" Le dernier dans l'eau c'est une tapette!" y lance à la ronde Jeannot avant de se ruer dans les escaliers comme s'il devait prendre l'avion. Une demi-seconde après j'avais enfilé mon maillot et en avant nous autres, je prenais l'avion moi aussi.
Et c'est là que je deviens zombi. Parce que c'est à ce moment là que je la vois.
--" Norbert, je te présente ma cousine Colette !"
--"Bonjour !" elle me lance en m'adressant un sourire à faire pâlir le p'tit négro d'Afric-Film, (13 rue Auber, ALGER. 628-28/ 628-29.)
Elle est assise sur le sable. Alors comme un r'mar, je me laisse tomber à genoux et sans dire un mot, rien que je la regarde. Je la visite comme si elle était un musée. C'est ma mère qu'elle va être contente. Elle qui me reproche toujours d'aimer le football et de cracher sur tout le reste. Purée, dé! Mes yeux y z'en croient pas leurs yeux. La bombe d'Hiroshima elle pourrait tomber aux Horizons Bleus, même pas je l'entendrais. Subjugué je suis, subjugué je reste! Avant aujourd'hui, même pas je connaissais ce mot. Hé c'est normal, qui c'est qui peut être subjugué à quinze ans moins cinq ?
Déjà, toute la bande, elle nage dans la Méditerranée. Moi, je me contente de nager dans le bonheur. J'aurais dû prendre ma bouée des fois que je me noie dans ses yeux! J'évolue de l'intérieur parce qu'à l'extérieur, y'a rien qui bouge. Je suis toujours à genoux devant elle. On dirait que le Bon Dieu il a mis de la sécotine sur le sable. Elle doit vraiment me prendre pour un bourricot de la montagne, hein! Y faut dire qu'elle est belle comme une poupée asiatique avec ses yeux en amande, son teint mat et ses cheveux noirs légèrement bouclés que le vent mesquinette y promène sur son visage.
Elle aussi, elle doit aimer la sécotine parce qu'elle a pas bougé de sa place. On dirait qu'elle attend l'autobus! Elle me mange des yeux. Si j'étais plus grand, j’me jette sur elle et je l’embrasse jusqu’à demain matin.
--" Oh! Vous tapez pas le bain?" y nous lance un badjej qu'il a pas compris que la suite de "Autant en emporte le vent" elle se déroule sous ses yeux. Sans quitter le noir regard de ma petite chinoise, je lui prends la main et la décolle du sable. Pour la première fois de ma vie, même pas j'ai envie de "taper la pancha". Au contraire, je m'enfonce dans l'eau comme un aveugle qui veut se suicider par noyade progressive. Même pas je sens la température de l'eau. Reusement qu'elle avoisine les vingt huit degrés parce que si elle avait pris la fantaisie de descendre sous les dix degrés, même pas je m'en serais aperçu. Mais j'aurais quand même attrapé une bonne congestion, va--" On y va en promenade, pas pour battre le record du monde!"
Et tout en parlant, elle allonge le bras et je la vois se transformer en sirène du Mississippi. Purée, elle nage comme elle respire. Ma parole d'honneur, comme si la Méditerranée c'était sa mère. Que l'élément liquide c'était sa maison, son pays et sa patrie. Elle est née femme-poisson comme d'autres naissent footballeurs, virtuoses ou cataplasmes ambulants. Amman, elle glisse sur l'eau sans provoquer la moindre écume. Elle nage sans déranger la mer. Sans réveiller les poissons. D'un style coulé qui tranche singulièrement avec mon rythme heurté.
Derrière nous, la bande de babaos, elle suit tant bien que mal en ahanant à qui mieux-mieux sauf Bernard qui personnalise à lui tout seul l'endurance physique. En gymnastique à l'école, on le voit que de dos. C'est notre Mimoun à nous autres.
Ma petite sirène, déjà elle repose sur le rocher plat et nous autres, on se débat avec les quarantièmes rugissants. A bout de souffle, j'atteins la terre promise où m'accueille, suprême récompense, le sourire de Colette. Dans un dernier effort, je me hisse sur le rocher. Zarmah! Je fais celui qui est pas fatigué! Tellement je suis bon comédien, j'me croirais presque si j’avais pas si mal aux jambes! Au moment où je m'apprête à lui sortir le baratin que j'avais apprivoisé pour Carmen, Luc qui semble avoir compris mon intérêt pour sa cousine y me coupe mon élan en m'apostrophant avec un sourire narquois au coin de ses lèvres de baboin:
--" Tu sais pourquoi Colette elle a voulu venir cette année au cabanon?"
