jeudi 19 novembre 2015

Extrait de LE COIFFEUR DE BAB EL OUED de Hubert Zakine ( que j'écris actuellement. )

Extrait de LE COIFFEUR DE BAB EL OUED de bibi que j'écris actuellement.
Ce matin, devant le salon, on dirait une manifestation. Ça fourmille. Achno, les cheveux des clients y poussent la nuit. En premier, je fais passer ceux qui travaillent. Quant aux fainéants, y passeront après. Evidemment, les rouspéteurs y rouspèteront, les timides y maugréeront et les patients y liront patiemment Cinémonde ou le Hérisson quand c’est des vicieux. Sept clients pour commencer la journée, châ ! Purée, on dirait qu’ils ont tué leurs pères et leurs mères. Même pas y sourient ! La tête d’enterrement qu’ils se payent ! Voilà, un autre client qui arrive. Oh, putain, c’est Gérard Morali.
--Mon père, il est mort cette nuit.
Déjà que l’ambiance elle était karse au possible, une chape de plomb s’installe dans le salon.
--Ce soir, tu viendras pour la veillée ?
--Bien sûr !
Raïeb, le voilà soutien de famille. Ça nous rapprochera encore un peu plus. Orphelins tous les deux des meilleurs amis du monde qui s’étaient connus sur les bancs de l’école de la rue Socgémah. Ils s’étaient retrouvés adultes à Bab El Oued mais leur amitié, elle s’était renforcée lors de la grande guerre. Mobilisés tous deux en 40, prisonniers en février 42 puis évadés en civil fin 42 à travers les égouts parisiens, ils avaient traversé la méditerranée pour rentrer à Alger le 30 mars 1943. En Mai 46, la famille de Roger Morali emménagea rue Thuillier se rapprochant de mes parents. Mon père décéda en décembre 1947.
J’ai pas arrêté une seconde. Edith qui est passée me donner de mauvaises idées, même pas je l’ai calculée, raïben. Elle perd quand même rien pour attendre.
L’après-midi, les clients y me lâchent la grappe un chouïa. Oh, y faut bien que je reprenne des forces. Comme quand Rosa elle m'attrape et qu’ elle m’épuise jusqu’à plus soif. Pire qu’une sangsue. Purée, je pense que c’est pêché de l’envoyer se faire voir chez les grecs. Hé obligé ! Comment faire la cour à Edith et l’amour à Rosa. Dans le même immeuble, en plus !
Bouh ! Si le rabbin il l’apprend, il me tape une deuxième circoncision ! Faut que je fasse gaffe ou sinon tous les rabbins algérois, y me recherchent pour voir si j’ai pas un deuxième prépuce à leur confier. Les rabbins oranais, la vérité, je peux pas dire ! Je les connais pas.
Ce soir, j’abandonne Edith. Pour la bonne cause. Veiller un mort, c’est le rôle de la famille, des amis et des voisins. Même mon futur beau-père, en tant que voisin mais également en tant que rabbin. Faire une bonne action pour honorer le défunt. Le quaddiche a retenti en sourdine dans l’appartement endeuillé. J’ai embrassé Gérard et sa mère avant de partir bras dessus, bras dessous avec le rabbin. C’est bizarre comme le malheur y rapproche les gens ! Quoi que le bonheur aussi. Y a qu’à voir les fêtes du jardin Guillemin avec son radio-crochet, ses forains, son bal et sa fiesta qui envahit tout le quartier. En tous les cas, mon futur beau-père il a l’air de m’avoir adopté. Je dis bonsoir à Edith. J’oublie pas,au passage, de toucher un tété pour la nuit.
--A demain, mon amour ! J’entends des voix ou quoi ? Je veux bien être laouère mais quand même je suis pas truch. C’est bien elle qui m’a susurré les deux mots mon amour ? Putain de tombeur ! Même Tyrone Power, il aurait pas fait mieux! Ma parole, être amoureux, ça rend vraiment babao, hein ! C’est que moi aussi, je suis amoureux !

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