extrait de AU RENDEZ VOUS DES ALGEROIS. de Hubert Zakine.
INSOUCIANCE A JAMAIS DISPARUE
Comme tous les matins, le rendez-vous des Algérois était l'endroit où chacun retrouvait des racines avant de se rendre à son travail. Paulo et Jacky n'échappaient pas à la règle qui voulait qu'au plaisir de boire un café, s'ajoutait celui d'avaler un bon petit bol de jouvence.
Le besoin de gesticuler, d'élever la voix pour se faire entendre, de rire à gorge déployée, de taper la belote s'arrangeaient de la complicité dont le rendez vous des Algérois avait fait son premier argument pour s'imposer auprès des enfants d'outre méditerranée. Tout au long de la matinée se succédaient les lève-tôt, les couche-tard, les retraités, les chômeurs qui ne trouvaient pas chaussure à leur pied, les insatisfaits qui bénéficiaient de la mansuétude des médecins, les commerçants qui venaient se ressourcer entre deux clients, enfin les impénitents joueurs de belote qui s'enfermaient dans le souvenir et s'imaginaient toujours à Alger.
Richard s'ennuyait ferme. Il partageait son temps entre le salon de Roland, le rendez-vous des Algérois, l'atelier de la rue d'Hauteville et le cercle de jeux. Il préférait exercer ses talents au cercle de jeux de l'Opéra où il avait séduit une femme sans âge qui lui assurait un standing à la mesure de ses ambitions. Au grand désespoir de Jacky, toujours droit dans ses bottes mais à la grande satisfaction de Victor, Roland et Paulo qui estimaient que la France lui devait bien ça!
Quand son esprit vagabondait vers la ville natale, il avait besoin d'un bon coup de pinceau pour repeindre en bleu son horizon de pluie. Alors, il déambulait sur les grands boulevards à l'espérance du hasard pour finalement atterrir au salon de Roland. C'était son ultime refuge. Il y trouvait l'ambiance des salons de là-bas où la coupe de cheveux n'était que le prétexte à l'amitié et à la franche rigolade. Les résultats de football y étaient décortiqués en long, en large et en travers mais surtout en chauvinisme exacerbé. Chaque fois qu'il poussait la porte du salon des Trois Horloges, la machine à remonter le temps franchissait l'antichambre de sa mémoire et le conduisait sur les chemins de son enfance. Heureusement, existaient ces forteresses d'autrefois pour les nostalgiques de l'Afrique du nord. Et l'amitié des premiers émois.
Il se rendit au rendez-vous fixé par la petite Sonia pour apprendre qu'elle avait adouci sa position et décidé de participer à la réunion de la dernière chance. Elle avait passé toute la nuit à se pencher sur ses rêves de belle au bois dormant que le discours désenchanté de Richard avait mis à mal.
--Je suis toute chamboulée et mes certitudes se sont évanouies . Tu as fais voler en éclats mes rêves d'adolescente et pour çà, je t'en veux énormément! Certes, tu m'as ouvert les yeux sur la réalité mais, après tout, je n'ai que vingt deux ans, j'ai le temps de rencontrer l'amour de toute une vie........ Aussi, je viendrais samedi soir pour en parler avec Victor.
--Je ne désirais rien de plus!
S'il en avait eu le courage de lui dire combien elle occupait ses pensées et comme il aurait aimé faire un bout de chemin avec elle et, pourquoi pas, lui confier son avenir.
Il avait tant attendu que l'amour lui fasse un signe pour s'arrimer à une autre étoile! L'écrivain en panne d'inspiration venait de trouver la muse qui l'inspirerait pour conjuguer l'histoire de sa vie au temps présent. Hélas, l'égérie avait déserté la rive du bonheur. Premier arrivé, premier servi dans cette course dont le vainqueur était son ami. Maigre consolation mais consolation tout de même.
Ils échangèrent des banalités mais au gré de la discussion s'établit une complicité basée sur leur origine commune. En d'autres circonstances, son penchant pour les jolies filles l'aurait amené à sortir le grand jeu de la séduction mais son amitié pour Victor l'en détourna. Il eût beaucoup de mal à quitter cette fille belle comme le jour qui ne montrait guère d'impatience mais son rendez-vous au salon des Trois Horloges l'obligea à écourter ce doux moment de grâce.
Pour la première fois depuis le départ de Suzy au pays du néant, son cœur s'était noyé dans le regard de velours d'une jolie brunette au sourire tentateur. Coup de foudre inutile pour un amour interdit. Après la tempête des mauvais jours, une éclaircie avait barbouillé de bleu la voûte céleste pour chasser les nuages au delà de l'horizon plombé. Il appréciait, à nouveau, le bonheur de naviguer en eaux calmes auprès d'une jolie passagère. Il redécouvrait, enfin, le bonheur de séduire pour autre chose que la bagatelle.
--Alors?
--Raconte-nous comment ça s'est passé!
--J'ai essayé mon charme à la Cary Grant mais aouah, il a fait tchouffa!
--Alors, elle vient pas samedi?
--Mais j'avais en réserve mon charme à la Robert Taylor, et il a marché au poil; Samedi, elle vient mais seulement si tu es bien sage et que tu me dises Merci!
--Va à Fancoule!
Richard répliqua en titillant Victor qui ne goûtait que modérément se faire taquiner de la sorte.
--Je trouve quand même que tu manques un chouïa de reconnaissance!.