Qu'est-ce qui m'énerve çuilà avec sa tête de tchic-tchic à trois faces.
--" Ya r'mar que tch'es! Hier encore j'la connaissais pas! Et tu veux qu'je sache pourquoi elle est venue cette année? »
Mais ce bâtard de la cuisse gauche même pas y se démonte. Au contraire, ses yeux, sa bouche, ses oreilles y jubilent. J’en suis sur, y va me sortir la nouvelle qui va me démolir, me couper en morceaux, la tête d'un côté et le cœur à l'opposé. Y bave de plaisir ce coulo et moi j'attends l'épée de Damoclès qui va me niquer le moral.
--" Parce que son fiancé, il a un cabanon aux Bains Romains!"
Instantanément, je redeviens zombi. L'envie de me noyer, elle me tape le coup de la séduction. Mais la vérité, c'est difficile de se noyer quand on sait nager! Ce rocher, en plus, il est tellement fréquenté que j'arrive même pas à me concentrer sur mon malheur. Pourtant, par moment, je me sens sur une île déserte. Robinson Crusoë c'est moi! Allez! Y faut que je me ressaisisse! Ma mère, toujours elle dit : " Tant qu'il y a de la vie, y'a d'l'espoir!"
Allez va! J'me jette à l'eau comme un sac de pommes de terre. Je nage à la dégouttée en espérant rencontrer deux ou trois crocodiles affamés mais à part ceux qui habillent les polos Lacoste, des bestioles de ce genre y'en a pas bezef dans notre Méditerranée. C'est bien ma chance!
Arrivé sur le sable, je rejoins mon ex-petite chinoise qu'elle a battu le record du monde établi à l'aller. Enhardi par son sourire qui ferait fondre toute la Mongolie extérieure (pourquoi extérieure au fait?) je m'allonge à ses côtés comme Burt Lancaster dans "Tant qu'il y aura des hommes" sauf que moi je suis une gamate et que je roule pas un patin à Déborah Kerr. Ni à mon ex-petite sirène, d'ailleurs.
Derrière moi, Jeannot et Bernard y sortent de l'eau comme deux morts-vivants. On dirait qu'ils ont tapé la traversée de l'Atlantique à la nage. A côté d'eux, j'ai l'air frais comme un gardon. L'air mais pas la chanson parce que je cache bien mon jeu devant Colette qui croit que je suis Tarzan alors qu'en dedans je suis perclus de crampes. Mes jambes elles me portent pour l'amour de Dieu mais heureusement seul le Bon Dieu il est au courant.
Mon père, ses yeux y z'ont un mal fou à rester ouverts. Sa seule envie pour le moment c'est de se taper une sieste, ca-ra-bi-née. Même pas y répond! Morphée elle doit lui taper une danse du ventre pareille à Samia Gamal dans "Ali baba et les 40 voleurs".
C'est le moment choisi par Serrano qui parle toujours quand y faut pas pour ouvrir la bouche sans avoir tourné sept cent fois sa langue.
--" C'est pas bon de dormir tout'suite après manger."
Bou! Qu'est ce qu'il a pas dit! Ma mère elle démarre au quart de tour, mieux que Fangio! Qu'on touche à ses enfants qui sont les plus beaux-du-monde-et-des-alentours ou à son mari que "le pauvre y s'esquinte au travail" et que "deux comme lui tu trouves pas", et ma mère elle devient Calamity Jane. Parce que les yeux, les femmes de la casbah elles craignent un maximum. Y faut la voir utiliser tous les stratagèmes appris à la maison de sa mère et de sa grand-mère pour faire un sort au mauvais œil. Du sang de poisson bleu répandu sur le sol d'un appartement ou d'un magasin étrenné, à l'eau jetée sur le pas de celui qui part de chez elle en passant par la main de fatmah porté en sautoir, toute la superstition de son enfance judéo-arabe reprend des couleurs à chaque réflexion même la plus insignifiante concernant sa famille.
