samedi 12 mars 2016

ECRIRE POUR EXISTER ... dernier ouvrage que j'écris actuellement



Ecrire pour exister, exister à travers l’écriture, pour éloigner la solitude qui le guettait du coin de l’œil. Il lui avait suffi d’arrêter le temps pour qu’aussitôt s’imposent à lui les souvenirs d’un passé qui lui collait à la peau sans qu’il en soit véritablement conscient. Soudain, une boulimie d’écriture pour décrire son quartier s’empara de lui. Alger renaissait dans son imaginaire. Un nom de rue, une odeur de soubressade, une photo de la ville blanche et, soudain, s’agitaient sous sa plume les souvenirs d’une nostalgie enfouie dans sa mémoire.
Les journées lui paraissaient longues et inutiles avant que le virus de la page inviolée ne le surprenne. Sans crier gare, il avait envahi son horizon plombé et lui avait redonné des couleurs qui viraient au bleu selon son aptitude à retourner au pays du souvenir. Il écrivait selon son humeur et selon son inspiration. Il avait appris la solitude, il apprenait la patience.
Mais la photographie lui manquait terriblement. Aussi, il se fit fabriquer un petit support de poitrine et souvent, sur son fauteuil d’handicapé, il se postait sur la place du village afin de voler quelques instantanés de rue pour le simple bonheur de continuer à se servir de son Leica. Petit à petit, il parvint à remplir ses journées d’écriture et de photographie, bercé par les souvenirs et regrets de sa vie d’avant.
Il avait trouvé, grâce à Roland, un semblant d’équilibre moral qu’il savait illusoire. Ecrire sa jeunesse dans les rues de sa ville natale lui était d’un grand secours mais l’absence d’une compagne au cœur tendre manquait à son équilibre. Suzy avait fui. Elle n’avait pas apprécié le comportement de son ami qui avait privilégié son métier et surtout d’y avoir laissé sa santé. Elle avait eu l’aplomb de s’en expliquer avec Simon qui en resta bouche bée.
Il avait balbutié.
-- Un photographe, comme un médecin se doit à son métier. Je me devais de réagir en pro !
Depuis, il n’était plus en mesure de se défendre, aussi, il accepta la douloureuse révélation de la démission de sa belle en pensant que, le temps du traumatisme avalé, elle reviendrait à de meilleurs sentiments.
Après deux mois de solitude, la dérobade de Suzy fut confirmée. Ce fut un coup terrible. Ainsi va la vie. Sa belle n’avait eu ni le cran ni l’amour nécessaire pour partager la vie d’un handicapé.
Il pensa à la fatalité orientale de sa mère mais cela ne lui fut d’aucun secours. Le vieil adage une de perdue, dix de retrouvées, pas plus. Alors, en désespoir de cause, il fit le chemin à l’envers afin de coucher sur papier nostalgie sa mélancolie. Afin de retrouver le temps heureux de ses jeunes années, quand l’insouciance se maquillait de bleu et que s’offrait à sa jeune ambition un avenir de fête. Aussi, afin d’y puiser la source de son inspiration.
Il acheta un bouquin traitant de l’autobiographie de Jules Romains qui avait lancé un appel aux hommes de bonne volonté stigmatisant l’indifférence de la métropole sur le sort des français d’Algérie lors de leur rapatriement. Mais après quelques pages, il comprit qu’écrire une autobiographie n’était pas donnée à tout le monde. Ecrire Alger, parler de Bab El Oued, se souvenir de sa jeunesse nécessitait simplement de faire appel à sa mémoire. Non pas qu’il avait occulté son enfance algéroise, mais poussé par un métier qui demandait une réaction au quart de tour, il avait négligé le souvenir de ses années enfantines.
Il lui suffisait de faire des arrêts sur image pour voir défiler les réminiscences de jadis emmitouflées dans son jardin secret. Au fur et à mesure que se déroulait le film de sa jeunesse, il comprenait les raisons de cette mise en veilleuse de son passé algérois. Mise en veilleuse volontaire afin de tamiser le chagrin que lui avait occasionné le départ de sa terre natale et l’abandon du cimetière où repose son père.
--Et pourquoi tu t’escrimes à écrire deux bouquins alors que tu pourrais en écrire un seul qui réunirait ton enfance et ton métier de journaliste ? Questionnait Roland lorsque Simon semblait découragé d’entreprendre une carrière qui le désorientait.



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