Et l'amitié de l'enfance reprit la main.
INSOUCIANCE A JAMAIS DISPARUE
Comme tous les matins, le rendez-vous des Algérois était l'endroit où chacun retrouvait des racines avant de se rendre à son travail. Paulo et Jacky n'échappaient pas à la règle qui voulait qu'au plaisir de boire un café, s'ajoutait celui d'avaler un bon petit bol de jouvence.
Le besoin de gesticuler, d'élever la voix pour se faire entendre, de rire à gorge déployée, de taper la belote s'arrangeaient de la complicité dont le rendez vous des Algérois avait fait son premier argument pour s'imposer auprès des enfants d'outre méditerranée. Tout au long de la matinée se succédaient les lève-tôt, les couche-tard, les retraités, les chômeurs qui ne trouvaient pas chaussure à leur pied, les insatisfaits qui bénéficiaient de la mansuétude des médecins, les commerçants qui venaient se ressourcer entre deux clients, enfin les impénitents joueurs de belote qui s'enfermaient dans le souvenir et s'imaginaient toujours à Alger.
Richard s'ennuyait ferme. Il partageait son temps entre le salon de Roland, le rendez-vous des Algérois, l'atelier de la rue d'Hauteville et le cercle de jeux. Il préférait exercer ses talents au cercle de jeux de l'Opéra où il avait séduit une femme sans âge qui lui assurait un standing à la mesure de ses ambitions. Au grand désespoir de Jacky, toujours droit dans ses bottes mais à la grande satisfaction de Victor, Roland et Paulo qui estimaient que la France lui devait bien ça!
Quand son esprit vagabondait vers la ville natale, il avait besoin d'un bon coup de pinceau pour repeindre en bleu son horizon de pluie. Alors, il déambulait sur les grands boulevards à l'espérance du hasard pour finalement atterrir au salon de Roland. C'était son ultime refuge. Il y trouvait l'ambiance des salons de là-bas où la coupe de cheveux n'était que le prétexte à l'amitié et à la franche rigolade. Les résultats de football y étaient décortiqués en long, en large et en travers mais surtout en chauvinisme exacerbé. Chaque fois qu'il poussait la porte du salon des Trois Horloges, la machine à remonter le temps franchissait l'antichambre de sa mémoire et le conduisait sur les chemins de son enfance. Heureusement, existaient ces forteresses d'autrefois pour les nostalgiques de l'Afrique du nord. Et l'amitié des premiers émois.
Il se rendit au rendez-vous fixé par la petite Sonia pour apprendre qu'elle avait adouci sa position et décidé de participer à la réunion de la dernière chance. Elle avait passé toute la nuit à se pencher sur ses rêves de belle au bois dormant que le discours désenchanté de Richard avait mis à mal.
--Je suis toute chamboulée et mes certitudes se sont évanouies . Tu as fais voler en éclats mes rêves d'adolescente et pour çà, je t'en veux énormément! Certes, tu m'as ouvert les yeux sur la réalité mais, après tout, je n'ai que vingt deux ans, j'ai le temps de rencontrer l'amour de toute une vie........ Aussi, je viendrais samedi soir pour en parler avec Victor.
--Je ne désirais rien de plus!
S'il en avait eu le courage de lui dire combien elle occupait ses pensées et comme il aurait aimé faire un bout de chemin avec elle et, pourquoi pas, lui confier son avenir.
Il avait tant attendu que l'amour lui fasse un signe pour s'arrimer à une autre étoile! L'écrivain en panne d'inspiration venait de trouver la muse qui l'inspirerait pour conjuguer l'histoire de sa vie au temps présent. Hélas, l'égérie avait déserté la rive du bonheur. Premier arrivé, premier servi dans cette course dont le vainqueur était son ami. Maigre consolation mais consolation tout de même.
Ils échangèrent des banalités mais au gré de la discussion s'établit une complicité basée sur leur origine commune. En d'autres circonstances, son penchant pour les jolies filles l'aurait amené à sortir le grand jeu de la séduction mais son amitié pour Victor l'en détourna. Il eût beaucoup de mal à quitter cette fille belle comme le jour qui ne montrait guère d'impatience mais son rendez-vous au salon des Trois Horloges l'obligea à écourter ce doux moment de grâce.
Pour la première fois depuis le départ de Suzy au pays du néant, son cœur s'était noyé dans le regard de velours d'une jolie brunette au sourire tentateur. Coup de foudre inutile pour un amour interdit. Après la tempête des mauvais jours, une éclaircie avait barbouillé de bleu la voûte céleste pour chasser les nuages au delà de l'horizon plombé. Il appréciait, à nouveau, le bonheur de naviguer en eaux calmes auprès d'une jolie passagère. Il redécouvrait, enfin, le bonheur de séduire pour autre chose que la bagatelle.
--Alors?
--Raconte-nous comment ça s'est passé!
--J'ai essayé mon charme à la Cary Grant mais aouah, il a fait tchouffa!
--Alors, elle vient pas samedi?
--Mais j'avais en réserve mon charme à la Robert Taylor, et il a marché au poil; Samedi, elle vient mais seulement si tu es bien sage et que tu me dises Merci!
--Va à Fancoule!
Richard répliqua en titillant Victor qui ne goûtait que modérément se faire taquiner de la sorte.
--Je trouve quand même que tu manques un chouïa de reconnaissance!.
Et l'amitié de l'enfance reprit la main.
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