mercredi 26 mars 2014

"MON ENFANCE A L'ESPLANADE" DE HUBERT ZAKINE

MON ENFANCE A L'ESPLANADE DE H.ZAKINE (extrait)

Comme la plupart du temps, quand on était fauchés, on cherchait comment occuper notre temps. Vers le collège Guillemin, avant que les HLM de la cité des Eucalyptus y sortent de terre, on envahissait la forêt de la rampe valée comme si c'était la forêt de Sherwood de Robin des Bois. Tu parles! Une bande de zigotos qui tailladaient les arbres pour se faire d
es cigarettes à bon marché! Zarmah, on étaient des grands!Moi, en chitane obéissant, je renonçais à outrepasser les interdits de Maxime Elkaïm, mon entraîneur du Racing Club Nelson. Sa devise était : cigarette ou match. Quel dilemme pour Petit Jean, Robin des Bois et consorts? Moi, ça m'en touchait une sans faire bouger l'autre parce que d'abord, je voulais pas me prendre pour un grand et en plus, j'aimais pas le tabac! Eucalyptus ou pas!
Et puis des fois, on montait à la terrasse pour admirer le panorama. Purée, dé, Cecil b. De Mille à l'Esplanade! 

 


 De Saint-Eugène à Padovani, la mer elle se tapait la sieste, sauf en hiver quand elle se prenait pour l'océan atlantique. Zarmah, je suis un érudit alors que je sais même pas où c'est l'océan atlantique! Atlan-tique, à savoir si c'est pas de la famille Atlan du jardin Guillemin? Des fois, je déraille complètement mais comme elle disait ma mère, ça fait partie de mon charme!
En hiver, et qu'on avait les poches trouées, (vous savez quand vous êtes sans le sou et que vous retournez les poches pour montrer aux copains que vous êtes fauchés comme les blés), notre distraction, c'était d'aller nous asseoir dans la salle des fêtes de Padovani. Là, bien à l'abri, on restait des heures à se taper la rigolade en regardant la pluie se déverser dans la mer; on était bien, fauchés mais bien! Nous autres, à l'Esplanade, on se contentait de peu même si les autres quartiers, y croyaient qu'on s'appelait Crésus. Tu parles, plus d'une fois et même de trois cent fois, on se tapait un petit chocolat en guise de souper. Zarmah, j'ai rajouté l'adjectif qualificatif petit pour faire pleurer Marinette (ouais, je sais normalement, quand on est pathos, on dit Margot mais moi, je suis pied noir et je le reste, dans mon accent et dans mes gestes, alors je dis Marinette et celui qui est pas content, y va se taper une olive). Victor Hugo, il a pas fait mieux avec son brin de Cosette (chof, le jeu de mots, causette et Cosette! Akoben le Goncourt!)



 Mais c'est vrai l'argent on en avait pas bezef même qu'à Noël, les vélos, les trottinettes, les patins à roulettes on en voyait pas la couleur. Pour nous autres, c'étaient ni plus ni moins et d'ailleurs plus moins que plusse, des cadeaux des riches. Nous les chitanes sans le sou, on sortait de la soupente nos sacs de tchappes, de billes et de noyaux et aya zoumbo, la rue elle s'endimanchait du rire de l'innocence. Même pas on savait qu'on était pauvres! Un cinéma ou une place de stade à ouf (en resquillant) et on était heureux. Parce que, pour nous, les juifs comme les catholiques et les arabes, un Noël sans jouet c'était monnaie courante. Pour nos parents c'était différent, mais pour nous, il nous suffisait d'une pelote en chiffon et de l'amitié en pagaille, pour se croire les rois du monde.

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Seulement, y avait l'école qui nous pourrissait la vie. Pas assez les retenues, les devoirs et les leçons mais en plus, le grand frère y se prenait pour un commandant. Tch'as fait tes devoirs, tu connais tes leçons, combien tch'as eu à la composition, oh, purée, pas assez un maître et en plusse, on avait une sangsue derrière nous! Prenez mon frère: un véritable chef de guerre! Et attention, comme il avait été chitane avant moi, toutes les arcanes y connaissait. Alors, même si on voulait pas devenir médecin, avocat ou architecte, bon gré, mal gré, je travaillais un p'tit chouïa pour faire plaisir à ma mère. Pour qu'elle puisse dire «mon fils, le bebesso à sa mère, y travaille bien en classe! Akoben le docteur!»
Bon mais je m'égare! Le sujet, c'est l'Esplanade c'est pas ma mère la pauvre, ni mon frère aîné qu'il a oublié que les études et lui, y sont pas passés par la même porte, encore moins par la même fenêtre. Alors, revenons à nos moutons et à l'école de l'Esplanade. D'abord, pour aller à l'école, y fallait passer par les papetiers Riveil ou Pinelli de l'Avenue de la Marne qu'avant elle s'appelait avenue de Bab El Oued parce que les portes de la ville, à l'époque, elles étaient au lycée Bugeaud. (zarmah, je fais l'érudit goyen) cuila qui connaît pas le chanteur basque Rudy Hirigoyen, rien il a compris à mon jeu de mots, le r'mar!
Purée, cette ruée sur les cartables, les livres, les cahiers (je pourrais faire une liste des trousses, plumiers, plumes mais je suis pas ralah alors j'abrège) c'était pire que la ruée vers l'or.

A suivre...........

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