vendredi 15 juillet 2011

LETTRE D'UN PIED NOIR A NOS ENFANTS

Quelques jours avant ou quelques jours après l’indépendance de l’Algérie, anciens Départements Français, vos parents ont du se décider à quitter cette terre pour rejoindre dans leur grande majorité la métropole, pour rester Français et échapper bien légitimement à de grands dangers. Souvenez-vous de l’expression "la valise ou le cercueil.." Pour vous sauver du cercueil, Chers enfants, nous avons choisi la valise et par avion ou navire nous avons rejoint cette encore grande inconnue pour certains d’entre nous, que nous portions dans nos coeurs "LA FRANCE". Inconnue territorialement s’entend, à part pour ceux qui y étaient venus y faire leur service militaire, pour y combattre l’ennemi en 14/18, et pour la libérer au cours de la deuxième guerre mondiale de 1939/1945, guerres dans lesquelles vos grands pères et pères ont connu l’honneur de ne pas avoir déposé leurs armes et des les avoir portées haut et fiers, comme des lions courageux jusqu’à la victoire de 1945, et pour d’autres qui avaient eu le plaisir d’y venir en vacances ou en voyages d’affaires. Cette France nous la connaissions à travers les récits de nos grands parents et parents et par nos études scolaires et universitaire et nous portions son histoire dans nos pensées comme un symbole de "LIBERTE, EGALITE, FRATERNITE" sous l’étendard de la République Française.
Vous ètes arrivés enfants en France où vous y êtes nés et parfois vous vous interrogez sur cette expression Pieds-noirs que l’on utilise pour nous qualifier et que nous utilisons aussi entre-nous. Vos parents ont du garder une petite pointe de cet accent enjoué et les expressions qui nous caractérisent. Une certaine pudeur nous empêchent parfois, pour vous éviter le passage de la guerre d’Algérie et ses souvenirs douloureux, de vous enseigner exactement qui nous sommes vraiment. D’abord des Français de souche et des Français par option volontaire, de toutes origines européennes. Nos ancêtres lors de la conquête de l’Algérie arrivaient de France, d’Espagne, d’Italie, des Baléares, de Corse et d’autres pays d’Europe, pour s’établir sur ce pays dont les terres en friches s’offraient à nos travaux.
Pourquoi la France a-t-elle conquis l’Algérie ?.... Dans un raccourci, indiquons que par suite d’un incident diplomatique insultant à l’égard du Consul de France de la part du le Dey d’Alger, (ville qui se trouvait sous domination turque) pour relever notre honneur, mais surtout parce que les pays d’Europe en expansion étaient persuadés de devoir, au nom de l’humanité et de son bien-être économique, de porter le flambeau de leur civilisation et de leur savoir faire, dans des pays que l’on pourrait considérer de nos jours comme des pays hyper-sous-développés. Il était important aussi pour notre commerce d’assainir la méditerranée des pirates qui abordaient et pillaient quantité de navires et de nous assurer une place forte en Afrique du Nord. 
Une fois établis dans le pays, vers 183O environ, peu à peu au fil du temps nous nous sommes mariés entre Français - Italiens - Espagnols - Corse, et tous autres européens et on nous appelaient bien souvent les Européens d’Algérie. Pour ces raisons de mariages entre européens, nous avons dans une même famille des blonds aux yeux bleux, des châtains roux aux yeux verts et des bruns aux yeux noirs. Sur nos tables familiales se présentent tous les plats d’Europe, nous sommes gourmets : paëlla, rizotto, pates en sauce tomate, civets, escargots, tomates-poivrons-aubergines-courgettes farcies ou finement cuisinées, petits patés au fromage, à la viande, ou à la soubressade, beignets salés ou sucrés, cocas et pizzas à la tomate et aux poivrons ... viandes roties ou en sauce fines, etc... je ne peux pas tout citer, mais je n’oublierai pas notre gourmandise pour les fruits de mer et les poissons, sans oublier les délicieuses pâtisserie parfumées à la fleur d’oranger ( Ah ! les mounas de Pâques), les montécaos à la cannelle, les oreilletes etc...Nous sommes de bons mangeurs et nous aimons aussi les fruits frais, pastèques, melons, raisins, abricots, prunes, oranges, mandarines et les confitures, sans oublier tous les fruits secs ; Enfin nous savons aussi tenir nos verres à l’apéritif avec l’anisette et la khémia, et nous apprécions les bons vins pendant le repas et les liqueurs à la fin, avant le kaouah ! Nous sommes comme on dit "des bons vivants", nous avons une bonne fourchette et savons lever notre verre dans les bonnes occasions. Ah ! j’allais oublier le couscous et le méchoui........ce sont des plats que nous apprécions la-bas et que nous avons mis au goût du jour dans les "raouts" en France et les Français de France apprécient aussi notre cuisine, quoiqu’il vaut mieux les prévenir quand notre "cheval de Troyes culinaire" contient un ennemi puissant des palais délicats : je veux parler du piment et de l’harissa ... Aie ! Aie ! Aie !..... La cuisine comme la littérature et les arts fait partie de notre culture et c’est autour d’une bonne table que l’on fait plus ample connaissance, que les langues se délient et que finalement on s’aperçoit que patos ou pieds-noirs c’est du pareil au même pour ce qui est de l’appéciation des mets et des bons vins.
Pour l’appréciation de nos idées politiques c’est parfois autre chose.... mais enfin en gens bien éduqués nous sommes tolérants des deux côtés et nous évitons les sujets à rebrousse-poils, quoique nous avons le souci d’informer et de remettre poliment ( en évitant le coup de bélier) les pendules cérébrales et intellectuelles à l’heure quand il le faut.
Enfants et petits enfants de pieds-noir vous appartenez à une dynastie de travailleurs, vos ancêtres en Algérie ont défriché de leur mains des terres incultes et des marais pestilentiels où sur des boues et eaux infestées régnaient la malaria, le paludisme et bien d’autres maladies mortelles à l’époque  dont des centaines des notres sont morts quelques temps après leur arrivée et pendant quelques décennies ensuite, en attendant que tout le pays fût assaini. 
Puis peu à peu ces travailleurs ont planté des cultures, céréales, vignes, jardins potagers, jardins fruitiers, plantes et fleurs, des arbres venus de France et ils ont construit des maisons, des routes, des villages, des écoles, des hôpitaux, ont établi des commerces et des entreprises, crée des musées, des théatres et des opéras, des lieux de cultures et de distractions. Tout celà ne s’est pas fait en un jour ... il a fallu beaucoup de sueur et d’huile de coude.
Ils y avaient aussi des médecins, des pharmaciens, des ingénieurs, des hommes d’affaires et de lois, des fonctionnaires, des marins, des transporteurs, des travailleurs artisans, maçons, mécaniciens, tailleurs et spécialistes de tous les métiers qui ne ménageaient pas leurs temps pour édifier l’oeuvre commune. Certains villages de basse kabylie, construits par les Alsaciens et les Lorrains arrivés en Algérie vers 1870 ressemblaient comme deux gouttes d’eau à certains villages anciens que vous pouvez visiter en Alsace et en Lorraine. D’autres villages ou hameaux du début de la conquête, construits par les Espagnols et les Mahonnais au coeur de leurs cultures, rappelaient l’Espagne et les Baléares. Je pense tout particulièrement au Hameau de Bou Hamédi, près du Fondouk, avec ses maisons basses aux murs blanchis à la chaux, et ceux qui connaissent le nom de ma famille comprendront pourquoi : il a été entièrement édifié par les famille Gonalons, Pons, Gornès Vidal et d’autres noms qui m’échappent, tous apparentés ; le dernier ouvrage très important édifié au Fondouk avant l’indépendance, le BARRAGE du FONDOUK, l’a été sous la conduite de Jean Gornès, ingénieur des Arts et Métiers, fil de feu Laurent Gornès cousin de ma Grand mère Feu Agathe Gornès. Pardonnez-moi cette parenthèse qui évoque mes très anciennes racines paternelles. 
Les arbres que vos ancêtres avaient plantés et acclimatés venaient de France et des pays d’Europe et peu à peu cette terre hostile, fertilisée et caressée par leurs mains travailleuses était devenue notre Belle France d’Algérie. Les habitants originaires du pays ont acceptés pour certains d’entre eux, de travailler avec nous, d’autre pas. Pour ces derniers, nos moeurs étaient trop occidentales et ils craignaient qu’à l’exemple des européennes leurs femmes ne s’instruisent et s’émancipent et c’est pourquoi tout en vivant en bonne entente socialement dans la vie publique de tous les jours, nous vivions de façon parrallèle nos vies privées, nous dans nos coutumes et traditions et eux dans les leurs ; les différence de religions, éléments qui comptaient à l’époque, rendaient tout mariage impossible entre les deux communautés.
Celà n’a pas empêché de solides amitiés de se forger. Il y a eu très peu, presque pas, de mariage mixte Français et musulmans, sauf dans quelques rares grandes familles évoluées et tolérantes. Mais pour le travail et les affaires grandes et petites, nous nous étions habitués progressivement à travailler ensemble en bonne efficacité et entente. Nous avons vécu là-bas pendant cinq, six générations en moyenne ; vos grands-pères et pères sont venus à deux reprises en France et en Europe faire leur service militaire et surtout faire la guerre de 14/18 et celle de 39/45 pour défendre la France (la Mère Patrie) contre ses ennemis de l’époque, et ceux qui n’y sont pas morts tués au combat sont revenu chez eux en Algérie, quelquefois avec une fiancée Française "de France" qu’ils n’ont pas manqué d’épouser. 
Nous sommes fiers de leurs actions et il vous arrivent certainement parfois, si vous fouiller dans leurs affaires, de trouver des décorations militaires, croix d’honneur, croix de guerre et médailles militaires. A leur honneur beaucoup d’Algériens étaient à leur côté, dans l’Armée Française. Beaucoup de jeunes Français d’Algérie sont aussi partis comme militaires pour défendre le Maroc et la Tunisie  mais dans ces derniers cas, victorieux sur les terrains d’opérations, ils ont été trahis et abandonnés par des politiciens de basse envergure. 
Nous étions citoyens à part entière et quand la France était en danger nous étions tous présents sous le même drapeau tricolore. C’est ce que l’on appelle le patriotisme et ce que j’appelle moi "l’honneur d’être un homme". Les valeurs militaires, celle du courage et de l’honneur ont été injustement bafouées par des politiciens de bas étages, incapables et félons :
Ne vous laissez pas intoxiquer par leur propagande de faux-intellectuels. Mais vous, que feriez-vous si votre pays et votre famille étaient attaqués par un ennemi féroce ? ..
Laisseriez-vous égorger vos pères, mères, épouses et enfants.
Laisseriez-vous envahir votre pays les bras croisés .... Je suis sûre que non. Il ne s’agit pas d’attaquer, nous sommes pacifistes, mais de savoir se défendre. Pour le moment ici nous sommes relativement en paix. Alors, chacun d’entre vous selon votre personnalité, vos qualités, vos goûts, vos tendances et possibilités, choisissez un but ; profitez de votre temps d’enfance, d’adolescence et de jeune adulte pour vous instruire, apprendre un métier ou un art, sans oublier de vous distraire sainement : la fête fait aussi partie de la vie ; tout est utile pour votre avenir et pour le pays.
Ne perdez pas votre temps précieux, évitez les excès de verbiage pseudo-intellectuels ou politiciens, les polémiques oiseuses, n’entrez pas dans de vaines querelles partisanes, utiliser vos forces et votre intelligence pour vous livrer à des actions concrètes, constructives, utiles pour vous-mêmes, pour votre entourage et l’environnement.
Il vous faut comme l’on dit "se situer dans le paysage" Vous faites partie d’un ensemble qui demain formera l’Europe nouvelle. Notre Belle Algérie de France par ses divers composant en était le prélude, nous avons déjà tous travaillé ensemble... et il y encore du pain sur la planche à pétrir.
Vous avez votre mot à dire, qu’il soit de vérité et de justice ; vous avez une place à prendre, vous êtes en France et dans tous les pays d’Europe légitimement chez vous, par descendances, coutumes et traditions.
Ne vous laissez pas marcher sur vos pieds-noirs, soyez fiers de vos ancêtres proches et lointains, même si en plus de leurs qualités ils ont pu avoir des défauts, comme tout le monde ; la perfection n’est pas d’ici-bas, comme vous le savez, mais il faut tout faire pour s’en approchez afin de vivre sa vie dignement. 
Nous les vieux pieds-noirs à l’ombre de notre soir, nous vous tendons le flambeau, avec des gestes et des mots tout simples qui peuvent vous paraître dépassés dans notre époque où règne un mode de communication outrancière, mais les modes passent et l’esprit demeure. Nous sommes la génération "mémoire-relais"
Prêts ? .... Partez.. Bonne vie et longue route enfants et petis enfants pieds-noirs et surtout n’oubliez pas comme l’on dit chez nous"comme on fait son lit, on se couche".

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