mardi 10 avril 2012

LE DESTIN FABULEUX DE LEON JUDA BEN DURAN "SIEUR DURAND D'ALGER" de Hubert Zakine

La guerre BACRI-DURAN

Le contrat signé, il lui fallût respecter sa parole auprès de MAHI ED DINE, homme scrupuleux qui avait honoré l'amitié qu'il portait à son jeune protégé. Aussi s'empressa t-il de proposer des associations bilatérales à quelques familles juives et maures dont l'hostilité envers la Maison BACRI ne faisait aucun doute. Les OUALID, MOKRANI, BOU MAZA et TABET s'allièrent ainsi à la Maison DURAN après de rudes négociations portant sur la répartition des produits et des bénéfices.

L'enjeu fut tel que Léon Juda y laissa quelques plumes mais parvînt tout de même à ses fins.

Exclue de commerce d'ORANIE, la Maison BACRI renforça son influence sur la Province du TITTERI et sur EL DJEZAIR. Auprès du Dey Omar BEN MOHAMEDI, successeur de HADJ ALI, assassiné par l'un de ses "mignons", le "vieux" Joseph BACRI redevînt l'éminence grise de la Régence, cumulant les fonctions de banquier et de nouveau Chef de la Nation Israélite.

Fort de cette confiance retrouvée, s'appuyant sur le soutien inconditionnel et en l'absence de véritable concurrence, le "vieux" multiplia les décisions sectaires et partisanes envers ses adversaires communautaires et les partenaires commerciaux de la Maison DURAN. N'hésitant pas à devancer les condamnations arbitraires de ses coreligionnaires et même à les exiger.

Ainsi, le 7 juin 1815, le Grand Rabbin Isaac ABOULKER et six notables Mardochée SERROR, Aïm LEVY-VALENSI, Aaron KOUBI, David LASRY, Jacob SOULTANA et David BEN HAIM furent décapités en Place des suppliciés juifs pour une banale histoire de dîme non réglée sans que le Chef de la Nation n'intervienne.

Omar BEN MOHAMEDI se révéla un régent sanguinaire tout au long de son règne qui dura vingt mois ( 2-1-1815 / 28-8-1816 )

L'été brûlant d'EL DJEZAIR était porteur de nombreux fléaux. En août 1815, telle une horde sauvage, une invasion de sauterelles s'abattit sur la capitale dévastant tout sur son passage, ne laissant que ruine et désolation. Poussée par un fougueux sirocco venu du Sahara, elle s'approchait dangereusement du Palais de la "JENINA" et de ses jardins, précieusement conservés par le Dey.

Fort de ses privilèges, Omar BEN MOHAMEDI réquisitionna quarante juifs chargés de préserver la résidence du Pacha, ses jardins et ses parcs. Jour et nuit, les israélites se relayèrent pour combattre le fléau ravageur à l'aide d'éventails de grande dimension, agités sans discontinuer devant la voracité des insectes.

Les gestes et les réflexes engourdis, les juifs parvinrent, malgré tout, à mener à bien cette tache épuisante et l'intégrité des jardins de la "JENINA" fut conservée. Hélas, un petit bosquet planté d'asphodèles sauvages à l'entrée du Palais avait servi de repas aux sauterelles.

Ivre de rage, le Dey d' EL DJEZAIR s'empara de sept juifs pris au hasard parmi les quarante qui défendirent sa propriété durant trois jours et deux nuits.

Il les fit exécuter, coupables à ses yeux de négligence, synonyme pour le pouvoir ottoman de désobéissance.

Ainsi régnait le cruel Omar BEN MOHAMEDI, la terreur pour toute justice et la mort pour toute sanction.

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Les entrepôts de Léon Juda situés au "fondouk" BAB EL DJEZIRA regorgeaient de marchandises et de denrées périssables. La première caravane pour MASCARA, ARZEW et ORAN s'activait déjà tandis que, dans le port, le brick de Nathan MIGUERES attendait, toutes voiles gonflées, la dernière pièce de fonderie commandée pour la défense du Fort de MERS EL KEBIR.

Au large, la flotte britannique menaçait depuis quelques jours la citadelle. Elle envoya un émissaire auprès du régent afin d'exiger la restitution des prisonniers chrétiens réduits en esclavage dans les prisons de la ville ainsi que l'abolition de cette pratique barbare.

Devant le refus hautain et dédaigneux du Dey, l'ultimatum anglais fut suivi d'un bombardement en règle du port et de la basse "kasbah", à la grande surprise d'un Léon Juda, effaré, qui vit disparaître en fumée, le brick affrété le matin même.

Résigné devant la puissance de feu de l'escadre britannique, appuyée par la marine de guerre hollandaise, Omar BEN MOHAMEDI accepta les conditions du vainqueur, l'Amiral Lord EXMOUTH.

Tous les juifs, Léon Juda en tête, accoururent à la Grande Synagogue pour constater les dégâts. Le Temple n'avait pas souffert des bombardements mais, tout, autour d'eux, n'était que ruine et désolation. Les cadavres jonchaient le sol recouvert de gravats et, une fois de plus, le quartier juif de la "hara" payait un lourd tribut à la folie des hommes.

Omar BEN MOHAMEDI, coupable, aux yeux de certains dignitaires de la ville, et surtout de la milice, d'avoir trop vite obtempéré aux injonctions de l'Amiral Lord EXMOUTH, fut assassiné le 28 août 1816 par celui qui allait lui succéder, ALI KHODJA.

A SUIVRE......................

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