samedi 12 décembre 2009

IL ETAIT UNE FOIS BAB EL OUED - 4 -


CHAPITRE DEUXIEME
ACTIVITES INTELLECTUELLES
L’ENSEIGNEMENT


Avant la conquête existe à l’ombre de maisons mauresques un enseignement d’obédience religieuse dans ce pays d’Orient où la laïcité est inconnue. Des écoles coraniques jalonnent l’existence des enfants de l’Islam et les médersas
apprennent aux plus doués les mathématiques, la théologie et les sciences naturelles.
Les juifs, nombreux dans la Régence d’Alger, versent une dîme pour droit de vie par l’intermédiaire de ses notables qui élisent trois Chefs de la Nation Israélite chargés de la communauté. Parmi leurs prérogatives, l’enseignement représente l’un des principes fondamentaux de la survie de ce peuple voué aux turpitudes des puissants. L’école hébraïque remplit deux fonctions : la culture religieuse et le savoir universel. Les fils des notables traversent la Méditerranée pour parfaire leur instruction et il n’est pas rare de voir alentour du pouvoir, des juifs interprètes parlant six ou sept langues, des savants de la finance devenir banquiers de la régence, des médecins appelés au secours d’une science ottomane dépassée, des négociants accaparer le rôle d’éminence grise du Dey.
En 1831, la France s’attache, par l’intermédiaire de l’intendant général GENTY DE BUSSY, à l’éducation des fils d’étrangers, des masses musulmanes et israélites. On commence par la petite jeunesse qui suit les cours dispensés par des instructeurs nommés par l’autorité militaire. Si les Européens, soucieux de faire de leurs enfants des français avec tout ce que cela suppose de bienfait, encouragent le projet, il en est tout autrement des indigènes. Leur enseignement, coranique pour les uns, hébraïque pour les autres, convient parfaitement à la mentalité recroquevillée du pays. Attentistes par nature, les Arabes restent circonspects sur la présence française. Quant aux juifs, ils désirent, tout en servant les nouveaux maîtres qui jouent en la circonstance le rôle de libérateurs, conserver les enfants dans le giron de leur communauté de peur que se dilue leur judéité dans le savoir français. Mandatés par la responsabilité de leur position sociale envers leurs coreligionnaires, les notables juifs et arabes donnent, alors, l’exemple en envoyant leurs garçons à l’école de GENTY DE BUSSY pour que se décrispe la situation.
Les écoles élémentaires enregistrent de très nombreuses inscriptions de fils d’étrangers, italiens, maltais, espagnols. Le succès s’affiche alors clairement. Bab El Oued qui n’est encore qu’un conglomérat de baraquements logeant les ouvriers de la Cantère voit s’ouvrir deux écoles situées rue de la Marine et rue Bab El Oued.
Ce n’est que le 27 Mai 1833 que le Baron VOIROL autorise l’enseignement secondaire. Une école libre sous la direction du bachelier GALTIER ouvre ses portes dans une modeste maison de la rue Socgémah. En octobre de la même année, la rue du Sagittaire accueille d’autres élèves. En 1835, une maison mauresque de la rue des Trois Couleurs devient collège. Après sa visite en avril 1837, le Gouverneur DAMREMONT estimant la vétusté du lieu, attribue à l’enseignement secondaire l’ancienne caserne des janissaires située à l’entrée de la rue Bab Azoun.
Intervient ensuite un événement exceptionnel : l’Académie d’ALGER transforme le collège en lycée le 7 septembre 1848. Cet établissement, dénommé Lycée Bab Azoun ou Lycée d’Alger, puissant foyer de la culture française par l’enseignement délivré, par ses représentations théâtrales, par ses traditionnelles et chaleureuses remises des prix de toutes les écoles de la ville, demeure le seul lycée des trois provinces d’Algérie.


