Atlantico : Mercredi soir, un élève de l'école juive de Toulouse (où quatre personnes avaient été tuées par Mohamed Merah en mars) a été violemment agressé dans un train reliant Toulouse à Lyon, un mois seulement après une attaque contre de jeunes juifs dans la banlieue lyonnaise. Les actes antisémites sont-ils désormais "banalisés" en France ?
Gilles-William Goldnadel : Il semble quand même que les consciences s'éveillent par rapport à cette vérité, qui jusqu'à maintenant a été dénaturée, voire niée.
La négation a existé pendant très longtemps ! La tendance lourde des années 2000 était de qualifier la plupart des actes antisémites d'incivilités, de gestes désespérés de la part de "paumés" des quartiers, etc. La dénaturation résidait elle dans le fait de ne pas vouloir révéler l'origine des responsables de ces actes antisémites.
Pire, les associations prétendument antiracistes étaient les premières à laisser penser que ces agresseurs étaient issus du Front national, ou de simples "skinheads" ! D'ailleurs dans l'affaire de Mohamed Merah, le plus comique si j'ose dire, c'est ce que SOS Racisme osait nous vendre en pleine campagne présidentielle : derrière cette affaire était supposée planer l'ombre de l'extrême droite ! Cela a été une tendance lourde, voire obsessionnelle de la gauche et de son antiracisme. L'idée étant de vendre de "l'ectoplasme" pour cacher des êtres faits de chair et de sang.
Par une sorte de triste ironie, la réalité finit toujours par s'imposer, mais il est souvent trop tard !
Pour le reste, je ne sais pas si quantitativement, les agressions antisémites sont plus fréquentes. Reste dans tous les cas que cet antisémitisme est violent et installé, précisément parce qu'au moment où il était encore temps de l'empêcher, rien n'a été fait. Je ne vois pas très bien comment on va désormais pouvoir l'extirper.
Si un antiracisme véritable, non instrumentalisant et idéologisé, avait dit les choses comme elles devaient être dites, l'antisémitisme ne serait pas aussi ancré aujourd'hui dans notre société. Il suffisait pourtant de souligner que :
■L'antisémitisme de toujours a muté, et est désormais à l’œuvre dans les banlieues. Pire, il est à son zénith au sein de l'islamisme ;
■Cet antisémitisme islamiste prend sa source à l'antisémitisme islamique et arabe qui, en vérité, a toujours été puissant, contrairement à la légende dorée qu'on s'est plu à conter ;
■Cet antisémitisme islamique trouve de surcroît un accommodement de la part de l’intelligentsia, qui elle-même a viré à un antisionisme virulent. D'une certaine manière, elle s'est accommodée à un anti-israélisme radicalement antisémite qui n'a rien à voir avec la critique éventuelle du gouvernement israélien.
Pourtant, les chiffres communiqués par la Commission nationale consultative des droits de l'homme (qui travaille auprès du gouvernement) expriment très clairement une baisse avérée des "faits antisémites". Ces derniers entre 2009 et 2010 passant de 815 à 466, soit une baisse de 43%.
Ne croyez-vous pas en réalité que ce sont les actes de violence en général qui sont banalisés ?
Je sais simplement que qualitativement, depuis l'assassinat d'Ilan Halimi et le massacre de Toulouse, on a changé de braquet. J'ai très clairement l'impression que la tendance est à la hausse.
Au-delà de la quantité, on est plus du tout dans le même ordre de violence qu'il y a encore quelques années, et c'est indéniable !
Reste que comme la réalité des actes antisémites commence à poindre, on peut enfin en finir avec les simples d'esprit qui pinaillaient sur l'existence même de ces agressions...
Pensez-vous que les médias n'abordent pas assez la question de l'antisémitisme ?
Les médias font enfin leur travail. Car il y a encore quelque temps, les médias cachaient, niaient et dénaturaient les actes antisémites. Le lecteur avait le choix, il s'agissait soit de règlement de "bandes" inter-ethniques, d'agressions aveugles, etc.
Reste que de manière générale, il y a encore quelques progrès à faire...
En particulier pour Le Nouvel Observateur qui titre de manière racoleuse en UNE sur "Antisémitisme, ce qu'on ne veut pas dire"... Et qui ne trouve personne d'autre à interviewer sur la question que Théo Klein et Esther Benbassa (sénatrice Vert, une référence !), sans doute les deux plus importants vecteurs des années 2000 qui ont contribué à occulter le débat. Avec des experts pareils, peu de risques de voir baisser la violence antisémite
Le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, a fait part jeudi de sa condamnation "la plus ferme" après la violente agression mercredi d'un élève de l'école juive de Toulouse. Maintenant que les agressions antisémites sont médiatiquement et politiquement reconnues, n'est-il désormais pas temps de se pencher sur leur origine ?
Le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, a fait part de sa condamnation "la plus ferme" à l'égard de l'agression précitée. Une telle condamnation, même avec les formes et la gravité nécessaire, est-elle suffisante ?
Les déclarations de Manuel Valls se résument à l'histoire du verre à moitié vide ou à moitié plein. Il est évident que par rapport à la sinistre période de Lionel Jospin / Daniel Vaillant, qui ne voulaient rien voir, ni antisémitisme radical ni antisémitisme des banlieues, c'est évidemment préférable. Mais je voudrai quand même pouvoir lire sous la plume du ministère de l'Intérieur l'existence de l'antisémitisme d'origine islamique.
Je crois qu'il est temps de franchir le pas !
Dans ces conditions, quelles mesures devraient être prises ?
Tout d'abord, commencer par dire les choses. Ensuite, Jean-Christophe Rufin avait remis à la demande de Dominique de Villepin un rapport (qui a été enterré) où il expliquait que s'il on voulait vraiment combattre utilement l'antisémitisme, il fallait également proscrire l'antisionisme radical qui se dissimulait à peine derrière l'antisémitisme. Le MRAP et autres ligues des droits de l'Homme s'y sont violemment opposées, puisque cela heurtait leur anti-israélisme pathologique.
Il faut donc en finir avec ces a priori sur la communauté juive ! Premièrement, l'on nous explique régulièrement que l'État Hébreu en tirant sur les enfants palestiniens n'est rien d'autre qu'un État "nazi". Si l'on considère les propos tenus par Stéphane Hessel, qui affirme que l'occupation israélienne dépasse de loin l'occupation nazie et que la communauté juive de France est solidaire de l'État hébreu, alors il serait très facile par syllogisme d'en déduire que les Français juifs se sentent plus proches des nazis ! A ce stade, je ne voudrais pas nous plus que l'on perde de vue que pareilles violences ne peuvent pas être déconnectées d'un racisme anti-français et anti-occidental que personne ne veut voir.
En résumé, si on ne veut pas prendre des mesures contre l'antisionisme radical, y compris dans la prohibition juridique et morale (car tout est affaire de morale, les gens en banlieue ont également un "surmoi"), la situation ne changera pas. Pour l'exemple, dans les quartiers, on voit une minorité non négligeable qui ne veut pas participer à la minute de silence suite à la tuerie de Toulouse. Il nous faut donc éduquer ou rééduquer ces enfants (et pourquoi certains journalistes) au vivre ensemble. Dans le cas contraire, pourquoi voulez-vous que cela s'arrange ?
Propos recueillis par Franck Michel
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