vendredi 27 janvier 2012

MARIE TOI DANS TA RUE MON FILS! de Hubert Zakine

Cannes « festivalait » en paillettes et smokings. BACH, MOZART et BRAHMS parcouraient les rues et les placettes, de la croisette au marché, de la rue d’Antibes à l’avenue Carnot. Nul ne pouvait échapper à cette semaine de la musique classique organisée par le comité des fêtes. Concertos et symphonies envahissaient la ville, diffusés par les nombreux haut-parleurs disséminés aux carrefours. Il faisait beau. La musique était belle. Richard allongeait son pas, rythmant sa démarche sur le déferlement d’une polonaise de CHOPIN.

Le rabbin attendait Richard qui avait préféré se rendre seul au rendez-vous de l’homme de Dieu. Le chapeau austère, la barbe noire en guise de cravate, le costume sombre mais le sourire accueillant, Moïse Zekri pria Richard de prendre place. Le bureau du Rabbin respirait la méditation et l’odeur du cuir usagé. Une vieille bibliothèque affichait un large éventail d’ouvrages religieux qu’un chandelier d’argent illuminait de sa présence. A droite, une photographie, datant sans doute de quelques décennies, désignait un vénérable patriarche au respect des visiteurs. Un grand Rabbin, pensa Richard. Un saint homme.
--« Que puis-je faire pour toi, mon fils? »
Richard inspira une grande bouffée d’air avant de se confier à son interlocuteur.
--« Monsieur le Rabbin, je voudrais connaître la marche à suivre pour avoir des enfants juifs avec une catholique! »

La formulation de la question fit sourire l’homme mais le désarroi de l’enfant se lisait tant sur son visage qu’il se reprit instantanément, visiblement gêné de sa légèreté passagère.
--« Disons en préambule que les filles de la communauté sont plus à même de mettre au monde des enfants juifs. Cela se fait depuis la nuit des temps. Il s’agit de l’acte le plus naturel qui soit de même que les musulmanes offrent la vie à des bébés musulmans et que les enfants chrétiens naissent d’unions entre catholiques. Ceci posé, je présume que si tu viens me voir, c’est qu’une jolie « goy » t’a ensorcelé et que mille questions t’assaillent. Mais l’interrogation majeure, la seule qui doit t’interpeller est celle qui tambourine depuis des lustres le cœur du juif: qui je suis et où je vais? »
Il s’interrompit une seconde pour sourire de son parler pied noir.
« Tu vois! Dés que je me lâche, le naturel revient au galop. Mon père me parlait d’un proverbe arabe qui disait ceci : « C’est la poussière de la terre natale qui te donne ton accent » . Que veux-tu, je suis né à Constantine, pas à Paris. »
Il poursuivit:
« Qui es-tu? Le maillon d’une chaîne qui inscrit son nom dans l’histoire de tous ceux qui t’ont donné la vie. Pas seulement ta mère! Pas seulement ton père! Mais la multitude qui t’a précédé à l’intérieur du nom que tu portes, qu’elle t’a légué aux prix de mille souffrances traversées. Ton nom, c’est le passeport invisible qui appartient à ta famille et au peuple juif. Qui sont indissociables pour l’éternité! Saches le, avant de te lancer dans une aventure sans doute vouée à l’échec ou bien à beaucoup d’incompréhension et de chagrin……………. »
--« Mais justement, Monsieur le Rabbin, c’est pour éviter tous les chagrins et en particulier celui de ma mère, que j’ai évoqué avec cette petite la possibilité d’une conversion! » se défendit Richard.
--« Bien sur que la conversion existe mais elle est très loin de ressembler à une allée fleurie. Pour cette petite et pour les instances religieuses qui devront donner leur verdict après des années d’études hébraïques, rien ne sera simple. "
Le Rabbin poursuivit :
--« Il faudra qu’elle assiste, plus qu’une autre, et en tous les cas, plus qu’une juive, à tous les offices. Elle devra respecter à la lettre la loi de Moïse. Il lui faudra abjurer sa propre religion pour se consacrer entièrement et exclusivement à celle d’Israel. Car chez nous, mon fils, la mère est la poutre maîtresse de même que la clé de voûte de l’édifice familial contrairement à ce que colporte le vent de modernisme qui envahit les esprits malins. On exigera d’elle un comportement exemplaire et rien ne lui sera pardonné. Il faut le savoir et surtout qu’elle le sache. Et ses parents aussi. »
--« Et si ses parents refusaient la conversion, elle pourrait quand même devenir juive? »
--« Il faut savoir que tout un chacun peut se convertir à condition de ne jamais transgresser la loi de Moïse. Mais si tous les chemins mènent à Rome, celui qui ouvre les portes de Jérusalem est volontairement semé d’embûches. A ceux et à celles qui désirent entrer dans le judaïsme de prouver que leur volonté est dictée par un attachement, une adhésion aux fondements mêmes de la religion juive et non par amour d’un enfant d’Israël. »
--« Quelle différence çà fait aux yeux des décideurs? » questionna Richard, empêtré dans sa crédulité.
--« Quelle différence? » s’insurgea gentiment Moïse Zekri.
--« Mais toute la différence est là! Comment veux-tu que fonctionne un foyer juif si la femme, l’épouse, la mère, celle qui transmet la tradition n’est pas convaincue que la parole de l’Eternel est inscrite dans la Thora? Si elle n’est pas imprégnée d’Israël, comment veux-tu qu’elle croie à sa mission? Si seul l’amour pour l’homme juif guide ses pas, alors mon fils, sa route prendra tous les chemins de traverse qui seront autant d’obstacles à la pérennité d’un foyer heureux. Attention, je ne prétends pas que seuls les foyers juifs sont heureux. Mais dans ce cas précis c’est ce dont il est question ».

Le Rabbin regarda Richard droit dans les yeux. Il se leva de son fauteuil dans un geste empreint de distinction. Puis, tournant le dos à son jeune interlocuteur, il ouvrit la porte vitrée de la bibliothèque, bascula de son index un ouvrage ancien intitulé : « fonder un foyer juif ». Il referma précautionneusement l’armoire puis se rassit dans son fauteuil en tendant le livre à Richard.
--« Nous sommes convaincus de la justesse de notre analyse. Un foyer où règnent l’harmonie et l’amour puise à la source de la religion son plein épanouissement. C’est une raison de plus qui peut paraître essentielle à certains, secondaire à d’autres, de s’aimer. C’est un lien indéfectible qui se noue entre deux êtres ou entre plusieurs individus qui prient le même D….. Faire partie du peuple élu suppose une responsabilité envers toute la communauté, envers ta famille, envers ton nom.
Et n’oublies jamais que le patronyme est la face émergée du judaïsme. Donner ton nom à un enfant qui ne serait pas juif couperait de facto le cordon ombilical avec le judaïsme. »
L’homme de D…. invita d’un geste de la main l’enfant à se lever et se diriger vers la porte.
--« Lis ce livre, réfléchis et reviens me voir avec cette petite, s’il y a lieu! » conclut-il.

A SUIVRE..............

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