samedi 4 mai 2013

LE DESTIN FABULEUX DE LEON JUDA BEN DURAN "SIEUR DURAND D'ALGER" de hubert zakine


La Macta

A ALGER, les soixante dix ans du Comte DROUET D'ERLON ne rêvaient que de paix, n'aspiraient qu'à une douce quiétude qui lui permettrait de couler des jours heureux sous le ciel pervenche de la blanche cité. A ORAN, LE Général TREZEL, nommé Gouverneur d'Oranie par DROUET D'ERLON possédait un caractère bien trempé. Soldat de devoir, il tenait, par dessus tout, à faire respecter l'image de la FRANCE et s'étonnait du comportement d'ABD EL KADER qui marchait sur MEDEA après avoir pris MILIANA et MASCARA.


Le 22 Avril, DROUET D'ERLON tenta de le raisonner :

--" Le Sieur DURAND m'a donné l'assurance qu'il( ABD EL KADER ) craignait beaucoup de me déplaire et qu'il arrêterait dès que je l'exigerais."

La parole d'un officier est sacrée.Celle du Prince des Croyants doit l'être également. Aussi, dés qu'ABD EL KADER transgressa cette charte morale en s'attaquant aux tribus dont la FRANCE se devait d'assurer la protection, le sang du Commandant de la Place d'ORAN ne fit qu'un tour. Il s'allia, contre l'avis du Comte DROUET D'ERLON, aux tribus "maghzen", ennemies jurées de l'Emir au cours d'une "convention du figuier" qui mit le feu aux poudres

A la tête de vingt trois mille hommes, le Général français sortit en armes d'ORAN. Son but avoué était de détruire la puissance et l'aura de son adversaire, de l'isoler des tribus qui le vénéraient et renforçaient son prestige.

Le choc fut terrible. Des deux cotés, les pertes furent lourdes. Le Général OUDINOT figura parmi les victimes.

Le 26 Juin 1835, TREZEL campa avec ses chasseurs d'Afrique sur la route ORAN-MASCARA qui enjambait le SIG.

Du haut de la colline qui dominait la rivière, l'Emir des Arabes était partagé entre l'admiration envers cette armée ennemie très impressionnante par la discipline qui s'en dégageait et l'étonnement de voir des unités si lourdement chargées, si chaudement vêtues, si terriblement ralenties.

TREZEL évita, à grande peine, la catastrophe. Entre la forêt de MOULAY SMAÏL et la plaine où il se réfugia, se découpaient les gorges de l'Habra et les marécages de la MACTA. C'est le chemin qu'il choisit. Route plus accessible pour ses encombrants convois mais piège idéal pour une embuscade mortelle. De la colline déboulèrent des arbustes en feu sur les français encerclés. Tirés comme des lapins, les chasseurs chantèrent une Marseillaise sanguinolente pour se donner du coeur au ventre. Pendant ce temps, TREZEL et quelques hommes s'emparèrent d'un mamelon pour y installer deux pièces d'artillerie qui crachèrent un feu intense sur les arabes fanatisés. Une pagaille monstre régna sur la Macta. Le terrain jonché de cadavres, de matériel abandonné, d'étendards arrachés à l'ennemi et jetés au sol, la folie des hommes avait fait son oeuvre.

Une armée française en déroute rejoignit ARZEW en évoquant "l'heureux désastre de la MACTA" tandis qu'ABD EL KADER, forces décimées mais prestige tutoyant les sommets, demeurait, aux yeux de ses fidèles, le vainqueur de MOULAY SMAÏL et de LA MACTA.Léon Juda, fine silhouette se détachant sur la colline, abasourdi par tant de cruauté, assista à la curée d'une paix sincèrement espérée par son ami, le Comte DROUET D'ERLON.

Sa liberté de manoeuvre retrouvée, après avoir été "l'hôte" de l'armée française, en représailles de l'arrestation du consul français BOU ABDALLAH, il conseilla à ABD EL KADER de jouer la carte de la diplomatie et de temporiser, en attendant des nouvelles de DROUET D'ERLON. Celles-ci parviendront aux oreilles de l'Emir, quelques jours plus tard, révélant sa désapprobation de l'entreprise de guerre de TREZEL qu'il jugea "intempestive et contraire aux vues du gouvernement."

Par l'entremise diplomatique de Léon Juda , ABD EL KADER accusa TREZEL d'être le détonateur de cette situation conflictuelle.