--" Dites vous! Cinq dans vos gros yeux balala! C'est très bon de faire la sieste après manger! Et d'abord si on fait pas la sieste après manger, quand c'est qu'on la fait, la nuit? Cà s'appelle plus faire la sieste, alors! Cà s'appelle dormir. Et vous, vous feriez mieux d'aller vous allonger pace que vous me paraissez bien fatigué! On dirait que vous avez attrapé la jaunisse ! » Tout ça elle dit en ouvrant bien sa main pour lui faire « cinq dans vos yeux »
Raïeb, Papa Serrano, heureusement y connaît la superstition de ma mère, alors pour toute réponse, rien qu'y sourit. Jaune mais y sourit.
Purée, illico presto, la faim elle me tenaille. Surtout qu’une odeur de loubia elle se répand à travers le cabanon. Aille, sa mère ! La gobia ! Ma mère, tout de suite elle comprend que son fils y va tomber d’inanition. Ses antennes, elles reçoivent le message mieux que celles de Pizon Bros qui capte que des stations nasillardes. Mon frère aîné, y met la table. Même pas j’attends une demi-seconde. Drop ninette, je m’assois et je tends l’assiette comme un mal élevé que je suis. Et babao avec ça, car je sais que ma mère, d’abord elle sert le chef de famille, puis l’aîné, puis le cadet et moi le petit dernier. La pauvre, ma mère qu’elle est satisfaite quand ses hommes sont à table et qui dévorent comme des morfals. Après seulement elle se remplit son assiette quand il en reste. Ces mères de chez nous !La purée ! Où on va trouver des pareilles ?
Tiens, Colette et Luc, on dirait que l’odeur de la loubia, elle leur fait de l’effet. Eux aussi, y mettent les bouchées doubles. Mon père avec ses amis Vincent, Sauveur et mes oncles ils se tapent l’anisette avec une tonne de tramousses. Ma tante, rien qu’elle empêche son mari de se régaler. :
--« Arrêtes ces tramousses de malheur ! Ca va te couper l’appétit ! » De quoi j’me mêle. Et si y préfère les tramousses à la loubia, il a pas le droit !
Les femmes et Colette la première, rien qu’elles veulent notre bien. Alors elles nous privent de tout c’qu’on aime. L’huile de foie de morue, c’est bon pour la santé ! Allez, avale ! Les caramels, c’est mauvais pour les dents. Allez jette ça ! La pitse, ça fait grossir, manges pas ! Regardes pas les jolies filles, seulement les vilaines ! Fais tes devoirs ! Apprends tes leçons ! Oh, Ca va ! C’est pas les vendanges ! Ni le bagne !
Que nos mères, elles nous briment, ok ! C’est pour notre bien ! Et puis, c’est nos mères. Elles ont tous les droits, elles ! Mais, oh, les filles qui deviennent après des femmes, c’est fini oui ! On peut respirer ouais ! Quand en plus, elles veulent nous violer comme Francette ! OOOOHHHH ! Yen a marre ! Laissez moi manger ma loubia tranquille ! Surtout que c’est la meilleure de la planète. La vérité, celui qui a pas mangé la loubia de ma mère, mieux y se suicide !........
Et c'est là que je deviens zombi. Parce que c'est à ce moment là que je la vois.
--" Norbert, je te présente ma cousine Colette !"
--"Bonjour !" elle me lance en m'adressant un sourire à faire pâlir le p'tit négro d'Afric-Film, (13 rue Auber, ALGER. 628-28/ 628-29.)
Elle est assise sur le sable. Alors comme un r'mar, je me laisse tomber à genoux et sans dire un mot, rien que je la regarde. Je la visite comme si elle était un musée. C'est ma mère qu'elle va être contente. Elle qui me reproche toujours d'aimer le football et de cracher sur tout le reste. Purée, dé! Mes yeux y z'en croient pas leurs yeux. La bombe d'Hiroshima elle pourrait tomber aux Horizons Bleus, même pas je l'entendrais. Subjugué je suis, subjugué je reste! Avant aujourd'hui, même pas je connaissais ce mot. Hé c'est normal, qui c'est qui peut être subjugué à quinze ans moins cinq ?
