jeudi 1 mai 2014

MES OUVRAGES EN COURS D'EDITION / 0603288470 /

MARIE OU ET LA VIE CONTINUE     EXTRAIT



Sans contrainte, il papillonna auprès de charmantes demoiselles avant de feuilleter un joli roman d’amour qui ne dura que l’instant d’un rêve. Toute déception avalée, son métier lui ouvrit tant de fleurs qu’il s’éloigna de la relation sérieuse qui aurait pu emprisonner son cœur. Marseillais d’adoption, son ami d’enfance lui vanta les mérites du climat provençal et il ne lui fallut guère de temps pour se remémorer la douceur de la méditerranée. A quarante ans, il débarqua avec armes et bagages dans le Var où il rencontra LA femme de sa vie. Finies les amours d’une nuit, il se rangea aux côtés de cette âme blessée qu’il eut bien du mal à apprivoiser. Stabilisé dans sa vie affective, il ouvrit un studio photo dans la cité balnéaire de Saint-Cyr les Lecques. L’aubade des cigales accompagna ses journées ensoleillées entre amour, photographie et littérature. La vie lui paraissait sereine, il écrivait, se baignait, aimait et était aimé. Du moins le croyait-il avant son AVC.
Aujourd’hui, la jolie mouette avait déserté le rivage marin. Au handicap de son corps meurtri se greffa celui de son cœur qui le laissa désemparé mais la vie capricieuse s’agrippa à ses basques.
A présent, il laissait le vent, la pluie et le soleil lui dicter son emploi du temps. Au hasard des jours, il attendait.
--Hé qu’est-ce tu veux qu’il m’arrive de plus?
--Et je sais moi? Il faut toujours espérer! Tu m’as parlé de cette fille, là. A savoir si elle va pas te sauter dessus!
Julien était le même. Toujours le mot pour rire. A la limite de la plaisanterie de potache, il retrouvait l’exubérance de ses quinze ans dès qu’il rencontrait une amitié d’enfance. De temps à autre, il lui faisait la surprise en fin de semaine. Les mains toujours pleines de denrées orientales, Il n’oubliait jamais les tramousses de leur enfance dont ils raffolaient. Assis à la table préférée de Richard, ils décortiquaient avec soin ces graines de lupins très prisées en Algérie en sirotant une Orangina. Boire une Orangina était, en quelque sorte, un moyen de prolonger le pays au même titre que l’indispensable et traditionnelle khémia qui accompagne toute anisette. L’Orangina avait pris naissance sur les bords de la Mitidja. Léon Beton, natif de Boufarik s'inspira de l'invention d’un pharmacien espagnol pour en tirer son goût inimitable.
--Tu l’as draguée?
--Mais tu as des œillères ou quoi? C’est fini, la drague pour moi!
--Et pourquoi, tu n’es pas bossu, quand même!
--Allez, va te faire, va!
--Mais ma parole Richard, les filles elles ne réagissent pas comme nous. Ma femme elle est persuadée que tu peux lever……
-- Des sacs de pommes de terre, je peux même plus lever.
Julien insistait lourdement mais croyait fermement que la vie amoureuse de son ami était loin d’être finie.
--Une femme ne te demandera pas de lever des sacs de pommes de terre. Si tu es capable de la faire monter au septième ciel, le tour est joué.
Soudain inquiet, il interrogea Richard:
--Tu es capable, hein?
Richard toisa Julien et en souriant affirma.
--Grâce à dieu, de ce côté-là, ça marche!
--Et alors qu’est-ce tu attends? Tu ne crois quand même pas qu’elles vont te tomber toutes rôties?
-- Lâche-moi la grappe, un peu! J’ai fait une croix sur ma vie sexuelle comme je l’ai fait dans d’autres domaines! Un point c’est tout! Tu crois que je peux nager, me couper les cheveux, faire des photos, conduire, même conduire je peux plus! Et tu veux que je drague?
Il amplifia son propos en se tapotant l’index sur le front en ajoutant: ça va pas la tête!



