mercredi 26 mars 2014

L'ECOLE DE CHEZ NOUS .....DE HUBERT ZAKINE



L’école
Parmi les souvenirs qui ont tracé une empreinte indélébile sur nos âmes d’enfance, l’école occupe une place privilégiée dans le grenier de notre mémoire. Chacun d’entre nous conserve tout au...
fond de son cœur, enfermés à double tour mais ouverts aux quatre vents de l’amitié, des tranches de vie prodiguées comme du bon pain dans ces espaces du savoir de l’école de France si bien dispensé par ceux que nous appelions familièrement mais avec un profond respect et, pour certains, une réelle et intangible affection : nos maîtres et nos maîtresses. Sévères ou magnanimes, consciencieux ou philosophes face à la décontraction de certains cancres désarmants, ils avaient hérité des anciens le goût du travail bien fait. Un élève qui ne maîtrisait pas son année, échouait au certificat d’études ou redoublait la classe, partageait l’échec avec son instituteur ou son institutrice qui endossait, par conscience professionnelle, une grande part de ce revers. Aussi, certains d’entre eux n’hésitaient pas à donner des cours gratuits aux enfants nécessiteux, pupilles de la nation ou simplement orphelins de père ou de mère. Ceux auxquels je pense ont rejoint le pays du bon D….. avec le sentiment du devoir accompli. Paix à leur âme !

Maîtres et maîtresses de Bab El Oued, nous reconnaissons aujourd’hui bien volontiers combien votre métier a du être difficile à exercer face aux garnements qui composaient vos classes surchargées Peu enclins à suivre vos cours dispensés pourtant avec autant d’attention que d’affection, ils laissaient libre cours à leur "flémingite aigüe " sans se départir de leur désinvolture. L’école, c’était pour les autres. Le rêve leur appartenait.
A leur décharge, il faut bien reconnaître que nos petites fiancées, nos rues, nos places, nos trottoirs d’avenue, nos cinémas et nos stades possédaient tant de charme que nos esprits vagabondaient souvent à l’extérieur de l’école. Nous délaissions alors les leçons de géographie, d’histoire ou de français, attirés par les bruits qui nous arrivaient du dehors. Certains plus concentrés que d’autres sur les plaines enneigées du Jura, les exploits de Vercingétorix ou les subtilités de la grammaire, parvenaient à franchir les marches de la gloire qui menaient tout droit au Lycée Bugeaud, au Lycée Lazerges ou au collège Guillemin.
Les autres, la majorité silencieuse, abandonnaient leur parcours scolaire après l’examen du certificat d’études, diplôme aussi convoité, en ces temps bénis, que la légion d’honneur, la médaille du Mérite National ou la coupe du monde de football.
En fin d’année, fiers comme Artaban d’avoir décroché le fameux certificat ou feignant, pour la galerie et les parents la désolation de l’avoir raté " d’un cheveu de fartasse ", tous les élèves se voyaient conviés à la grande fête de l’école. Prétextes à une débauche d’énergie, de rires et d’élans du cœur, ces grandes farandoles scellaient la complicité des maîtres et des maîtresses avec leurs élèves. Sans discipline et sans retenue.
L’alibi premier de ces manifestations scolaires était la récompense des bons élèves avec la distribution des prix. C’était l’occasion pour les mamans de se rencontrer et d’exhiber fièrement leur progéniture les bras chargés de beaux livres, premiers prix de français ou de géographie. Les autres élèves, afin de se donner une contenance, feignaient l’indifférence mais, en ce moment précis, regrettaient sans doute de ne pas avoir bousculé leur fainéantise durant l’année scolaire.
Le temps de faire le tri entre les bons et les mauvais souvenirs de l’année, les voyages au Tombeau de la Chrétienne », les retenues et les "zéro de conduite ", les billets de satisfaction et le tableau d’honneur, les fous rires étranglés devant un maître coléreux, les spectacles " payants " proposés à la bourse des parents parfois désargentés, les chiens savants, l’apprenti John WAYNE au lancer de lasso précis, les bagarres à la sortie de l’école pour un mot déplacé, on avait le sang chaud à Bab El Oued, toute une panoplie à emmagasiner dans la boite aux souvenirs à ressortir les jours de mauvais temps.
L’école d’Algérie nous laisse un goût amer dans la bouche et dans le cœur car le souvenir attaché à ce merveilleux laboratoire de l’enfance nous a filé entre les doigts sans que nous ayons tenté de le retenir, tellement pressé que nous étions à devenir grands, à délaisser le rivage heureux des culottes courtes, de l’Elesca, des caramels Fausta et des genoux écorchés.
Pour ma part, depuis que les soucis m’ont rendu adulte et que la nostalgie me renvoie à l’enfance, je ralentis mon pas chaque fois que je croise une école, sa cour de récréation et les cris joyeux des enfants. Je ferme les yeux et un délicieux vent de nostalgie me caresse la joue.

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