Déjà, toute la bande, elle nage dans la Méditerranée. Moi, je me contente de nager dans le bonheur. J'aurais dû prendre ma bouée des fois que je me noie dans ses yeux! J'évolue de l'intérieur parce qu'à l'extérieur, y'a rien qui bouge. Je suis toujours à genoux devant elle. On dirait que le Bon Dieu il a mis de la sécotine sur le sable. Elle doit vraiment me prendre pour un bourricot de la montagne, hein! Y faut dire qu'elle est belle comme une poupée asiatique avec ses yeux en amande, son teint mat et ses cheveux noirs légèrement bouclés que le vent mesquinette y promène sur son visage.
Elle aussi, elle doit aimer la sécotine parce qu'elle a pas bougé de sa place. On dirait qu'elle attend l'autobus! Elle me mange des yeux. Si j'étais plus grand, j’me jette sur elle et je l’embrasse jusqu’à demain matin.
--" Oh! Vous tapez pas le bain?" y nous lance un badjej qu'il a pas compris que la suite de "Autant en emporte le vent" elle se déroule sous ses yeux. Sans quitter le noir regard de ma petite chinoise, je lui prends la main et la décolle du sable. Pour la première fois de ma vie, même pas j'ai envie de "taper la pancha". Au contraire, je m'enfonce dans l'eau comme un aveugle qui veut se suicider par noyade progressive. Même pas je sens la température de l'eau. Reusement qu'elle avoisine les vingt huit degrés parce que si elle avait pris la fantaisie de descendre sous les dix degrés, même pas je m'en serais aperçu. Mais j'aurais quand même attrapé une bonne congestion, va--" On y va en promenade, pas pour battre le record du monde!"
Et tout en parlant, elle allonge le bras et je la vois se transformer en sirène du Mississippi. Purée, elle nage comme elle respire. Ma parole d'honneur, comme si la Méditerranée c'était sa mère. Que l'élément liquide c'était sa maison, son pays et sa patrie. Elle est née femme-poisson comme d'autres naissent footballeurs, virtuoses ou cataplasmes ambulants. Amman, elle glisse sur l'eau sans provoquer la moindre écume. Elle nage sans déranger la mer. Sans réveiller les poissons. D'un style coulé qui tranche singulièrement avec mon rythme heurté.
Derrière nous, la bande de babaos, elle suit tant bien que mal en ahanant à qui mieux-mieux sauf Bernard qui personnalise à lui tout seul l'endurance physique. En gymnastique à l'école, on le voit que de dos. C'est notre Mimoun à nous autres.
Ma petite sirène, déjà elle repose sur le rocher plat et nous autres, on se débat avec les quarantièmes rugissants. A bout de souffle, j'atteins la terre promise où m'accueille, suprême récompense, le sourire de Colette. Dans un dernier effort, je me hisse sur le rocher. Zarmah! Je fais celui qui est pas fatigué! Tellement je suis bon comédien, j'me croirais presque si j’avais pas si mal aux jambes! Au moment où je m'apprête à lui sortir le baratin que j'avais apprivoisé pour Carmen, Luc qui semble avoir compris mon intérêt pour sa cousine y me coupe mon élan en m'apostrophant avec un sourire narquois au coin de ses lèvres de baboin:
--" Tu sais pourquoi Colette elle a voulu venir cette année au cabanon?"
Qu'est-ce qui m'énerve çuilà avec sa tête de tchic-tchic à trois faces.
--" Ya r'mar que tch'es! Hier encore j'la connaissais pas! Et tu veux qu'je sache pourquoi elle est venue cette année? »
Mais ce bâtard de la cuisse gauche même pas y se démonte. Au contraire, ses yeux, sa bouche, ses oreilles y jubilent. J’en suis sur, y va me sortir la nouvelle qui va me démolir, me couper en morceaux, la tête d'un côté et le cœur à l'opposé. Y bave de plaisir ce coulo et moi j'attends l'épée de Damoclès qui va me niquer le moral.
--" Parce que son fiancé, il a un cabanon aux Bains Romains!"
Instantanément, je redeviens zombi. L'envie de me noyer, elle me tape le coup de la séduction. Mais la vérité, c'est difficile de se noyer quand on sait nager! Ce rocher, en plus, il est tellement fréquenté que j'arrive même pas à me concentrer sur mon malheur. Pourtant, par moment, je me sens sur une île déserte. Robinson Crusoë c'est moi! Allez! Y faut que je me ressaisisse! Ma mère, toujours elle dit : " Tant qu'il y a de la vie, y'a d'l'espoir!"