*****

AU RENDEZ VOUS DES ALGEROIS/   EXTRAIT

SOUVENIRS, SOUVENIRS

La bande s’était connue sur les bancs de la maternelle de la rue Rochambeau à Bab El Oued dans ce pays où l’amitié s’écrivait en lettres majuscules et trouvait un terrain propice sur le chemin des écoliers. Car là-bas, lâchée dans les grands espaces de la vie, l’enfance appréhendait l’amitié dès le plus jeune âge. Des hordes de gamins désertaient les appartements, coursives et paliers des premiers émois pour s’émanciper par la rue qui devenait, alors, le principal terrain de jeux.
A présent, la bande d’Alger, amputée de deux membres qui avaient mis en pratique la profession de foi l’an prochain à Jérusalem en rejoignant la terre promise, se portait secours en resserrant les liens de jadis contre l’épouvantail de l’oubli.
Colette et Julia, voisines de palier à Bab El Oued, avaient partagé leurs enfance avec Paulo et Jacky au cours de jeux bien innocents. Puis l’amour avait émancipé leurs relations qui s’étaient poursuivies à Paris et ce qui devait arriver, arriva. Deux mariages simultanés pour une entente des deux couples quasi parfaite où l’amitié et l’amour se conjuguaient à tous les temps du verbe Aimer. Les quatre membres de cette grande famille par l’affection conquise s’étaient portés secours sur l’île de la nostalgie sans même s’en rendre compte et l’adaptation à la vie parisienne en fut grandement facilitée. L’image brûlante de leur terre natale était toujours là mais la douleur de leur exode se diluait entre souvenirs et regrets d’une enfance incomparable. Les deux Algéroises étaient chagrinées de voir le couple de Roland et Bernadette se dissoudre dans la tempête de l’incompréhension et se félicitaient chaque jour de s’être mariées dans leur rue même si le quartier de leur enfance voyageait au large de la méditerranée.
Le repas se passa dans la bonne humeur, l’ironie et la dérision en fer de lance jusqu’à une heure avancée qui fit déclarer à l’hôtesse qu’il faudrait mettre les matelas parterre selon une vieille coutume qui avait cours sur l’autre versant de la Méditerranée. Proposition qui étonna Bernadette et déclencha l’hilarité générale. Cette fille du nord se voyait sans cesse confrontée à l’humeur vagabonde et primesautière de la bande qui semblait ne pas prendre la vie au sérieux. Le tape-cinq et la raillerie en bandoulière, toujours prêts à rire de rien et de tout, ils prolongeaient leur enfance douloureusement interrompue.
--Vendredi, vous faites shabbat avec nous? proposa Paulo à la ronde.
--Moi, je suis chez mes parents! Objecta Roland
--Encore? Se lamenta Bernadette jetant un froid qui glaça l’atmosphère que Roland accentua en répliquant de bien mauvaise humeur:
--Ne t'en fais pas, bientôt ils vont aller s'installer à Cagnes sur mer! Tu auras plus à les supporter!
Richard tenta de détendre l'atmosphère en donnant la raison de son refus.
--Moi je shabbat à la maison avant de sortir avec une petite cochonne!

*****

LE RETOUR AUX SOURCES

Le samedi matin, tous les amis se retrouvaient "au rendez-vous des Algérois" pour taper l'anisette et se replonger dans l'ambiance de là-bas. Un grand mur blanc reflétait l'image du pays perdu sur un grand tableau représentant "leur" Alger avec le littoral qui s'étendait jusqu'à Saint Eugène dominé par la basilique de "leur" Notre Dame d'Afrique. Le regard des clients caressait le tableau à chaque gorgée et chacun se remémorait le paradis perdu en sirotant une petite anisette qui adoucissait la nostalgie omniprésente de ce coin d'Algérie au cœur de Paris.
Ce rendez-vous n'était pas un prétexte pour boire comme des ivrognes mais pour respecter la tradition des enfants de Bab El Oued qui aimaient partager l'amitié autour de la blanche anisette, fidèle compagne de l'amitié des gens de ce pays. En berne à Paris, l'identité méditerranéenne des enfants d'Algérie encore traumatisés par un exode désarmant, avait besoin de recharger les accus auprès d'une clientèle exclusivement "rapatriée".
Dans cet établissement de la rue d'Hauteville où les tape-cinq et les rires tonitruants résonnaient d'orientalisme, les disputes de bonne santé prenaient le pas sur les discussions en catimini. Converser à voix basse au risque de ne pas se faire entendre n'était pas recommandé dans ces lieux tonitruants. Le samedi était un jour béni pour ces orphelins de pays qui recherchaient des amis sinon de la même ville, du moins du même département d'Afrique du nord. Là, bien calés sur leurs nostalgies, ils refaisaient la guerre d'Algérie, ironisaient sur "la grande Zohra", regrettaient les occasions manquées du 13 Mai, invoquaient le départ de leur terre natale mais préféraient se remémorer les rencontres de football ASSE-GALLIA, leur enfance sur les plages de Padovani, de Baïnem ou de la Madrague, les chitanes du quartier et le souvenir de leurs maîtres d'école.
Rire pour ne pas pleurer, telle était leur leitmotiv.

