mercredi 11 novembre 2009

MA MERE





JE ME SOUVIENS de ma mère et de ses remèdes miracles. Ses enveloppements d'alcool sur un linge sec qu'elle imbibait après l'avoir réchauffé de ses mains afin que ses fils n'attrapent pas mal.
JE ME SOUVIENS de ses carrés de sucre qu'elle nous glissait dans nos poches d'écoliers afin que le coup de barre de 10 heures ne nous atteigne pas.
JE ME SOUVIENS de ses visites dans notre chambre pour veiller sur notre sommeil alors que nous étions déjà grands.
JE ME SOUVIENS de ses flambées d'alcool dans sa petite casserole que nous trouvions les jours de pluie en rentrant de l'école pour nous réchauffer le corps et le coeur.
JE ME SOUVIENS de ma chute au cabanon des Horizons Bleus qui me valut cinq agrafes dans la tête et de ce cri qu'elle m'entendit pousser alors qu'elle était dans notre appartement de la rue Koechlin. Sans doute la prémonition d'une mère d'Algérie!
JE ME SOUVIENS de son porte monnaie vide qui nous invitait à boire un café au lait en guise de souper.
JE ME SOUVIENS de ses larmes silencieuses qu'elle versait lors de noëls sans cadeaux alors que nous savions que sa présence était le plus beau des cadeaux.
JE ME SOUVIENS de la double alliance qu'elle portait à son doigt, témoignage de son veuvage et de l'absence de mon père décédé à trente sept ans.
JE ME SOUVIENS de ses visites au cimetière de Saint Eugène, les jours de "Rosh Hoddesh" qu'elle ne ratait jamais, rendez vous immuables avec son époux défunt.
JE ME SOUVIENS des réunions de famille qui lui rendaient son joli sourire quand ses frères et ses soeurs emplissaient sa maison.
JE ME SOUVIENS de ses emplois "à la mascotte", à "bambi" rue Bab Azoun, "chez Bakouche" rue d'Isly, "chez stoffmacher" avenue de la Bouzaréah.
JE ME SOUVIENS du départ à l'armée de son fils ainé et de son assiette qu' elle nous obligeait à installer sur la table, à sa place, pour avoir l'impression qu'il allait venir manger d'une minute à l'autre.
JE ME SOUVIENS du départ et de ses choix déchirants pour une tasse de sa grand mère, un couvert de sa mère ou une photo du temps joyeux de sa jeunesse.
JE ME SOUVIENS de cette fatalité orientale qui habilla sa vie de couleur tristesse jusqu'au jour où elle quitta son pays et jusqu'au jour où elle quitta cette terre.

J'AI PERDU MON PAYS, MA PEINE FUT IMMENSE
J'AI PERDU MA MERE, MON CHAGRIN EST ETERNEL