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Le préfet GERY constate lors de sa visite, le 5 février 1859, la vétusté du local malgré la réquisition de l’ancienne caserne d’artillerie MASSINISSA et la nécessité de la création d’un nouveau lycée afin d’accueillir les 465 élèves se décide au lendemain de cette inspection.
Le 10 décembre 1861, le chantier démarre sur la place de Bab El Oued tout à côté du jardin MARENGO. Les travaux dureront sept années et en octobre 1868, les élèves délaissent le lycée Bab Azoun qui est livré à la démolition à la grande tristesse des anciens.
Le lycée BUGEAUD prend la relève et au mois d’août 1879, l’établissement fête l’un de ses élèves, Georges MARTIN qui remporte le concours général des lycées de France.
La liste des célébrités ayant usé leurs culottes sur les bancs de ce lycée, devenu le symbole de l’enseignement secondaire d’Alger, serait trop longue à énumérer mais Albert CAMUS demeure l’étudiant le plus renommé et pour terminer par une pirouette, n’oublions pas le plus célèbre travesti du monde : COCCINELLE.


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Les écoles communales de la rue ROCHAMBEAU accueillent les enfants de NELSON, GUILLEMIN, d’une partie de l’avenue de la Bouzaréah et de la fraction des Messageries que refusent les écoles Sigwalt et Dijon. Construit au début du siècle, le bâtiment de style austère mais en pierre de taille extraite de la carrière JAUBERT ressemble à la caserne PELISSIER. Ses trois entrées identiques desservent la maternelle, l’école de filles et celle des garçons. Pour accéder à chacun des préaux couverts, un escalier mène à trois grandes cours intérieures bordées de parterres de glycines dont les rebords servent de marchepied aux garçons pour draguer les filles par delà le mur de séparation des écoles. La belle Madame DAHAN directrice de la maternelle qui attirait tous les regards, la sévère mademoiselle PEREZ et son cache-nez, Mr SAPINA et sa note « PLUS-QUE-PARFAIT » qui comble petits et grands, Mme CASTELLANI et son énorme règle qui fracasse l’extrémité des doigts repliés sur eux-mêmes des élèves indisciplinés, Mr RUIZ qui drague toute la gent féminine, Mr VITTORI qui terrorise les enfants sous son Borsalino, Mr AÏACHE dont la gentillesse lui vaut le surnom de « PAPA AÏACHE », Mr LUCAS et sa balle de tennis qu’il catapulte sur les bavards, les séances récréatives au « Mon Ciné » ou au « Marignan » et les célèbres « chiens savants » qui régalent l’enfance par des tours qui passeraient inaperçus de nos jours, les photographes « à l’ancienne » auprès desquels il faut garder la pose une minute, la remise des prix, fête foraine miniature, ses boites cabossées, sa pêche miraculeuse et surtout l’école des filles qui se mêle à celle des garçons, tous unis dans la mémoire des enfants du quartier bien au delà de l’exode.


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Aux Messageries, l’école SIGWALT est un bâtiment provisoire qui dure depuis 1942. Réservées aux classes enfantines, la petite cour est précédée par un grand espace où les grands s’adonnent à des « jeux de brutes » fortement réprimandés par les maîtres de service. Les deux cours s’ignorent superbement et si un grand s’égare en territoire interdit, il est vertement prié de regagner son domaine. Les élèves du quartier sont associés aux enfants de la Consolation et de l’avenue Malakoff dans cette école trop petite pour accueillir en son sein tous les garnements des environs. Rue de Dijon, l’école de filles répercute les leçons récitées par les petites filles sages à la blouse bien propre et au ruban rose dans les cheveux. Disciplinées et consciencieuses, elles offrent une image studieuse et volontaire de ce quartier où les garçons éparpillent leur attention sur d’autres terrains que celui du savoir dispensé par l’école de France. Et en particulier sur ceux qui demandent un ballon pour assouvir le besoin de dépenser une énergie sans limite. Il n’est pas rare d’entendre dans la rue de Dijon, mêlées aux effluves d’anis des distilleries voisines, prières et chansons enfantines échappées de la synagogue et de l’école des filles alors qu’au loin, la voix de Claudio VILLA caresse l’imagination des femmes du quartier.

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Le groupe scolaire LAZERGES qui longe la pointe de SIDI EL KETTANI et borde l’esplanade NELSON où se dressaient jadis un chenil et des écuries, jouit d’une flatteuse réputation. Avec ses écoles maternelle, primaire filles, primaire garçons et son lycée qui dispense aux seules jeunes filles un enseignement menant jusqu’à H.E.C., il marque de son empreinte toutes les élèves privilégiées du cycle secondaire. Portant blouse bleue, respectant une discipline imposée par sa directrice madame BONNET parfaitement secondée par mesdames AÏACH, VIDAL, SINTES, FABIANI et beaucoup d’autres, la jeune fille n’a d’autre alternative que de réussir ses études car la sélection y est impitoyable. Ecole du savoir, le groupe Lazerges demeure dans l’esprit de ses anciens élèves l’école de la vie.

