mercredi 12 octobre 2011

SQUARE GUILLEMIN -25 -de Hubert Zakine

UNE COULEUR UN OUVRAGE
--Achno ! Vous allez à un enterrement ?
--Madame Bentolila elle s’est suicidée !
--Suicidée ?
--Ouais, au gaz !
--Elle est morte ? 
--Et bien sûr !
--Encore la maison des morts !
--La maison de la malédiction ? Ouais !
On va dans la rue Thuillier. Le quartier il est en pleine effervescence. Tout le monde au balcon, le boulanger sur le pas de la porte y répond à tout le monde comme s’il était le commissaire Maigret. Le fils de la défunte, il est déjà parti avec sa tante. Ce petit, jamais y descendait. Il était polio quelque chose. Toute la journée, chacune elle y va  de son commentaire. Les mauvaises langues surtout. Elle était célibataire avec un enfant. Si c’est pas malheureux. Le bon dieu il l’a punie, j’en passe et des meilleures. Ma mère, elle plaint son fils, le pauvre parce qu’elle, elle a fini de souffrir. Nicole, elle est toute retournée. Elle me glisse à l’oreille qu’elle remonte chez son oncle. Elle me fait un dernier sourire et elle tourne la rue Lestienne.
La rue Thuillier, elle est tellement habituée à voir la mort de près que le mauvais œil y dure pas longtemps. La vie elle reprend des couleurs et le jardin, noir de monde, il a déjà oublié le drame du matin. Nicole et moi, on a rien oublié de notre balade matinale et on se promet de renouveler l’opération avant la rentrée des classes.
La rue Thuillier, en une semaine, elle a été confrontée à deux événements  malheureux. La maison des morts endeuillée et le départ au service militaire du petit Nadal que total y s’appelle Rigal. Ma mère, elle veut rien savoir, j’ai beau  rectifier le tir, elle persiste et signe. Alors, comme je suis un bon fils, va pour Nadal. Dans le quartier, un petit chien qui répond au joli nom de Beaumignon, il appartient à tout le monde. Qui le nourrit, le caresse, le dresse et surtout l’aime bien. Ce chien, y sort jamais du quartier. La rue Thuillier et le jardin Guillemin, c’est tout son territoire. Jamais y va au delà. Tous les jeunes, on accompagne Rigal jusqu’au taxi. Même Beaumignon il est de la fête et à notre grande stupéfaction,  y se met pas à  courir après le taxi en sortant de son no man’s land ? (chof, l’anglais à Bab El Oued!) Y va comme ça jusqu’au marché Nelson et en désespoir de cause, y revient vers nous, la queue entre les pattes. Ce chien si y pouvait parler, il aurait juré : Tain d’sa race !
Souvent, Beaumignon y dormait dans un local rue Thuillier. Un jour, dans la cave de cet entrepôt, on a trouvé un stock américain de la guerre 39-45 comprenant des casques, des besaces, des couteaux, des gourdes, des gilets molletonnés, de quoi faire une guerre de cent ans contre les autres quartiers et surtout contre les arabes de la rampe Vallée qui nous bombardaient de cailloux du haut des escaliers du boulevard Guillemin sans qu’on puisse les attraper.
Ca nous a donné des ailes et chacun équipé de son casque, on est monté à l’assaut de la rampe Vallée. Les casques bien enfoncés sur nos têtes de babaos, en rangs bien serrés les uns contre les autres, aya zoumbo, on est monté à l’assaut de la rampe Vallée. Les cailloux y rebondissaient contre les casques américains de la dernière guerre et c’est comme ça, qu’on a repoussé nos adversaires jusqu’à la rue Marengo. La guerre de cent ans elle a duré dix minutes parce que plus jamais, on a entendu parler de la rampe Vallée. Qui c’est les plus forts !
 *****
A SUIVRE.......

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire