Gouverneur Général
Comme tous les consuls, Léon
Juda fut convoqué par le nouveau pouvoir en ce mois de novembre 1834. Alors
qu'il patientait dans la cour intérieure, il surprit la dictée d'une lettre par
le Gouverneur Général, adressée au Ministre de la Guerre, le Maréchal GERARD,
précisant sa méfiance envers le traité DESMICHELS et une possible remise en
question de certaines concessions. Il prit, aussitôt, note du contenu de cette
missive pour son information, gardant pour plus tard, la décision d'en révéler
la portée à son ami, le Prince des Croyants, si le besoin s'en faisait sentir.
Le Comte DROUET D'ERLON le reçut en dernier. Il lui exposa ses griefs envers
ABD EL KADER et lui signifia l'envoi prochain de courriers à l'Emir pour
désavouer le monopole d'ARZEW et son refus de toute expansion dans le Titteri.
Les transactions de haut
niveau n'effrayaient pas Léon Juda. Si le profit était chez lui une seconde
nature, il ne reniait jamais un engagement et s'échinait le plus souvent à
gagner la partie au nom de son commanditaire. Aussi, répliqua t-il avec une
grande fermeté teintée de la plus haute courtoisie:
--"Puisque la FRANCE ne peut faire régner l'ordre, ne valait-il
pas mieux qu'ABD EL KADER s'en chargeât, lui, l'ami de la FRANCE!"
Lémir des arabes lui savait
gré de ce comportement et sa confiance en lui était totale, même s'il jugeait
la commission exigée par Léon Juda parfois exorbitante. Le souvenir de son
père, MAHI ED DINE restait vivace et ses conseils toujours d'actualité:
--" Ajoutes tes qualités à celles de ce juif et
le monde t'appartiendra!"
Il n'oubliait pas non plus
cette affection qui unissait son père à cette famille DURAN et au Léon Juda de
sa jeunesse. Pour cela, à chaque mission qui lui confiait, il répétait: --" Nous
ne sommes pas un Emir et un serviteur, nous sommes des frères. Pars! ALLAH est
avec toi!"
Cette marque de confiance
encourageait Léon Juda à transgresser toutes les lois et à accepter toutes les
compromissions. Aussi, devant l'intransigeance de DROUET D'ERLON qui
reconnaissait volontiers que le traité, bien qu'imparfait, avait permis
l'économie d'une guerre, l'"oukil" d'ABD EL KADER
dévoila l'existence d'un second traité. Abasourdi par cette révélation, le
Gouverneur Général ne put s'empêcher de répéter:
--" un second traité ?"
--"OUI? Mr le Gouverneur! Le général DESMICHELS, après plusieurs
démarches, envoya à l'Emir ses propositions qui sont le premier traité.
Celui-ci y apposa son cachet en signe d'acceptation. En renvoyant cette pièce
au Général DESMICHELS, l'Emir, à son tour, lui fit parvenir ses propositions
qui sont le second traité dont il réclame l'exécution parce que le commandant
d'ORAN l'a accepté en y mettant son cachet."
--" Et où se trouve ce second traité? "
--" Entre les mains de l'Emir et sans doute, entre celles du Général
DESMICHELS, votre Excellence!"
Contrarié par cette
nouvelle, le Gouverneur expédia Léon Juda à MASCARA, fief d'ABD EL KADER afin
d'avoir des éclaircissements sur le traité secret. Il eût pu envoyer un
courrier de son entourage, mais il fut séduit par son interlocuteur, chargé
d'affaires du Prince des Croyants, qui présentait son mandant comme un homme:
"qui n'exerçait son autorité sur les
tribus qu'avec le but avoué de faire régner la paix française sur son
territoire........ Qui était le plus efficace défenseur de la FRANCE auprès de
l'indigénat et que, seule, la foi guidait ses pas, hors de toute volonté expansionniste.".
Aussi, tint-il à ce que Léon Juda continuât à s'occuper de cette affaire,
accompagné, toutefois, du Capitaine SAINT-HIPPOLYTE, topographe et officier de
renseignement de l'armée.
YYY
Le Méchouar de TLEMCEN fut
sa première cible. Il l'enlèva de haute lutte et y nomma un "khalifa".
DESMICHELS crût, alors, en sa bonne étoile. Respectant les termes du traité,
avec la bénédiction du gouvernement français, il livra à ABD EL KADER les
obusiers demandés par Léon Juda, pensant ainsi prendre des villes par allié
interposé
Début janvier 1835, le
Prince des croyants leva son armée pour soumettre les cités du Chéliff, MILIANA,
CHERCHELL et surtout MEDEA.
MILIANA tomba sans coup
férir. Contrairement à TLEMCEN, personne ne défendit cette forteresse située
sur un promontoire dominant la campagne environnante. Les Turcs avaient fui la
ville, les Français ne s'y intéressaient pas encore, la cité des Orangers
tendit les bras aux plus courageux et aux plus audacieux.
MEDEA sera plus capricieuse
et donnera lieu à un conflit armé qui opposera ABD EL KADER au Marabout de la
confrérie des "derquâwâ", BOU HAMAR, HADJ MUCA AL DARQUAWIYA, un musulman
pur et dur qui accusait le Prince des Croyants d'impiété, pour avoir courtisé
les infidèles et pactisé avec leur chef, le Général DESMICHELS. La bataille
sera rude mais brêve. Fin avril, ABD EL KADER entrera triomphalement à MEDEA,
la capitale du "beylick" du TITTERI.
A SUIVRE..................
YYY
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire