vraies ou hypocrites à la vue de jambes bronzées, les descriptions d’un maillot de l’époque de grand-mère qui font rougir et se rhabiller vite fait, les jeux dans l’eau sur les chambres à air de camion, les discussions qui commencent par des éclats de rire pour finir en sujet de dispute, et vice versa …l’infirmière du quartier, capable de décrire les fesses de tous les habitants sans exception de l’avenue Malakoff. Toutes ces femmes qui s’interpellent de balcon à balcon, pour ensuite partir, cabas au bras, en petits groupes, vers le marché de Bab el Oued, la pièce de 1 franc obligatoire pour l’aveugle assis au coin de la caserne .Et on veut que j’oublie cette vie pleine d’amour ? Oublier Pourim, Roch Hachana, Pessah ou Kippour, jours où la rue de Dijon est envahie par les Juifs du quartier. ? Oublier la fin du Ramadan, l’Aïd où les gâteaux arabes sont distribués en quantité phénoménale aux voisins et amis ? Oublier les pèlerinages des Chrétiens, à Notre Dame d’Afrique ou des Ravins ,qui n’hésitent pas à monter les escaliers sur les genoux ? Mais ce sont ces souvenirs qui font que je suis aujourd’hui heureuse puisque j’ai pu chercher, apprendre avant que la décision s’impose . Merci, ma Rachel, tes pleurs y sont pour beaucoup, c’est évident !
Je suis sincèrement peinée. Pourquoi ? parce qu’on affirme aujourd’hui qu’en Algérie, le racisme envers la communauté musulmane, était ancré chez tous les Pied-noirs . Je vais te dire, moi, combien était solide l’amitié des Juifs, des Musulmans, des Chrétiens, de ceux venus d’Italie ou d’Espagne, je parle de la Consolation en ce moment . Un exemple ? La mère de Boualem et Malika étaient de grandes amies de ma grand-mère comme elles étaient les amis de toutes les autres femmes du quartier, sans oublier que leurs enfants jouaient comme des fous avec les enfants Seksek, Garguilo,pour ne nommer qu’eux .
un ou une enfant de BAB EL OUED inconnue
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