lundi 27 juillet 2015

extrait de LES SENTIMENTS D'AUTREFOIS de hubert zakine

dernier ouvrage mis en chantier...............


Avant d’entrer dans l’appartement, Sidney prit Eva à bout de bras à hauteur de la mézouza fixée au chambranle de la porte d’entrée. Afin de témoigner de sa révérence envers ce passage biblique enfermé dans un petit boitier, il lui demanda  de la toucher du bout des doigts et de les embrasser.  Symbole de la protection que D.ieu accorde à la maison, à ses habitants et à ses invités, la mezouza reçoit cet hommage à chaque entrée ou sortie  de l’appartement. Bien que ses certitudes fussent ébranlées par le décès de son épouse, il ne désirait pas que cette tradition israélite soit minimisée aux yeux de la petite Eva.

Il avait vu défiler plus d’une femme lors de l’embauche de celle qui saurait adoucir le chagrin d’Eva et apporter l’affection et la compréhension d’une nounou. Son choix s’était arrêté sur une femme d’une cinquantaine d’année qui semblait avoir les qualités d’écoute recherchées. Hélas, en fait de nounou, ce fut un commandant qui se révéla et, au bout d’une journée, elle fut congédiée.

--Elle n’était pas gentille, ta nounou, chérie ?

--Elle ne me parlait pas comme maman !

Sidney comprit alors que long serait le chemin qui mènera Eva  au bonheur.

Il aménagea son travail d’écrivain-correcteur en fonction de son amour en attendant la rentrée scolaire. Il se mit en quête d’une autre nounou avec plus  d’exigence mais la perle rare tardait à se révéler.

Au fil des jours, il s’aperçut que la journée n’était pas élastique et que ses heures suffisaient à peine à remplir son nouveau rôle de papa gâteau.

Eva entra à l’école maternelle sans la présence rassurante de la main douce de sa maman. Sidney accompagna  ses premiers pas dans la classe déclinée par une maitresse qui la prit sous son aile.

--Dis au revoir à ton papa mon ange ! Pria avec délicatesse la jeune femme qu’elle côtoiera toute l’année.

Rassuré, il partit avec tout de même l’ombre de Suzy devant les yeux. Tout à ses pensées, il entendit bien distinctement sa douce lui murmurer :

--Je suis là, tout près de toi et de notre petite chérie !

Rêvait-il ou son subconscient lui jouait-il la mélodie du bonheur pour le consoler ? Il se retourna, tendit l’oreille mais autour de lui, ce n’était que parents heureux, soulagés de les voir réintégrer l’école afin de bénéficier de leur temps libre.

Il erra dans son nouveau quartier à la recherche d’un café où poser sa solitude. Trouver une nounou devint son unique obsession. Choyer sa petite chérie, poser un onguent sur sa peine qui ne manquera pas de surgir à chaque fête des mères, répondre avec doigté et intelligence aux questions d’une petite orpheline, telles étaient les qualités  demandées à cette perle rare qu’il avait un mal fou à dénicher. Il resta toute la matinée à feuilleter Nice matin, à regarder deux jeunes amoureux échanger tendres promesses et rires insouciants, à écouter les commentaires sportifs de pseudo-techniciens en attendant l’heure de la sortie de la maternelle. Deux petits bras s’agrippant à son cou, une petite menotte cherchant la sécurité chaleureuse de la main de son père, et la vie lui parut belle !  Le jour pour rire avec  Eva, la nuit pour pleurer Suzy, telle était son ambition !

En franchissant le seuil de l’entrée de son immeuble, il devança une vieille femme qui portait un couffin bien trop lourd pour elle.

--Laissez madame ! Je vais vous aider!

--Oh, monsieur, vous êtes gentil.

Sidney s’effaça pour laisser passer la dame dans l’ascenseur.

--Comment tu t’appelles joli petit cœur ?

--Je m’appelle Eva Azoulay ! répondit-elle avec aplomb.

Sidney, en souriant, questionna avant d’appuyer sur les boutons de l’ascenseur.

--A quel étage ?

--Au cinquième !

--Mon papa et moi, on habite aussi au cinquième étage !

--Alors, on est voisins !

L’ascenseur stoppa et toujours aussi galant, Sidney ouvrit les deux portes battantes. La vieille dame proposa à Eva de la devancer et, à son tour, sortit sur le palier.

--Je ne veux pas vous ennuyer mais je voudrais vous remercier en donnant un petit quelque chose pour Eva.

--Vous êtes gentille mais elle n’a pas beaucoup de temps pour déjeuner. Ce soir, si vous voulez…….

--C’est tout au fond, famille Bénichou ! Précisa- t-elle en appuyant bien sur le nom.

Sidney, complice, sourit et promit :

--Elle viendra vous voir à 17 heures ! Bon appétit, madame Bénichou !

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