Allez va! J'me jette à l'eau comme un sac de pommes de terre. Je nage à la dégouttée en espérant rencontrer deux ou trois crocodiles affamés mais à part ceux qui habillent les polos Lacoste, des bestioles de ce genre y'en a pas bezef dans notre Méditerranée. C'est bien ma chance!
Arrivé sur le sable, je rejoins mon ex-petite chinoise qu'elle a battu le record du monde établi à l'aller. Enhardi par son sourire qui ferait fondre toute la Mongolie extérieure (pourquoi extérieure au fait?) je m'allonge à ses côtés comme Burt Lancaster dans "Tant qu'il y aura des hommes" sauf que moi je suis une gamate et que je roule pas un patin à Déborah Kerr. Ni à mon ex-petite sirène, d'ailleurs.
Derrière moi, Jeannot et Bernard y sortent de l'eau comme deux morts-vivants. On dirait qu'ils ont tapé la traversée de l'Atlantique à la nage. A côté d'eux, j'ai l'air frais comme un gardon. L'air mais pas la chanson parce que je cache bien mon jeu devant Colette qui croit que je suis Tarzan alors qu'en dedans je suis perclus de crampes. Mes jambes elles me portent pour l'amour de Dieu mais heureusement seul le Bon Dieu il est au courant.
Mon père, ses yeux y z'ont un mal fou à rester ouverts. Sa seule envie pour le moment c'est de se taper une sieste, ca-ra-bi-née. Même pas y répond! Morphée elle doit lui taper une danse du ventre pareille à Samia Gamal dans "Ali baba et les 40 voleurs".
C'est le moment choisi par Serrano qui parle toujours quand y faut pas pour ouvrir la bouche sans avoir tourné sept cent fois sa langue.
--" C'est pas bon de dormir tout'suite après manger."
Bou! Qu'est ce qu'il a pas dit! Ma mère elle démarre au quart de tour, mieux que Fangio! Qu'on touche à ses enfants qui sont les plus beaux-du-monde-et-des-alentours ou à son mari que "le pauvre y s'esquinte au travail" et que "deux comme lui tu trouves pas", et ma mère elle devient Calamity Jane. Parce que les yeux, les femmes de la casbah elles craignent un maximum. Y faut la voir utiliser tous les stratagèmes appris à la maison de sa mère et de sa grand-mère pour faire un sort au mauvais œil. Du sang de poisson bleu répandu sur le sol d'un appartement ou d'un magasin étrenné, à l'eau jetée sur le pas de celui qui part de chez elle en passant par la main de fatmah porté en sautoir, toute la superstition de son enfance judéo-arabe reprend des couleurs à chaque réflexion même la plus insignifiante concernant sa famille.
--" Dites vous! Cinq dans vos gros yeux balala! C'est très bon de faire la sieste après manger! Et d'abord si on fait pas la sieste après manger, quand c'est qu'on la fait, la nuit? Cà s'appelle plus faire la sieste, alors! Cà s'appelle dormir. Et vous, vous feriez mieux d'aller vous allonger pace que vous me paraissez bien fatigué! On dirait que vous avez attrapé la jaunisse ! » Tout ça elle dit en ouvrant bien sa main pour lui faire « cinq dans vos yeux »
Raïeb, Papa Serrano, heureusement y connaît la superstition de ma mère, alors pour toute réponse, rien qu'y sourit. Jaune mais y sourit.
Purée, illico presto, la faim elle me tenaille. Surtout qu’une odeur de loubia elle se répand à travers le cabanon. Aille, sa mère ! La gobia ! Ma mère, tout de suite elle comprend que son fils y va tomber d’inanition. Ses antennes, elles reçoivent le message mieux que celles de Pizon Bros qui capte que des stations nasillardes. Mon frère aîné, y met la table. Même pas j’attends une demi-seconde. Drop ninette, je m’assois et je tends l’assiette comme un mal élevé que je suis. Et babao avec ça, car je sais que ma mère, d’abord elle sert le chef de famille, puis l’aîné, puis le cadet et moi le petit dernier. La pauvre, ma mère qu’elle est satisfaite quand ses hommes sont à table et qui dévorent comme des morfals. Après seulement elle se remplit son assiette quand il en reste. Ces mères de chez nous !La purée ! Où on va trouver des pareilles ?