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Les écoles de la rue Franklin, au cœur de Bab El Oued, ne payent pas de mine mais le franchissement du porche de la maternelle ou d’une des deux primaires inverse irrémédiablement le jugement. Sous la direction de Mr POLITO, les trois étages qui desservent les nombreuses classes ne suffisent pas à recevoir le démographie galopante d’après-guerre. La construction du groupe Condorcet en 1956 allège l’établissement. En 1962, Le deuxième étage sera détruit par un incendie que certains prêteront à l’OAS.

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Le groupe scolaire de la Place LELIEVRE, « l’université de Bab El Oued » dixit monsieur BENSIMON, l’un de ses instituteurs, avec son horloge qui cadence la vie du quartier en sonnant chaque heure, l’enseignement primaire au rez de chaussée qui mène tout droit au septième ciel représenté par le second étage où se dispense l’enseignement secondaire.

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La rue Léon ROCHES possède deux célébrités en son sein, l’église Saint-Louis de construction récente et son groupe scolaire dirigé, entre autres, par Monsieur BENHAÏM.

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Le groupe scolaire de la rue de Normandie et ses deux platanes, parasols géants qui protègent maîtres et élèves les jours de grande chaleur, encourage les enfants de la « cité » à franchir l’obstacle de l’école primaire .

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L’école de la rue Camille DOULS accompagne les enfants de la Basséta, du cours préparatoire à la 5ème avant de les diriger vers le cours complémentaire CONDORCET, le collège GUILLEMIN ou le lycée BUGEAUD sous les directions de Messieurs MASSET et GILLES.

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La situation exceptionnelle du Collège GUILLEMIN à l’orée de la Casbah, dominant une superbe cascade verdoyante glissant voluptueusement vers l’azur noyé de Méditerranée, excite la convoitise des élèves admis au cycle secondaire, par examen de sixième réussi .

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La création, en 1956, de l’école CONDORCET désengorge les autres établissements de Bab El Oued. A l’enseignement primaire de la première année s’adjoint le Cours Complémentaire qui dispense, au deuxième étage, un enseignement secondaire de la 6 ème à la 3 ème avec au palier supérieur, une classe de comptabilité. Un amphithéâtre ultra moderne pour les matières scientifiques et un mini-stade en guise de terrasse complètent l’harmonie de cet établissement.
Des professeurs multi-disciplines comme Monsieur MESNER
(mathématiques-physique-chimie) ou Monsieur BELLAÏCHE (français-histoire-géographie) adepte de méthodes répressives d’un autre âge comme la fessée administrée à l’aide d’une grosse règle qui déclenche simagrées de la part du « puni » et franche rigolade des autres élèves.

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Construit selon le même schéma et à la même époque, le groupe scolaire de la rue de Dijon remplace l’école de filles de la rue des Lavandières avec son enseignements primaire et secondaire, le Cours Complémentaire de madame ARNAUD. Cette directrice originaire du département de la Loire conjugue toutes les imperfections de la nature. Bossue, petite, claudicante de la hanche gauche, et loucheuse, ( par courtoisie je n’emploie pas le terme Bab El ouédien de bichelaouère) elle en impose par son érudition, sa mise vestimentaire impeccable, parfaitement maquillée et parfumée. Tenant tout son petit monde grâce à une poigne de fer, elle laissera un grand souvenir à toutes les jeunes filles qui passèrent par sa classe et son école.

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C’est en 1947 que s’installe à Bab El Oued rue Léon ROCHES, une école professionnelle juive, l’O.R.T. premier centre d’apprentissage réservé aux enfants de la communauté. Les garçons y apprennent l’électricité, la mécanique et la comptabilité, les filles le secrétariat et la couture.
Malgré la crainte de certains membres israélites influents de voir la communauté faire œuvre de particularisme en créant une école typiquement juive au sein d’un enseignement laïc pouvant provoquer réactions et récriminations, d’autres établissements s’installeront à Oran et Constantine, prouvant s’il en était besoin l’entente cordiale des différentes composantes de l’Algérie.

