samedi 14 novembre 2009

EDMOND BRUA




Cet homme à l'allure élégante, était rédacteur en chef du Journal d'Alger. Il est né le 15 novembre 1901 à Philippeville, dans une famille comme il y en avait beaucoup chez nous : alsacienne du côté paternel et corse par la mère.
Bachelier, Edmond Brua va étudier en Sorbonne. Faire ses universités à Alger, c'est devenir trop exclusivement algérien.

Brua regagne d'ailleurs bientôt l'Algérie, fait son service dans les zouaves et entre en 1922 à la Dépêche de Constantine.Il sera journaliste. C'est un métier où l'on écrit encore, à cette époque où l'on apprécie les bonnes plumes. De vocation, Edmond Brua se sait poète. Il entre au Journal général des travaux. Il collaborera aussi jusqu'à la guerre à Travaux nord-africains et aux Dernières nouvelles, le journal du soir. Le jeune journaliste fréquente écrivains et artistes. Il se lie avec son cadet Camus, avec Le Corbusier, l'architecte, qui vit alors à Alger et rêve de remodeler la ville, Autres amis, les peintres : Brouty, qui illustrera la première édition des Fables bônoises, Rafel Tona, Galliero, et Jean Brune, alors dessinateur humoristique. J'oublie un autre ami, d'enfance celui-là, l'acteur Pierre Blanchar, lui aussi philippevillois.

En 1931, Edmond Brua publie son premier recueil de poèmes, Faubourg de l'Espérance (joli titre, mais c'est aussi vraiment le nom d'un quartier de sa ville natale).

En 1935, autres poèmes : Le Coeur à l'école Trois ans plus tard, sur un tout autre registre, Les Fables bônoises, où le modèle, La Fontaine bien sûr, subit une sorte d'anamorphose par l'emploi du pataouète, ce langage créé par les Européens d'Algérie et que Musette, le premier, a fixé au début du siècle, en racontant les aventures de Cagayous.-------


Albert Camus reconnaît tout de suite l'importance du petit volume : A ce peuple neuf dont personne encore n'a tenté la psychologie (sinon peut-être Montherant dans ses "Images d'Alger") il faut une langue neuve et une littérature neuve. Il est clair que pour l'écrivain de Noces, les Fables constituaient le premier monument de cette littérature nouvelle.-------Septembre 39 : la guerre. Brua est mobilisé à Maison Carrée. Une bonne partie de l'armée d'Afrique ne servira pas dans la campagne de 1940, parce que l'Etat-major attend une attaque italienne en Tunisie. On a les yeux fixés sur la ligne Mareth, et Gabès. En 1941, il écrit La Chevauchée de Jeanne d Arc, poème dramatique, d'un ton très patriotique, qui sera représenté au stade municipal d'Alger.

1942, c'est l'année de La Parodie du Cid, en pataouète encore, plaisanterie de potache aux yeux de l'auteur et oeuvre tout de suite célèbre Un peuple s'y reconnaît. C'est aussi l'année où paraît Souvenir de la planète, poèmes tendres, secrets, et dont l'amertume lit dans le titre (il fait évidemment allusion au mot de Villiers : on s'en souviendra, de cette planète). Le livre lui vaut l'admiration des lettrés, et le Grand prix littéraire de l'Algérie, conjointement avec Roblès pour Les Hauteurs de la ville.-------

Le 8 novembre, les Américains débarquent. Brua s'engage dans le Corps franc d'Afrique qui va se battre en Tunisie où a reflué l'armé de Rommel, talonnée par Montgomery. L'Afrique du Nord française mobilise. Cela va donner le Corps expéditionnaire français commandé par Juin, puis la 1è Armée (de Lattre) en même temps qu'on renforce la 2° D.B. de Leclerc. Brua sera correspondant en Italie, auprès de la V` Armée américaine.

Brua collabore au Canard sauvage, hebdo évidemment satirique, où il donne la note pataouète. Et il entre à Alger-Soir qui a remplacé Les Dernières nouvelles. Sa chronique d'échos Cinq dans ton oeil, signée "La main de Fatma" est merveilleuse d'esprit et de virtuosité. Il lui arrive de commenter l'actualité en sonnets, irréprochables quant à la prosodie, mais dans la langue de la Parodie, bien sûr. C'est que, pour toute l'Algérie, Edmond Brua est l'homme du pataouète. On réclame partout la Parodie, où il joue souvent lui-même, dans le rôle de Roro.

En 1950, il devient rédacteur en chef du Journal d'Alger (Alger-Soir a disparu). Il le restera jusqu'en 1962, où il prend sa retraite. Ce sont des années difficiles, comme on sait. En 1956, il soutient l'initiative de son ami Camus pour une trêve civile. I1 s'agit de laisser les civils hors de la bagarre, mais l'idée paraît suspecte aux Pieds-Noirs tandis qu'elle indigne les amis du F.L.N., qui a besoin du terrorisme pour s'imposer. En 1961, il couvre le procès des "Barricades", la suite de l'affaire du 24 janvier 60. Après l'indépendance, Brua reste encore trois ans à Alger. Sa femme travaille à l'ambassade de France .

Edmond Brua meurt, d'un cancer, le 26 avril 1977.



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