Le film il est fini, le monde
y se presse pour sortir, Elisabeth elle nous dit tchao et nous voilà tous les
deux à savoir qu’on va aller frotter au maximum.
--Où on va ? Je questionne innocemment.
--J’ai la clé de la terrasse de ma tante, rue Borély
la Sapie.
--Et ta tante ? Je suis mort de faim et mort de peur.
On monte en silence. Elle est
devant moi et même si je veux pas, son déhanchement y me donne le torticolis.
Purée, on dirait qu’elle a fait ça toute sa vie. Tain d’assurance. Moi, y a pas
une paille qui passe. Six étages à monter au ralenti, sans bruit mais pas sans
idée derrière la tête. De temps en temps, elle s’arrête, elle se retourne, elle
me sourit et elle monte l’étage suivant. Attends ta mère ! Total, je dis
ça mais si j’essaie de lui toucher les tétés et qu’elle me met une calbote,
j’me suicide mais si elle me laisse faire, ce sera comme si je décoche un titre
olympique.
Elle ouvre la porte de la buanderie, elle me toise comme si elle
attend le tram. Je m’approche. J’ai les guiboles qui se transforment en
guimauve. Oh, purée, elle se colle à moi. D’instinct, je me recule parce que
j’ai peur qu’elle s’aperçoive de mon émoi. (vous voyez c’que je veux dire).
Elle se colle comme si elle veut se rendre compte qu’elle me fait de l’effet.
Je me laisse aller et là, même pas je me pose des questions sur ma langue.
Purée, mes lèvres, ma bouche, ma langue, tout de suite, elles se les avalent. J’me
suis fait un putain de cinéma total, on dirait que j’ai embrassé des milliers
de filles. C’est facile…..et c’est bon encore que la coquine, à peine si
j’arrive à canaliser ses baisers. Allez, va, je vais tenter l’approche la plus
risquée, toucher un tété. Si je prends une baffe, je pourrais m’en prendre qu’à
moi-même mais qui tente rien n’a rien. Allez aya zoumbo…à la guerre
comme à la guerre et ce qui devait arriver, arriva ……..je touche et Julie
elle m’embrasse plus fort. Elle a sorti l’aspirateur et moi, je tâte, je
soupèse, je malaxe, je pense à Roland, y va mourir quand je vais lui
raconter. Elle est tellement contre moi
que j’me demande si elle m’a pas traversé. On frotte et quand je dis on, c’est
que Julie, elle donne pas sa part aux chiens, hein ! Elle est d’un sans
gêne. J’ai les mains pleines de tétés et elle cherche si mon p’tit oiseau y s’est pas envolé.
Quelle cochonne ! Si ma
mère elle me voit, illico presto, elle me met en pension.
Purée, c’est bon une
fille, la purée. Le reste je vous l’dis pas bien qu’elle a pas voulu aller au
fond des choses. Heureusement, parce que j’aurais pas su quoi faire. Y faut que
je fasse un séjour au bordel pour un cours d’anatomie sexuelle. Roland toujours
y veut aller dans la casbah où elle habite sa grand-mère. Dès que j’ai un peu
d’argent, j’y vais.
On redescend tout en sueur.
Tout mouillés et tout émoustillés. On se donne rendez-vous à Pado pour le
lendemain. Roland et les copains y m’attendent au jardin, la bave aux lèvres.
Attention, pas la bave pour se rincer l’œil, non la bave aux lèvres de colère
contre moi d’avoir laissé tomber Roland. A tous les coups, il a joué les deux
orphelines pour se faire plaindre. Purée, ce film, qu’est-ce qu’il a fait
pleurer les Algéroises, dé !
Les copains y me matent avec des poignards au fond des yeux. C’est
que, jamais, au grand jamais, je me suis mal comporté en amitié. Alors,
forcément y se posent des questions. Est-ce que je vais devenir un courant
d’air ? Est-ce que miss beaux-tétés elle va me rendre zombi ? Est-ce
que notre amitié elle est en danger ? Ho, ho, ho, les amis, vous déconnez
ou quoi ? C’est pas parce que j’aime les gros tétés que j’vais cracher sur
notre amitié ? Et c’est pas parce que j’aime les filles que j’aime plus mes amis ?
Ho, vous partez en barigoule ou quoi ?
Presque Roland y m’demande
pardon ! Avant que je raconte mon entrevue avec Julie dans la buanderie, parce qu’après, c’est
plus des yeux qu’il a mais des gyrophares. Et de la bave qui sort de partout.
Même des oreilles. Quant aux copains, à part Capo et Bébé, y jouent les
fanfarons. Zarmah, y z’en ont vu d’autres ou y m’croient pas. La vérité,
ça m’en touche une sans faire bouger l’autre. Moi, je sais ! Par contre,
j’suis sûr que Julie, elle va pas faire long feu auprès de moi. Elle est trop
dévergondée pour avoir un seul fiancé. En plus, pour le moment, y a pas trop de
concurrence vu qu’elle regarde même pas les autres garçons. Zarmah,
elle a d’yeux que pour moi. C’est beau de rêver, hein ! Julie, elle cache
bien son jeu. On pourrait croire que ses tétés, elle les réserve que pour moi.
Allez laissons de côté cette
histoire de tétés pour redevenir un déconneur de quatorze ans qui s’amuse de
tout et de rien ! Qui joue au foot dans la rue, à cinq-vingt-cinq, style le
casino du pauvre, au ping-foot, au flipper et à plein de jeux de mon âge
mais que je garde précieusement dans ma caboche.
C’est normal, non ! J’vais pas devenir m’chenaf à cause d’une
fille même si elle me plait. (m’chenaf, ça veut dire triste, mais
triste, rien que tu dis le mot que déjà les larmes elles coulent)
J’ai toute la vie devant moi
et tu crois que déjà, j’vais me faire du mauvais sang pour une fille ? Ne
dit-on pas (chof, le parler francaoui)
une de perdue, dix de retrouvées. Comme j’suis modeste, trois ça me
suffit ! Pourquoi dix et pas deux cents ?
J’adore ces après-midi quand
on a rien d’autre à faire qu’à se réunir au jardin et participer au brouhaha si
particulier de l’esplanade. Ah, oui, vous savez pas où commence l’esplanade et
où ça finit. Disons simplement que c’est chez moi.
Petite histoire de ce
quadrilatère où j’ai ouvert les yeux (chof,
l’érudition ).
Adossé à la mer, il part du lycée Bugeaud et bute
sur le boulevard Guillemin. On y reçoit
les embruns moutonneux du large et les
odeurs acres de la casbah. On y parle un pataouète plus châtié - comme il a dit
l’autre- où le marché Nelson résonne moins fort que les outrances du marché de
Bab El Oued. On y aime l’amitié de l’enfance et les études secondaires –BUGEAUD,
LAZERGES ET GUILLEMIN- On y trouve l’un
des plus grands cinémas d’Europe -MAJESTIC- le plus grand glacier -GROSOLI – La plage de
Bab El Oued – PADOVANI – et une piscine olympique où Heda Frost, Alain
Gotvallès, Jean Pascal Curtillet battirent nombre de records mondiaux.
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