Avant la conquête existe à
l’ombre de maisons mauresques un enseignement d’obédience religieuse dans ce
pays d’Orient où la laïcité est inconnue. Des écoles coraniques jalonnent
l’existence des enfants de l’Islam et les médersas1
apprennent aux plus doués les mathématiques, la théologie et les sciences
naturelles.
Les juifs, nombreux dans la
Régence d’Alger, versent une dîme pour droit de vie par l’intermédiaire de ses
notables qui élisent trois Chefs de la Nation Israélite chargés de la
communauté. Parmi leurs prérogatives, l’enseignement représente l’un des
principes fondamentaux de la survie de ce peuple voué aux turpitudes des
puissants. L’école hébraïque remplit deux fonctions : la culture religieuse et
le savoir universel. Les fils des notables traversent la Méditerranée pour
parfaire leur instruction et il n’est pas rare de voir alentour du pouvoir, des
juifs interprètes parlant six ou sept langues, des savants de la finance
devenir banquiers de la régence, des médecins appelés au secours d’une science
ottomane dépassée, des négociants accaparer le rôle d’éminence grise du Dey.
En 1831, la France s’attache,
par l’intermédiaire de l’intendant général GENTY DE BUSSY, à l’éducation des
fils d’étrangers, des masses musulmanes et israélites. On commence par la
petite jeunesse qui suit les cours dispensés par des instructeurs nommés par
l’autorité militaire. Si les Européens, soucieux de faire de leurs enfants des
français avec tout ce que cela suppose de bienfait, encouragent le projet, il
en est tout autrement des indigènes. Leur enseignement, coranique pour les uns,
hébraïque pour les autres, convient parfaitement à la mentalité recroquevillée
du pays. Attentistes par nature, les Arabes restent circonspects sur la
présence française. Quant aux juifs, ils désirent, tout en servant les nouveaux
maîtres qui jouent en la circonstance le rôle de libérateurs, conserver les
enfants dans le giron de leur communauté de peur que se dilue leur judéité dans
le savoir français. Mandatés par la responsabilité de leur position sociale
envers leurs coreligionnaires, les notables juifs et arabes donnent, alors,
l’exemple en envoyant leurs garçons à l’école de GENTY DE BUSSY pour que se
décrispe la situation.
Les écoles élémentaires
enregistrent de très nombreuses inscriptions de fils d’étrangers, italiens,
maltais, espagnols. Le succès s’affiche alors clairement. Bab El Oued qui n’est
encore qu’un conglomérat de baraquements logeant les ouvriers de la Cantère 2 voit s’ouvrir deux écoles situées rue de la
Marine et rue Bab El Oued.
Ce n’est que le 27 Mai 1833
que le Baron VOIROL autorise l’enseignement secondaire. Une école libre sous la
direction du bachelier GALTIER ouvre ses portes dans une modeste maison de la
rue Socgémah. En octobre de la même année, la rue du Sagittaire accueille d’autres élèves. En 1835, une
maison mauresque de la rue des Trois Couleurs devient collège. Après sa visite
en avril 1837, le Gouverneur DAMREMONT estimant la vétusté du lieu, attribue à
l’enseignement secondaire l’ancienne caserne des janissaires située à l’entrée
de la rue Bab Azoun.
Intervient ensuite un événement
exceptionnel : l’Académie d’ALGER
transforme le collège en lycée le 7 septembre 1848. Cet établissement, dénommé
Lycée Bab Azoun ou Lycée d’Alger, puissant foyer de la culture française par
l’enseignement délivré, par ses représentations théâtrales, par ses
traditionnelles et chaleureuses remises des prix de toutes les écoles de la
ville, demeure le seul lycée des trois provinces d’Algérie.
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Le préfet GERY constate lors
de sa visite, le 5 février 1859, la vétusté du local malgré la réquisition de
l’ancienne caserne d’artillerie MASSINISSA
et la nécessité de la création d’un nouveau lycée afin d’accueillir les
465 élèves se décide au lendemain de cette inspection.
Le 10 décembre 1861, le
chantier démarre sur la place de Bab El Oued tout à côté du jardin MARENGO. Les
travaux dureront sept années et en octobre 1868, les élèves délaissent le lycée
Bab Azoun qui est livré à la démolition à la grande tristesse des anciens.
Le lycée BUGEAUD prend la
relève et au mois d’août 1879, l’établissement fête l’un de ses élèves, Georges
MARTIN qui remporte le concours général des lycées de France.
La liste des célébrités ayant
usé leurs culottes sur les bancs de ce lycée, devenu le symbole de
l’enseignement secondaire d’Alger, serait trop longue à énumérer mais Albert
CAMUS demeure l’étudiant le plus renommé et pour terminer par une pirouette,
n’oublions pas le plus célèbre travesti du monde : COCCINELLE.
Les écoles communales de la
rue ROCHAMBEAU accueillent les enfants de NELSON, GUILLEMIN, d’une partie de
l’avenue de la Bouzaréah et de la
fraction des Messageries que refusent les écoles Sigwalt et Dijon. Construit au début du siècle, le
bâtiment de style austère mais en pierre de taille extraite de la carrière
JAUBERT ressemble à la caserne PELISSIER.
Ses trois entrées identiques desservent la maternelle, l’école de filles et
celle des garçons. Pour accéder à chacun des préaux couverts, un escalier mène
à trois grandes cours intérieures bordées de parterres de glycines dont les
rebords servent de marchepied aux garçons pour draguer les filles par delà le
mur de séparation des écoles. La belle Madame DAHAN directrice de la maternelle
qui attirait tous les regards, la sévère mademoiselle PEREZ et son cache-nez,
Mr SAPINA et sa note « PLUS-QUE-PARFAIT » qui comble petits et
grands, Mme CASTELLANI et son énorme règle qui fracasse l’extrémité des doigts
repliés sur eux-mêmes des élèves indisciplinés, Mr RUIZ qui drague toute la
gent féminine, Mr VITTORI qui terrorise les enfants sous son Borsalino, Mr AÏACHE
dont la gentillesse lui vaut le surnom de « PAPA AÏACHE », Mr LUCAS
et sa balle de tennis qu’il catapulte sur les bavards, les séances récréatives
au « Mon Ciné » ou au « Marignan » et les célèbres
« chiens savants » qui régalent l’enfance par des tours qui
passeraient inaperçus de nos jours, les photographes « à l’ancienne »
auprès desquels il faut garder la pose une minute, la remise des prix, fête
foraine miniature, ses boites cabossées, sa pêche miraculeuse et surtout
l’école des filles qui se mêle à celle des garçons, tous unis dans la
mémoire des enfants du quartier bien au
delà de l’exode.
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Le groupe scolaire LAZERGES
qui longe la pointe de SIDI EL KETTANI et borde l’esplanade NELSON où se
dressaient jadis un chenil et des écuries, jouit d’une flatteuse réputation.
Avec ses écoles maternelle, primaire filles, primaire garçons et son lycée qui
dispense aux seules jeunes filles un enseignement menant jusqu’à H.E.C., il
marque de son empreinte toutes les élèves privilégiées du cycle secondaire.
Portant blouse bleue, respectant une discipline imposée par sa directrice
madame BONNET parfaitement secondée par mesdames AÏACH, VIDAL, SINTES, FABIANI
et beaucoup d’autres, la jeune fille n’a d’autre alternative que de réussir ses
études car la sélection y est impitoyable. Ecole du savoir, le groupe Lazerges
demeure dans l’esprit de ses anciens élèves l’école de la vie.
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Les écoles de la rue Franklin,
au cœur de Bab El Oued, ne payent pas de mine mais le franchissement du porche
de la maternelle ou d’une des deux primaires inverse irrémédiablement le
jugement. Sous la direction de Mr POLITO, les trois étages qui desservent les
nombreuses classes ne suffisent pas à recevoir le démographie galopante
d’après-guerre. La construction du groupe Condorcet en 1956 allège
l’établissement. En 1962, Le deuxième étage sera détruit par un incendie que
certains prêteront à l’OAS.
