mardi 4 février 2014

SQUARE GUILLEMIN DE HUBERT ZAKINE - 0603288470 -


Ce matin, je suis de corvée pour aider ma mère à porter les commissions. Normalement, les yaouleds, véritables sangsues des marchés, y proposent leurs services aux femmes que les pauvres « c’est trop lourd pour leurs frêles épaules ! ». Après bien des marchandages et pour se dépêtrer  des petites mouches à miel qui leur tournent autour, obligé elles acceptent  et y portent le panier jusqu’à la maison. Mais nous autres, mes frères et surtout moi, on est les petits yaouleds de ma mère. Même pas, on a droit à une petite pièce mais ça  fait rien parce que c’est notre mère chérie qui nous le demande avec des yeux tellement suppliants qu’aucun fils au monde y peut résister. Mais j’ai beau prévenir les copains : « je reviens », y m’attendent pas ces falampos  et le match de foot y commence sans moi. Le square Nelson  sent bon les épices, les légumes frais, les fruits de saison et même le poisson qui sent le ....poisson fraîchement péché. Alors, bien sur, ma mère elle se régale dans les dédales de ce marché « bon chic, bon genre » où, sara-sara, elle s’arrête tchortchorer avec toutes les femmes qu’elle rencontre. Moi, zarmah, je fais l’enfant sage quand elle me présente fièrement comme si j’étais premier de la classe. Elle peut quand même  pas dire que son fils c’est un badjidj qui préfère jouer au football  que d’apprendre ses leçons! J’entends des « dieu bénisse », « comme il est grand pour son âge », « c’est ton portrait craché » et d’autres salamalecs qui m’en touchent une sans faire bouger l’autre. Le principal, c’est que ma mère, elle est  fière que son fils  ressemble pas à Quasimodo et qui lui porte les commissions sans débourser un sou. J’exagère un p’tit chouïa mais ca fait plus véridique ! Pendant ce temps, les calamars farcis du jardin Guillemin y sont en train de se prendre une tannée contre l’équipe du café de Cadix. L’équipe du café de Cadix, ça  fait plus chic que l’équipe des  bras cassés de la rue Rochambeau. Ils sont tous du Gallia les Ménella, Elkaïm, Papich Lévy, Popaul Ajuélos, Camps et d’autres des Messageries. Aussi, je rase les murs pour rentrer chez moi sans rien demander à personne. Même pas je demande mon reste, c’est dire. Je remercie le ciel d’avoir joué les p’tits yaouleds pour ma mère sinon la honte elle m’aurait mangé la figure si j’avais pris une tannée pareille ! Mais comme  les joueurs du café de Cadix, c’est tous des amis, je leur en veux pas. Des fois on gagne (rarement) et des fois on perd (la plupart du temps). Quand on est de Bab El Oued, on préfère parler de Sophie Desmaret que de philosophie, c’est plus notre genre. Alors c’est pas la peine de jouer les érudits. Oh purée, je me lâche un maximum. Erudit, y faut que j’aille consulter le dictionnaire pour voir c’que ça veut dire, ce mot ! Mon instituteur il va faire une syncope quand y va comprendre que c’est moi, et moi tout seul qui ait ouvert l’armoire pour sortir « érudit ». A tous les coups, y va croire que j’appelais Rudy Hirigoyen, l’autre Luis Mariano. Hé, Rudy !

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