Convaincre était un art que maniait avec subtilité "Sieur DURAND". DROUET D'ERLON lui demanda d'accompagner, alors, le Commandant Louis JUCHAULT DE LA MORICIERE, responsable des bureaux arabes, rompu aux négociations, dont l'image d'homme droit et plutôt arabisant, offrait plus de garantie pour une éventuelle entrevue de paix avec ABD EL KADER. En agissant de la sorte, le Gouverneur Général semblait blâmer TREZEL et, pour le moins, le désavouer.

Le gouverneur d'ORAN sera du reste révoqué et remplacé par le Général D'ARLANGES à la mi-Juillet

Léon Juda, "Sieur DURAND d'ALGER", pût reprendre sa politique du chaud et du froid. Pour se faire bien voir des autorités françaises autant que par conviction personnelle, il demanda que soit stoppée la livraison de deux cents fusils promise à l'Emir par DROUET D'ERLON qui apprécia ce geste à sa juste mesure. Il l'écrira au Ministre de la guerre le 18 Juillet:

--" J'avais envoyé à l'Emir 200 fusils et de la poudre. Le bâtiment porteur du chargement étant arrivé au moment de la " levée des boucliers " entre TREZEL et ABD EL KADER, le Sieur DURAND, "oukil" d'ABD EL KADER, vint demander que les fusils ne soient point remis entre les mains d'ABD EL KADER.. C'EST UNE MARQUE DE DEVOUEMENT A NOTRE CAUSE QUE PEUT ETRE BEAUCOUP DE NEGOCIANTS FRANCAIS NE NOUS AURAIENT PAS DONNEE."

*****
Objet de multiples sollicitudes émanant du Gouverneur Général et de l'Emir des arabes, Sieur DURAND se vit alors confronté à une campagne de calomnie de la part des dignitaires français et des bourgeois musulmans. Mauvaise conseillère, la jalousie révèle parfois de coupables instincts.

Certains ne se contenteront pas de regretter cet excès de popularité. Ils n'hésiteront pas à tenter de le discréditer aux yeux de ses deux protecteurs et amis, soulignant les commissions exorbitantes encaissées par le "juif DURAN" sur chaque transaction menée à terme.

Pour toute réponse, "Sieur DURAND" affirma :

--"Si l'argent est le nerf de la guerre, il contribue parfois à arrêter les combats. Quant aux affaires traitées par ma maison, elles le furent à la satisfaction de mes commanditaires. N'oublions pas que Messieurs les Français qui accusent, ignorent les us et coutumes commerciaux de ce pays. Quant aux notables arabes, forts instruits de nos moeurs, ils désirent, par-dessus tout, éliminer un concurrent direct sur la route du grand négoce. "

Ces médisances n'entamèrent nullement son prestige et ses profits se multiplièrent. Il ne négligea pas, pour autant, son action au sein des affaires israélites du conseil municipal.

L' épidémie de choléra qui s'abattit sur la ville et emporta au royaume des regards disparus plus de cinq mille malheureux, lui permettra de donner la pleine mesure de son dévouement.

C'est le Ministre de la Guerre qui le confirmera dans une lettre adressée au Maréchal CLAUZEL successeur du Comte DROUET D'ERLON le 8 juillet : " .....J'ai vu, du reste que, depuis l'invasion du choléra, le Sieur DURAND a prêté à l'administration une assistance efficace et que sa conduite l'a rendue digne aux yeux de Mr l'intendant et aux ........ d'être maintenu dans les fonctions de Chef de la Nation Juive."

L'épidémie du choléra sera le dernier fléau à combattre pour le vieux Gouverneur Général rappelé à PARIS après une lettre " trop courtoise " adressée à ABD EL KADER à la suite de la campagne malheureuse du Général TREZEL à ORAN.

Léon Juda BEN DURAN rebaptisé "Sieur DURAND" sous l'administration de DROUET D'ERLON ira saluer une dernière fois celui qui restera pour l'histoire le premier Gouverneur Général des Possessions Françaises d'Afrique du Nord. Il développa pour ce vieil homme une certaine affection, l'assurant de sa profonde reconnaissance pour la confiance qui lui fût accordée.

Afin de mettre en conformité ses paroles et ses actes, il offrit sa démission de ses fonctions municipales passées sous l'autorité du Maréchal CLAUZEL."oukil" d'ABD EL KADER et ambassadeur de DROUET D'ERLON, Léon Juda se comporta durant le règne du premier Gouverneur Général, en véritable conseiller politique des deux autorités du pays.

A SUIVRE...........................

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