                                                                   *****
MON ENFANCE A L'ESPLANADE  EXTRAIT

Dans mon quartier, on était une chiée plus quinze. Les amis, les copains, et puis ceux qu'on pouvait pas voir en peinture, les camarades de l'école à qui on parlait du bout des lèvres parce qu'on pouvait pas faire autrement, ceux qu'on traitait de fils à pep parce qu'ils se faisaient la raie bien droite dans les cheveux et qui mettaient la gomina même qu'on se faisait un plaisir de décoiffer, ceux qu'on prenait pour des tapettes ( pédérastes) parce qu'ils mettaient les habits du dimanche pour aller à l'école, et puis y avait nous ! Les plus beaux, les plus musclés, les plus intelligents qui tapaient cao (école buissonnière) pour un oui, pour un non, les plus fainéants que leurs mères, les pauvres, elles les voyaient en futurs docteurs, nous autres les petits tombeurs de première, les Errol Flynn ou Marlon Brando de pacotille qui se recoiffaient tout le temps pour impressionner les apprenties Lana Turner ou Brigitte Bardot, les dégourdis qui laissaient leurs cartables chez l'épicière en sortant de l'école au lieu d'aller faire leurs devoirs, en un mot comme en cent dix-huit mille, on était une bande de joyeux cancres.
Paulo, Roland, Jacky, Victor et moi, unis comme les cinq doigts de la main qui prenaient la vie par le bout de l'insouciance.
/////
Mon quartier, il était situé à la frontière de Bab El Oued. Zarmah,(soit disant) il était off limites! Les anciens y disent que les remparts y commençaient place du Grand Lycée, des autres, c'était Boulevard Général Farre. Mais, nos anciens, y parlent encore du quartier de l'Esplanade. Nous autres, les descendants de nos anciens, (tu montes tu descends, on est leurs descendants!) on s'en fout comme de notre premier biberon de connaître nos ancêtres. Il sera bien le temps de fouiller dans le vieux grenier de l'histoire de nos familles quand on sera des vieux schnoks. Histoire de l'Algérie ou histoire de France, dieu seul y sait! A savoir si je suis pas l'héritier de Godefroy de Bouillon (ce serait pour ça que ma mère, sara-sara, (de temps en temps) rien qu'elle veut nous faire du bouillon de légumes!) ou de Jeanne d'Arc (ma mère, toujours elle se demande pourquoi j'aime les flambées d'alcool)
Les habitants des autres quartiers ils disent que l'Esplanade, c'est grand genre et petits moyens. Qu'on fait du zbérote (cinéma) quand on parle, du genre quoi! Que les jeunes ils mollardent (crachaient) pas par terre toutes les cinq minutes, qu'ils se dobzent (cognent) pas dans les entrées de maison, que zarmah, on est respectueux (qué respectueux, on sait même pas ce que ça veut dire), qu'on sort les mots de l'armoire, enfin qu'on est des fils à pep, si on n'est pas des chochottes (précieuses).
Bien faire et laisser dire! La caravane elle est passée depuis bien longtemps! Si j'étais british, je dirais "wait and see".
/////
La vérité, je sais pas si je relève l'insulte ou je la laisse choir avec dédain. (chof, le parler châtié des chitanes de l'Esplanade.) Mais aouah, je vais pas m'abaisser à discuter avec tous les babaos (abrutis) des autres quartiers de Bab El Oued sinon j'ai plus fini. Ralah (collant) et compagnie. Une parenthèse, mon professeur d'anglais, il s'appelait Moktari. Pour des petits pieds noirs et des petits musulmans à fort accent pataouète, bizarre, vous avez dit bizarre, comme c'est bizarre!
C'est vrai qu'à l'Esplanade, quand on tousse, presque 'on s'excuse de faire du bruit alors que les autres y rotent un maximum sans gêne, sans excuse et sans pantalon. Mais à part ça, on est pareils. Dans le même moule, comme si on avait qu'une seule mère. Comme deux gouttes d'anisette, on se ressemble. "Qui se ressemble, s'assemble!" S'assemble, ça semble bizarre!
Louis Jouvet y doit se retourner dans sa tombe. J’le vois de là à se demander d’où on vient avec ce drôle d’accent. Mi-arabe, mi-juif, mi-espagnol et mi-italien, même si ça fait quatre moitiés, nous autres, quand on aime, on compte pas!
Zarmah, le pathos, il a pas d’accent. Heureusement que Marcel Pagnol il a fait des films avec Raimu, Fernandel, Andrex (je pourrais citer tout le bottin de Provence mais la vérité j’ai pitié de vous). Sinon, on aurait pas de preuve à fournir au commissaire du 36 quai des orfèvres que son accent de Parisien y sent l'hôtel du nord à plein nez.
/////

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire