mardi 26 juillet 2011

Pourquoi il existe un montée de l’« extrême droite » en Europe – Guy Millière


On va entendre et on entend déjà des discours suggérant qu’il existerait une menace d’ "extrême droite" en Europe, et la tuerie barbare et ignoble à laquelle s’est livrée Anders Behring Breivik à Oslo ces derniers jours vient et viendra étayer l’argumentation.
Il ne fait aucun doute qu’il existe présentement une montée de courants d’extrême droite en Europe, et que des individus dérangés mentalement et se considérant proches de ces courants peuvent passer à l’acte.
Il importerait, cela dit, de voir pourquoi ces courants montent.
L’Europe aujourd’hui est tout à la fois dans une situation de confiscation de la démocratie par les structures technocratiques de l’Union Européenne, de dysfonctionnement économique croissant, de vieillissement, et de mutation de population.
L’arrivée de populations musulmanes nombreuses qui, pour partie, s’intègrent, mais, pour partie, ne s’intègrent pas, est une réalité.
L’émergence de phénomènes de bandes ethniques radicalement hostiles à la civilisation occidentale est une réalité aussi.
Des populations confrontées à une démocratie confisquée, à des économies détraquées et à la paupérisation, au vieillissement, à la non intégration de certains groupes, et à la violence de bandes ethniques hostiles envers leur propre civilisation, peuvent ressentir diverses formes de frustration.
Le fait que ces frustrations ne puissent pas s’exprimer sans être immédiatement stigmatisées de manière insultante renforce les frustrations.
Les actes commis par Anders Behring Breivik sont, je le répète, barbares et ignobles. On ne peut, pour autant, les déchiffrer en dehors du contexte que je viens de décrire. Le « politiquement correct » européen, et la façon dont il interdit certaines paroles et certains propos a des conséquences.
L’aveuglement volontaire qui accompagne ce « politiquement correct » a des conséquences aussi.
La relativisation des valeurs éthiques, l’impossibilité de distinguer le bien du mal, sauf pour s’obnubiler sur un seul « mal » qui serait l’ « extrême droite » (et la définition de l’expression « extrême droite » est en Europe aujourd’hui si élastique, qu’il semblerait parfois que l’extrême droite commence à la hauteur de l’épaule droite de François Hollande ou de Martine Aubry), le dogme socialiste qui conduit à traiter les coupables en victimes et, parfois, les victimes en coupable (sauf quand les victimes et les coupables sont définis comme d’ "extrême droite") viennent ajouter leurs effets délétères.
Il en résulte, par exemple, qu’en Norvège, les policiers ne sont pas armés et que le postulat de base est que la police n’a pas à intervenir, sinon, essentiellement, pour procéder au « dialogue social ». Une police plus efficace n’aurait pas mis quatre vingt dix minutes à intervenir pour arrêter un tueur.
Il en résulte qu’un tueur comme Anders Behring Breivik risquera un maximum de vingt et un ans de prison, avec d’éventuelles remises de peine : cela place le prix à payer pour l’assassinat d’un être humain, dans le cas présent, à environ quatre vingt jours d’emprisonnement.
Il en résulte qu’en Norvège, comme en d’autres pays d’Europe, on peut accorder l’asile politique à des djihadistes et à des islamistes, et fermer les yeux sur leurs appels à la violence, tout en interdisant par la loi tout propos hostile au djihadisme et toute critique envers l’islamisme.
Il en résulte qu’en Norvège comme en d’autres pays d’Europe, on peut tolérer l’antisémitisme s’il s’offre des habits neufs « antisionistes », et s’il émane de djihadistes et d’islamistes : à un point tel que la Norvège est aujourd’hui l’un des pays les plus antisémites d’Europe, bien qu’y vivent fort peu de Juifs. Oslo n’en est pas encore au degré de Malmö en Suède, où la chasse aux Juifs est ouverte, mais une atmosphère s’installe, et les plaintes déposées contre des auteurs de propos ouvertement antisémites débouchent sur des acquittements. Très logiquement, la Norvège est le pays le plus radicalement anti-israélien d’Europe, et le parti travailliste norvégien au pouvoir est l’un des partis les plus anti-israéliens de tous les partis politiques européens.
Les bandes ethniques en Norvège existent et, comme ailleurs en Europe, sont vectrices d’une haine envers la civilisation occidentale, qui s’est manifestée par de violentes émeutes à Oslo en 2009, émeutes dont on n’a pas parlé dans les médias français. Elles ont leur propre contre-culture, comme c’est le cas dans d’autres pays d’Europe. Le contenu de cette contre-culture est, d’après Bruce Bawer, écrivain américain vivant en Scandinavie, similaire au contenu d’autres contre cultures en Europe.
En ne regardant pas les relations de cause à effet, et en voulant s’en prendre aux effets sans regarder les causes, on risque de se trouver confronté à des situations de plus en plus explosives.
Anders Behring Breivik est un monstre criminel : c’est un monstre criminel non pas parce qu’il est d’ "extrême droite", mais parce qu’il est un monstre criminel, et que son comportement est celui d’un psychopathe. Il se trouve que c’est un psychopathe qui a lu certains textes et qui a construit sur la base de ses lectures un discours de type paranoïaque très structuré. Mais ce discours est loin de prendre toutes les références chez des auteurs qu’on peut qualifier comme d’ "extrême droite" : on y trouve, outre des conservateurs américains, des libéraux classiques tels John Stuart Mill (je n’ai pas vu un seul journal dire qu’Anders Behring Breivik avait été influencé par des idées libérales : cela viendra peut-être), et des passages entiers du manifeste d’un autre terroriste psychopathe, celui qu’aux Etats-Unis on a appelé Unabomber, et dont les références étaient technophobes et écologistes (je n’ai pas vu un seul journal dire qu’Anders Behring Breivik avait des motivations écologistes et technophobes, je doute que cela vienne un jour).
Anders Behring Breivik est censé avoir été « chrétien » et avoir prétendu incarner les valeurs de la civilisation occidentale, mais, en tuant des innocents de manière barbare, il a trahi les valeurs du christianisme et celles de la civilisation occidentale. Il constitue une exception monstrueuse parce que des comportements comme le sien sont considérés comme monstrueux dans les sociétés chrétiennes et de civilisation occidentale.
S’il avait été islamiste, aurait-il été considéré comme trahissant les valeurs de l’islam radical ? Aurait-il constitué une exception monstrueuse ? Son comportement aurait-il été considéré comme monstrueux par la quasi totalité des populations du monde musulman ? Les questions méritent d’être posées. Je pense n’avoir nul besoin d’y répondre.
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© Guy Millière pour Drzz.fr

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