Tiens, Colette et Luc, on dirait que l’odeur de la loubia, elle leur fait de l’effet. Eux aussi, y mettent les bouchées doubles. Mon père avec ses amis Vincent, Sauveur et mes oncles ils se tapent l’anisette avec une tonne de tramousses. Ma tante, rien qu’elle empêche son mari de se régaler. :
--« Arrêtes ces tramousses de malheur ! Ca va te couper l’appétit ! » De quoi j’me mêle. Et si y préfère les tramousses à la loubia, il a pas le droit !
Les femmes et Colette la première, rien qu’elles veulent notre bien. Alors elles nous privent de tout c’qu’on aime. L’huile de foie de morue, c’est bon pour la santé ! Allez, avale ! Les caramels, c’est mauvais pour les dents. Allez jette ça ! La pitse, ça fait grossir, manges pas ! Regardes pas les jolies filles, seulement les vilaines ! Fais tes devoirs ! Apprends tes leçons ! Oh, Ca va ! C’est pas les vendanges ! Ni le bagne !
Que nos mères, elles nous briment, ok ! C’est pour notre bien ! Et puis, c’est nos mères. Elles ont tous les droits, elles ! Mais, oh, les filles qui deviennent après des femmes, c’est fini oui ! On peut respirer ouais ! Quand en plus, elles veulent nous violer comme Francette ! OOOOHHHH ! Yen a marre ! Laissez moi manger ma loubia tranquille ! Surtout que c’est la meilleure de la planète. La vérité, celui qui a pas mangé la loubia de ma mère, mieux y se suicide !........
..............Pourvu qu’elle reste dans son coin. Elle qui adore les coins et les recoins, si j’avais su j’en aurai louer un pour elle. Sans moi !
Alors que je m’apprête à me dérober au regard de Francette, une autre chanson des Platters elle m’incite à inviter à nouveau Colette. Un moment de répit C’est tout qu’il me fallait. Colette, elle a pas réagi à ma déclaration d’amour déguisée. Pourtant, lui avouer que les autres filles « ça m’en touche une etc… » (la décence m’empêche de terminer cette phrase que tous les enfants d’Algérie y connaissent. Ceux qui comprennent pas, y m’écrivent, je leur tape l’expliquement.)
Ca a du lui faire plaisir quand même ou bien comme je le dis souvent, je suis trop petit pour comprendre les jeux de l’amour et du hasard.
Ca me dit quelque chose cette phrase !
--« Tch’es plus fâchée ? »
J’attends sa réponse mais elle joue la mijaurée. Qu’est ça veut dire ce mot. C’est vrai y a des phrases, des mots, des expressions, même pas on connaît le sens. Interdit, unique ou giratoire, Dieu seul le sait mais on l’emploie instinctivement. Elle me fait la zbérota, quoi ! Ca, c’est un mot qu’il est plus explicite.
Je rajoute : « On remarche ensemble ? »
--« Bien sur ! » elle me répond en se collant un peu plus contre le champion du monde et des alentours des tombeurs. BABABA ! En majuscule, c’est encore meilleur.
Colette elle se contente pas de m’enfoncer ses tétés dans la poitrine, elle m’embrasse comme si je revenais de la guerre. Bou, Francette, si elle me voit ! J’ose non seulement pas regarder dans sa direction mais en plus je garde les yeux fermés pendant tout le baiser qui dure un siècle. J’ouvre plus les yeux de la soirée. Bon d’accord, tout à l’heure j’étais tellement niqué de la tête que j’ai eu la tentation d’envier les aveugles mais bardah, y faut être malade pour penser ce genre de chose.
Alors, je décide contre vents et marées d’affronter le regard de Francette. J’imagine qu’elle est en train de me fusiller du regard, de préparer la kalachnikov ou le rouleau à pâtisserie, de prier tous les vaudous d’Afrique de m’envoyer là où le bon dieu il a perdu ses savates même que c’est le diable qui les a cachées.
Total, que vois-je ? Ma Francette en train de jouer aux quatre coins avec un cucu la praline qui doit même pas savoir qu’une fille elle a des tétés. Quel obsédé des tétés, je suis ! En tous les cas, en cinq jours j’ai plus appris sur les filles qu’en presque quinze années de vie commune avec moi. Je sais surtout qu’elles ont une pierre à la place du cœur et que plus lunatique qu’une fille, tch’as beau chercher, jamais tu trouves.
