EXTRAIT POUR VOUS DONNER LE GOUSTO
Tous les jeunes du cabanon, y décident de faire le littoral à vélo. Comme ma mère, elle veut pas que j’me casse une jambe, zarmah je renonce. Total, je fais partie de la bande de brèles qui vont se prendre pour Louison Bobet ou Fausto Coppi. Moi, j’opte pour Bourvil dans « Les cracks ».
Colette, elle me promet de rien dire et nous voilà partis à la Pointe où un magasin y loue des vélos.
La vérité on peut pas dire qu’on a pas affaire à des vélos ! Seulement, ces vélos à louer, y doivent dater au bas mot, de la première guerre mondiale. Guidons sans poignées, sans frein, sans selle, avec des boyaux tout rafistolés et des roues qui sont plus voilées que les fatmahs que je croise dans la casbah. Quant aux phares, inconnus au bataillon. Moi et le vélo, en temps normal, on est pas tellement copains. Mais avec celui que le loueur y m’a confié, le départ en zig zag que j’me paye ! La vérité, même Bartali y ferait pas mieux. Colette, elle monte sur un vélo de femme exempté de guerre. Bernard et Jeannot, eux y z’ont hérité des deux seules bicyclettes qui déclenchent pas le fou rire. Comme Massip et Zélasco y se sont échappés, ces bâtards.
Moi je fais partie des « doucement le matin et pas trop vite l’après midi ». Putain que j’aime pas le vélo ! C’est fatigant et en plus, la vérité à quoi ça sert ? Ça fait mal aux jambes et c’est tout. L’autobus, sur ma vie, je préfère ! Colette, elle roule à côté de moi alors y faut que je souris ou sinon elle va croire que je souffre le martyr. Et elle aura raison ! Son cousin, Luc la tapette, l’amoureux de Ramsès, y rayonne de bonheur en devinant ma fatigue.
Et tous les autres, le peloton, y se croient au Tour de France. Le plus bizarre c’est qu’y forcent même pas. A moins qui sont de sacrés comédiens. Comme moi avec Colette.
Cahin, caha je boucle mon premier kilomètre. Tellement j’ai la tête dans le guidon (guidon, larzèze !) même pas j’ai vu le paysage. De temps en temps, je me retourne si par le plus grand des hasards, une voiture-balai elle ramasse pas les mourants comme moi. Aouah, y en a pas un qui a pitié. C’est normal, y me voit le sourire béat du babao amoureux aux lèvres. Comment y peut se douter que je suis à l’article de la mort ? Ca aussi c’est une expression que c’est sans doute un savant qui l’a inventée mais y nous a pas expliqué l’expliquement.
Plus le temps y passe, plus les mètres y défilent et moins je respire. C’est plus la voiture balai mais le corbillard qui va déboucher à L’horizon. Reusement que Colette elle pédale devant moi et je me dois de dire que son déhanchement y me déconcentre un maximum. J’ai vraiment pas besoin de ça hein ! A tel point que j’en oublie de pédaler. Presque je tombe.
Mon vélo y couine. Y doit être perclus de rhumatismes. Il est comme moi, épuisé. Pas la moindre pipette d’huile à l’horizon pour le revigorer. Dans pas longtemps, il est capable de rendre l’âme. A cette idée, j’en perds les pédales et je mets pied à terre. Colette, la pauvre, elle freine et là elle comprend. A voir sa tête, je dois faire peur. Comme Zaaf après l’étape qui l’avait vu faire la route à l’envers après un virage mal négocié.
Cuila qu’il a inventé le vélo, Il aurait mieux fait d’inventer l’automobile, c’est moi qui vous l’dis. Et en plus ça tient mieux la route.
Luc le coulo y croit me rendre service. Zarmah, il est mon entraineur.
--« Pédale relâché ! »
Qué relâché. Je lui demande si sa grand-mère elle fait du vélo à çuila ? En plus il a des jambes on dirait des baguettes à tambour. Sans poil. On dirait une gonzesse. Une gonzesse qui me prend dix mètres sur un tour de pédale. Je le hais.
Allez va, je vais faire un effort. Je suis le conseil de mon nouvel entraîneur et le miracle y s’accomplit. Je me relâche. Putain, le vélo y tient tout seul. Je pédale plus dans la choucroute. A chaque effort, le vélo il avance tout seul. Moi et mes jambes poilues, on va battre le record de l’heure. Tellement je roule vite que j’ai peur sur cette bicyclette sans guidon et sans frein. Purée, Luc, c’est le meilleur entraîneur du monde. Colette, elle me tient pour un futur vainqueur du Tour de France. Pour la remercier, j’ai envie de lui toucher les tétés mais si je lâche le semblant de guidon de mon vélo, je tombe.
Bains Romains, Baïnem, Guyotville, les doigts dans le nez je les vois défiler comme dans un rêve. On dirait que je me suis dopé aux bli-blis et aux tramousses. Sûr que je vais rattraper Luc, mon nouvel entraîneur qui s’est pas fait prier pour accélérer dans une petite côte, histoire de montrer qui c’est le roi de la petite reine. Quand je vous dis que c’est un coulo ! La vérité, il aurait pas pu attendre le reste de la bande pour nous faire grimper la côte. Coulo, va !
Y a pas à dire. Ma mère elle a toujours raison. Le Bon Dieu, toujours y choisit les siens. En bas la descente, jamais vous devinez qui on voit affalé sur le bord de la route, le genou en sang et la tête en tchic tchic à trois faces ? Mon entraîneur la tapette. Mais comme j’ai bon cœur, je me penche vers lui pour prendre de ses nouvelles ensanglantées. Y nous raconte son gadin, style « La chute de l’empire romain ». J’oscille entre la danse du ventre et la mine condescendante, zarmah, je le plains de tout mon cœur. (soit dit en passant, vous avez remarqué l’adjectif que j’emploie ? C’est du Luc tout craché ! Comprenne qui pourra)
Colette elle lui porte de l’eau comme une infirmière. Si elle était pas sa cousine, je lui fais une scène. Bernard et Jeannot, y se roulent par terre en voyant Luc. La rigolade ! Y faut dire qu’une fois le sang nettoyé, la blessure elle est toute mesquinette. Tout ce cinéma pour rien. Y faut croire que les coulos y saignent davantage que les autres !
Sur le chemin du retour, à le voir grimacer à chaque coup de pédale, presqu’y me fait de la peine.
Le vélo et moi, après cet épisode, on a passé un accord de non-agression. Je préfère le foot. Chacun chez soi et les poules elles seront bien gardées !
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