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La petite école de la rue LARREY à la Consolation, sans doute la plus récente de Bab El Oued, dispense enfin les garçons d’un fastidieux aller-retour journalier Consolation-Messageries pour se rendre à l’école à Sigwalt.

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N’oublions la petite école de la rue Suffren, toute en rondeur, de Madame DAHAN directrice qui est restée chère au cœur de tous « ses » enfants de Léon Roches, Franklin, Rochambeau et Suffren où elle enseigna.

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A une époque où les distances sont réduites à leur plus simple expression entre la maison et le travail, les « futurs bacheliers » bénissent l’académie d’Alger de mettre à leur disposition toute une palette d’établissements, de la maternelle au lycée, minimisant de la sorte, les contraintes inhérentes à une poursuite sereine des études. Car en ce pays et en ce faubourg, le parcours scolaire ressemble à un tour de France cycliste abandonnant à chaque étape son lot de retardataires. Ni surdoué ni cancre, l’enfant de Bab El Oued, tout en reconnaissant les mérites de l’enseignement, préfère consacrer son temps à d’autres disciplines où le football, les filles et le cinéma jouent un grand rôle. « Taper cao
», contraction de « faire manca oura », devient une véritable institution tout en caractérisant l’enfant qui ose, ainsi faire l’école buissonnière. Tout élève qui ne passe pas cette épreuve obligée apparaît aux yeux des autres camarades comme une « tapette », un « falso », une « gamate », un « mort de trouille ». A l’opposé, celui qui brave l’interdit se voit décerné le titre envié de « mac ». Son avis sera toujours perçu avec une certaine condescendance et son statut au sein de l’école et de la « rue » s’écrit dorénavant en lettres majuscules.

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L’amour du métier d’instituteurs consciencieux accompagne la sévérité de leur enseignement qui prolonge les lois énoncées au sein des familles. La confiance des parents envers les détenteurs du savoir se vérifie au respect de leur jugement qui ne souffre aucune discussion. Jamais le désaveu d’une punition ne vient entamer l’autorité du Maître. Car nul n’ignore ici qu’il s’oblige à prolonger ses heures de présence à l’école ou à venir y passer son jeudi en consignant l’élève. Au contraire, il n’est pas rare de voir un père parachever la consigne par un châtiment corporel ou une privation de sortie.
Les anciennes générations du faubourg ne maîtrisent qu’approximativement l’enseignement dispensé dans les écoles du savoir de France. Aussi se privent-elles du plaisir de suivre les études de leurs enfants. Par contre, elles se pâment devant une démonstration arithmétique de leur rejeton qui en rajoute bien volontiers en la circonstance. Quoi de plus jouissif, en effet, d’étaler des connaissances ignorées d’autrui! Admirative, la maman fait, alors, partager sa fierté par tout le quartier à force de louanges répétées à l’envi. Un prix glané en fin d’année par un enfant entraîne une frénésie maternelle à la limite du raisonnable. Car la raison du cœur demeure le credo des femmes de ce faubourg où l’on claironne ce que d’autres chuchotent. Les distributions des prix sont prétextes à de belles représentations théâtrales ou de fêtes enfantines costumées suivies par des spectatrices en larmes ou en pâmoison devant le « talent d’artiste» du petit dernier. Ces récompenses surviennent toujours à l’aube des grandes vacances d’été qui durent trois mois pleins, du premier juillet au premier octobre. Aussi, lors des dernières récréations, les élèves libérés d’une discipline contraignante se défoulent en entonnant le chant du départ en vacances :
« Gai-gai l’écolier, c’est demain les vacances
Gai-gai l’écolier, c’est demain je m’en vais.
A bas les analyses, les verbes et les dictées
Tout çà c’est d’la bêtise, allons nous amuser! »
A SUIVRE .........

2 commentaires:

  1. Bonjour,
    Je viens de voir votre blog, je fais une recherche pour de la famille qui me demande si vous avez connu peut-être Mme Simone-Julie Ben Daïan (ou Bou Daïan) mariée à Simon-René Hadjadj (prénom hébraïque Yehoshua) qui se seraient apparemment peut-être à la synagogue de Bab el Oued rue de Dijon en 1955 vu qu'ils habitaient dans le quartier. Simone-Julie avait également une soeur, Jacqueline.
    Par avance merci pour votre réponse !

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  2. vraiment désolé. je ne connais absolument pas des ben danan ou ben daïan ni du reste ben dayan.

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