Le groupe scolaire de la Place
LELIEVRE, « l’université de Bab El Oued » dixit monsieur BENSIMON,
l’un de ses instituteurs, avec son horloge qui cadence la vie du quartier en
sonnant chaque heure, l’enseignement
primaire au rez de chaussée qui mène tout droit au septième ciel représenté par
le second étage où se dispense l’enseignement secondaire.
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La rue Léon ROCHES possède
deux célébrités en son sein, l’église Saint-Louis de constructionrécente et
son groupe scolaire dirigé, entre autres, par Monsieur BENHAÏM.
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Le groupe scolaire de la rue
de Normandie et ses deux platanes, parasols géants qui protègent maîtres et
élèves les jours de grande chaleur, encourage les enfants de la
« cité » à franchir l’obstacle de l’école primaire .
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L’école de la rue Camille
DOULS accompagne les enfants de la Basséta, du cours préparatoire à la 5ème
avant de les diriger vers le cours complémentaire CONDORCET, le collège
GUILLEMIN ou le lycée BUGEAUD sous les directions de Messieurs MASSET et
GILLES.
La situation exceptionnelle du
Collège GUILLEMIN à l’orée de la Casbah, dominant une superbe cascade
verdoyante glissant voluptueusement vers l’azur noyé de Méditerranée, excite la
convoitise des élèves admis au cycle secondaire, par examen de sixième
réussi .
La création, en 1956, de
l’école CONDORCET désengorge les autres établissements de Bab El Oued. A
l’enseignement primaire de la première année s’adjoint le Cours Complémentaire
qui dispense, au deuxième étage, un enseignement secondaire de la 6 ème
à la 3 ème avec au palier supérieur, une classe de comptabilité. Un
amphithéâtre ultra moderne pour les matières scientifiques et un mini-stade en
guise de terrasse complètent l’harmonie de cet établissement.
Des professeurs
multi-disciplines comme Monsieur MESNER
(mathématiques-physique-chimie)
ou Monsieur BELLAÏCHE (français-histoire-géographie) adepte de méthodes
répressives d’un autre âge comme la fessée administrée à l’aide d’une grosse
règle qui déclenche simagrées de la part du « puni » et franche
rigolade des autres élèves.
Construit selon le même schéma
et à la même époque, le groupe scolaire de la rue de Dijon remplace l’école de
filles de la rue des Lavandières avec son enseignements primaire et secondaire,
le Cours Complémentaire de madame ARNAUD. Cette directrice originaire du département
de la Loire conjugue toutes les imperfections de la nature. Bossue, petite,
claudicante de la hanche gauche, et loucheuse, ( par courtoisie je n’emploie
pas le terme Bab El ouédien de bichelaouère) elle en impose par son érudition,
sa mise vestimentaire impeccable, parfaitement maquillée et parfumée. Tenant
tout son petit monde grâce à une poigne de fer, elle laissera un grand souvenir
à toutes les jeunes filles qui passèrent par sa classe et son école.
C’est en 1947 que s’installe à
Bab El Oued rue Léon ROCHES, une
école professionnelle juive, l’O.R.T. premier centre d’apprentissage
réservé aux enfants de la communauté. Les garçons y apprennent l’électricité,
la mécanique et la comptabilité, les filles le secrétariat et la couture.
Malgré la crainte de certains
membres israélites influents de voir la communauté faire œuvre de
particularisme en créant une école typiquement juive au sein d’un enseignement
laïc pouvant provoquer réactions et récriminations, d’autres établissements
s’installeront à Oran et Constantine, prouvant s’il en était besoin l’entente
cordiale des différentes composantes de l’Algérie.
La petite école de la rue
LARREY à la Consolation, sans doute la plus récente de Bab El Oued, dispense
enfin les garçons d’un fastidieux aller-retour journalier
Consolation-Messageries pour se rendre à l’école à Sigwalt.
N’oublions la petite école de
la rue Suffren, toute en rondeur, de
Madame DAHAN directrice qui est restée chère au cœur de tous
« ses » enfants de Léon Roches, Franklin, Rochambeau et Suffren
où elle enseigna.
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