Fermez la parenthèse !
Colette, comme si de rien n’était, elle m’aspire la langue, elle visite le palais de mes chimères (référence à Charles Aznavour que c’est mon chanteur préféré) pour voir si pendant sa bouderie j’ai pas perdu une dent, elle torture mes lèvres, enfin je m’adapte comme je peux !
--« On va faire un tour ? » je lui propose.
Son visage, une espèce de huitième merveille du monde quand elle est méchénaf, y s’éclaire d’un sourire alors j’vous dis pas comment elle est belle !On descend à la plage de Franco à Pointe Pescade sous une pluie qu’elle commence à s’épuiser. Tellement j’ai confiance dans la météo de chez nous que je prends pas mon ciré qui ferait ventouse avec celui de Colette pareil qu’avec Francette. Et c’est là que je m’aperçois que Colette elle sait mettre les yeux. Juste au moment où elle me reproche de pas avoir pris un vêtement de pluie, l’averse elle se déchaîne. Purée si j’avais su j’aurais mis le ciré et le 5 dans les yeux de ma petite chinoise.
Heureusement, sur toutes les plages de la côte algéroise, (et oui, y a pas de plage ailleurs que sur la côte. Même des fois qu’une plage elle aurait envie d’aller voir ailleurs si j’y suis, obligé elle est au bord de la mer. Tout y faut vous dire alors !)
Donc, sur toute la côte, il y a des hangars à bateaux. Ca nous arrange bien. Une barque retournée, elle se tape une sieste carabinée sur des tréteaux de bois. Colette elle me prend par la main et elle m’entraîne sous cet abri de fortune. On reste comme ça coincés par la pluie qui nous chante une berceuse accompagnée par le ressac de la mer. La vérité, on se fait des choses coquines mais c’est rien à côté de la leçon de sciences naturelles que Francette elle m’a donnée.
Colette, une fois remise de ses émotions amoureuses, quand la limite autorisée par notre age elle est atteinte, elle redevient la petite enfant sage du début de notre rencontre. Mais quand même avec la gravité d’une grande personne qui donne à sa voix une certaine ressemblance avec celle de Marie-José Nat dans « La vérité ».
--« Tu vois quand on sera vieux, on se souviendra de ces baisers sous la pastéra de la plage de Franco ! ».
Purée, quand on sera vieux. Ca veut dire qu’elle a le regard perçant d’une fille qui voit loin et qui voit avec des jumelles. Parce que comme ma mère, elle a pas fait un fils babao, je comprends que ma petite chinoise, elle pense pas encore au mariage mais elle a déjà réservé les dragées, la salle et le traiteur.
Quand la pluie elle redevient gouttelette, on décide de rentrer au cabanon sans oublier de jouer tous les cinq mètres de l’aspirateur dernier modèle dans chaque entrée de maison des fois que quelqu’un y nous mate.
Alors que je m’apprête à me dérober au regard de Francette, une autre chanson des Platters elle m’incite à inviter à nouveau Colette. Un moment de répit C’est tout qu’il me fallait. Colette, elle a pas réagi à ma déclaration d’amour déguisée. Pourtant, lui avouer que les autres filles « ça m’en touche une etc… » (la décence m’empêche de terminer cette phrase que tous les enfants d’Algérie y connaissent. Ceux qui comprennent pas, y m’écrivent, je leur tape l’expliquement.)
Ca a du lui faire plaisir quand même ou bien comme je le dis souvent, je suis trop petit pour comprendre les jeux de l’amour et du hasard.
Ca me dit quelque chose cette phrase !
--« Tch’es plus fâchée ? »
J’attends sa réponse mais elle joue la mijaurée. Qu’est ça veut dire ce mot. C’est vrai y a des phrases, des mots, des expressions, même pas on connaît le sens. Interdit, unique ou giratoire, Dieu seul le sait mais on l’emploie instinctivement. Elle me fait la zbérota, quoi ! Ca, c’est un mot qu’il est plus explicite.
