Allez, va ! Maintenant y faut que je retourne au cabanon. Ce petit voyage en solitude y m’a fait le plus grand bien. Il me faut traverser la place pour attendre le car et c’est là que je vois Francette qui vient vers moi sous un parapluie. Après le bonjour d’usage, elle me conduit dans son petit recoin pour me montrer ses tétés tout mouillés. Elle est folle cette fille. Sa fenêtre, elle se trouve juste en face l’endroit où elle m’a conté fleurette. La peur rétroactive que j’ai, j’vous dis pas. L’angoisse elle monte en moi comme un ascenseur. Si son père il avait vu le quart de ce qui s’est passé, l’hôpital de Mustapha il aurait accueilli le plus grand blessé de la décennie. Francette elle me protège avec son parapluie comme si j’étais le marquis de Caguéraspaki, orthographe non garantie mais que ma mère, sara-sara elle nous affublait de ce nom quand on se prenait pour un autre. Comme y dit Fernandel dans un film :
« pour celui qui veut péter plus haut que son c… ».
« pour celui qui veut péter plus haut que son c… ».
J’en suis encore à me demander comment Francette elle m’a reconnu, affublé comme je suis, style Charles Vanel dans « Pêcheurs d’Islande ». Mais comme on dit que l’amour il est aveugle…..
Toute essoufflée, elle arrive. Normalement, une fille normale (je sais la répétition ! Mais c’est pour insister sur l’anormalité de cette fille) elle reprend son souffle. Francette, ni une ni deux ni quatorze, elle me saute au cou et elle m’avale la langue. Une vraie cannibale ! Après, zarmah, elle me montre comment son cœur y bat vite. Elle me prend la main et elle me la plaque contre son tété gauche. Ca y est, elle me prend pour un docteur. C’est ma mère qui va être contente. « Mon fils, il est docteur. Bébésso, mon fils ! Je savais qu’il allait devenir quelqu’un, Dieu bénisse ! » Le docteur ès-tété que je suis devenu, y tate un maximum. Francette, elle me fait comprendre qu’elle connaît un endroit plusse mieux pour approfondir la visite médicale.
--« Je connais un endroit à l’abri de la pluie et des regards » elle me glisse malicieusement à l’oreille. Moi, rien que je la suis comme un toutou. Elle pourrait éditer un guide des coins des amoureux de la corniche tellement elle a dû les repérer pace qu’elle me fait descendre, et descendre, et descendre jusqu’au tunnel creusé dans la roche qui servait jadis aux tramways, de la gare de Bab El Oued à la Pointe Pescade.
Purée, à tous les coups, elle va me faire ma fête. Elle se colle à moi tellement que nos cirés y font ventouse, à peine si on arrive à les décoller. Allez, va mieux on les enlève.
--« Tu m’aimes ? ». Ca y est, elle est folle ! Alors maint’nant dès qu’on touche un tété, y faut se marier. Rien je réponds. Comme si je suis laouère des oreilles. Ou truch !
La gobia de Francette, j’ai un mal de chien à l’endiguer. Reusement que je suis appuyé contre le mur ou sinon je tombe à la renverse tellement elle veut me passer à travers.
Moi, le petit saint, obligé à force, à force, j’oublie la pluie, le froid, l’A.S.S.E, le Gallia, les beignets italiens, Luc le coulo, d’Artagnan, Godefroy de Bouillon, la terre entière.
« Tch’as déjà…….avec une fille ? » . Putain, la question !
Pire que la mort ! Qué je lui réponds ? Et puis d’abord de quoi j’me mêle ? Je lui demande, moi, si sa mère elle met des févettes dans son boktof ?
Purée. Je pourrais lui dire que j’ai donné le compte à un millier de filles mais si elle me demande, même pas je sais comment on fait. La honte ! Je peux quand même pas me sauver comme une gamate. Et en plus sous la pluie, tout mouillé, j’aurais l’air fin. Aouah ! J’aurais dû accompagner mon ami Serror lors de ses escapades au Chabanais.
Je vais m’engager dans la légion si ça continue. Francette elle va répéter à tout Bab El Oued que j’me suis dégonflé. Bou ! Comment je fais ! Ch’uis mortifié !
Qu’est ce qui m’a pris de venir ici, aujourd’hui ? Le bon Dieu, il a repris la main. Hier le diable il a gagné la première manche. Aujourd’hui, le bon dieu y prend sa revanche. A quand la belle ? Francette, qu’elle est belle elle aussi, j’peux plus la voir en peinture. Au secours tous mes amis. Venez me sauver. Kidnappez Francette ou envoyez la chez Dache, là où le Bon Dieu (tiens encore lui) il a perdu ses savates. Y ferait mieux de les retrouver. Tout y laisse traîner et y se permet de donner des conseils aux autres ! Le diable, lui au moins, y dit « fais ce que tu veux, mon fils ! » Et en plus il a pas de savates. Il a de belles chaussures qu’il a volées chez Marco le chausseur de l’avenue de la Bouzaréah. Purée ! Ca va mal finir, cette histoire ! Cette Francette elle me tape sur le système !
Tout ça à cause de Colette. Ces filles dé, je commence bien ma vie moi, hein ! Purée si j’étais catholique, j’embrasse la carrière de curé. Comme ça, les femmes, je les rencontre à confesse, et seulement à confesse. Purée, même là, je parle de fesses !
Bon, je vais pas passer une heure avant de lui répondre. Je risque un « non » inaudible pour le commun des mortels. A voir sa mine, j’en conclue qu’elle s’est bien débouchée les oreilles ce matin. Elle recule de deux pas. Elle me toise l’air effrayé comme si j’ai le choléra. Et puis l’étonnement y prend le pas sur la stupeur. J’ai la désagréable impression d’être une robe dans une vitrine et Francette la cliente. Va-t-elle m’acheter ou choisir autre chose ? Son regard y change soudain et elle opte pour un : « Si tu veux, je veux ! » Bam ! Fermez la parenthèse.
Je sais pas si je meurs tout de suite ou tout à l’heure. Comment tu veux respirer après avoir entendu ce genre de proposition indécente. Surtout quand on s’habille encore en cuissette à manches courtes, qu’on mange des caramels mous et qu’on préfère les films de cow boys aux films d’amour. Quand on a pas encore quatorze ans et que la dévergondée qui profère de pareilles avances quelques jours de plus. La vérité, je suis pas plus heureux avec mon sac de billes, mes tchapp’s et mes noyaux ! Comme y dit Serror qui passe sa vie au Chabanais, l’un des bordels d’Alger : « de toutes façons y faut en passer par là ! Alors plus tôt tu le fais et plus vite tch’es débarrassé ! »
Ouais ! Seulement tellement il a aimé ça, qu’y passe son temps à faire ami-ami avec les demoiselles de charité. Charité, tu parles ! Rien qui tape les heures supplémentaires pour payer la visite des autres maisons closes de la ville.
A SUIVRE....................
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