Je rajoute : « On remarche ensemble ? »
--« Bien sur ! » elle me répond en se collant un peu plus contre le champion du monde et des alentours des tombeurs. BABABA ! En majuscule, c’est encore meilleur.
Colette elle se contente pas de m’enfoncer ses tétés dans la poitrine, elle m’embrasse comme si je revenais de la guerre. Bou, Francette, si elle me voit ! J’ose non seulement pas regarder dans sa direction mais en plus je garde les yeux fermés pendant tout le baiser qui dure un siècle. J’ouvre plus les yeux de la soirée. Bon d’accord, tout à l’heure j’étais tellement niqué de la tête que j’ai eu la tentation d’envier les aveugles mais bardah, y faut être malade pour penser ce genre de chose.
Alors, je décide contre vents et marées d’affronter le regard de Francette. J’imagine qu’elle est en train de me fusiller du regard, de préparer la kalachnikov ou le rouleau à pâtisserie, de prier tous les vaudous d’Afrique de m’envoyer là où le bon dieu il a perdu ses savates même que c’est le diable qui les a cachées.
Total, que vois-je ? Ma Francette en train de jouer aux quatre coins avec un cucu la praline qui doit même pas savoir qu’une fille elle a des tétés. Quel obsédé des tétés, je suis ! En tous les cas, en cinq jours j’ai plus appris sur les filles qu’en presque quinze années de vie commune avec moi. Je sais surtout qu’elles ont une pierre à la place du cœur et que plus lunatique qu’une fille, tch’as beau chercher, jamais tu trouves.
Fermez la parenthèse !
Colette, comme si de rien n’était, elle m’aspire la langue, elle visite le palais de mes chimères (référence à Charles Aznavour que c’est mon chanteur préféré) pour voir si pendant sa bouderie j’ai pas perdu une dent, elle torture mes lèvres, enfin je m’adapte comme je peux !
--« On va faire un tour ? » je lui propose.
Son visage, une espèce de huitième merveille du monde quand elle est méchénaf, y s’éclaire d’un sourire alors j’vous dis pas comment elle est belle !On descend à la plage de Franco à Pointe Pescade sous une pluie qu’elle commence à s’épuiser. Tellement j’ai confiance dans la météo de chez nous que je prends pas mon ciré qui ferait ventouse avec celui de Colette pareil qu’avec Francette. Et c’est là que je m’aperçois que Colette elle sait mettre les yeux. Juste au moment où elle me reproche de pas avoir pris un vêtement de pluie, l’averse elle se déchaîne. Purée si j’avais su j’aurais mis le ciré et le 5 dans les yeux de ma petite chinoise.
Heureusement, sur toutes les plages de la côte algéroise, (et oui, y a pas de plage ailleurs que sur la côte. Même des fois qu’une plage elle aurait envie d’aller voir ailleurs si j’y suis, obligé elle est au bord de la mer. Tout y faut vous dire alors !)
Donc, sur toute la côte, il y a des hangars à bateaux. Ca nous arrange bien. Une barque retournée, elle se tape une sieste carabinée sur des tréteaux de bois. Colette elle me prend par la main et elle m’entraîne sous cet abri de fortune. On reste comme ça coincés par la pluie qui nous chante une berceuse accompagnée par le ressac de la mer. La vérité, on se fait des choses coquines mais c’est rien à côté de la leçon de sciences naturelles que Francette elle m’a donnée.
Colette, une fois remise de ses émotions amoureuses, quand la limite autorisée par notre age elle est atteinte, elle redevient la petite enfant sage du début de notre rencontre. Mais quand même avec la gravité d’une grande personne qui donne à sa voix une certaine ressemblance avec celle de Marie-José Nat dans « La vérité ».
--« Tu vois quand on sera vieux, on se souviendra de ces baisers sous la pastéra de la plage de Franco ! ».
Purée, quand on sera vieux. Ca veut dire qu’elle a le regard perçant d’une fille qui voit loin et qui voit avec des jumelles. Parce que comme ma mère, elle a pas fait un fils babao, je comprends que ma petite chinoise, elle pense pas encore au mariage mais elle a déjà réservé les dragées, la salle et le traiteur.
Quand la pluie elle redevient gouttelette, on décide de rentrer au cabanon sans oublier de jouer tous les cinq mètres de l’aspirateur dernier modèle dans chaque entrée de maison des fois que quelqu’un y nous mate.