dimanche 15 mai 2011

DU ROLAND BACRI TOUT CRACHE

LE QUARTIER DES FOTBALEURS
Cinq semaines en ballon rond, donc, actualité à la va te faire foot. Rare qu'un garçon à Bab-el-Oued, (à moins d'aimer que les jeux d'filles) n'aime pas courir derrière une balle en caoutchouc pour shooter sans trop casser de vitres ou de vases. La précision ne vient qu'avec l'entraînement ou si il a des dons.

Place Lelièvre, c'était notre école. Juste en face, la placette où on n'avait pas le droit de jouer au "fotbal". Coupée en deux… Partie promeneurs : bancs tout autour, surtout pour des petits vieux assis rien qu'à discuter, prendre le soleil et faire de grands moulinets avec leurs cannes. Eux qui criaient, nous qu'on prenait, total. Et partie boulodrome : que les grands avaient le droit de tirer, pointer leurs boules au jeu national. D'après Attanasio, gardien des squares du quartier en attendant que les grands reviennent de leur travail, il paraît que notre pelote en caoutchouc abîmait pluss les terrains de sport que des boules en acier.

Que la rue des Frères et la rue des Soeurs à notre disposition, donc ! elles encaissaient parallèles l'Eglise Saint-Joseph de l'autre côté de la placette en face de notre école. Vous me suivez ? On pouvait jouer quand les Soeurs ou les Frères arrêtaient de nous jeter des bidons d'eau bénite à cause de leurs heures de prières. Comme des beaux diables on hurlait, soi-disant.

Quatre cartables pour les buts : terrain réglementaire presque.
Des agents, des fois, voulaient eux aussi nous arrêter la partie, on leur disait okay et dès qu'ils partaient faire régner l'ordre ailleurs...
Les autos voyaient vite qu'il leur fallait emprunter ce jour-là autre chose que notre rue.
- Alors on peut plus passer ?
- Eh non ! Vidal, tu pouvais pas me faire la passe ?
- Ti'as pas vu que j't'ai fait une passe en profondeur ?
- Passe à l'as, ouais !
- Dites, j'vous parle !
- Encore vous !
- Vous voulez qu'j'appelle un agent ?
- Vot' fille si elle est pas mal, mieux ! vous f'rez son bonheur et le mien.
- Petit merdeux va ! vous seriez pas des gosses...
- Bénichou, il t'a coupé le sifflet ce passant anonyme ? tu fais reprendre la partie ou quoi ?
- Ho ! comme ça tu parles à un referee ?
Il siffle. Yvars passe à Guastavino, qui passe à Fiorentino. Bénadi, entre ses cartables, sautille pour faire goal aux aguets. Fiorentino regarde Vidal comme s'il allait lui glisser en retrait et en hypocrite - c'est le jeu – il shoote… dehors, de toute façon.
-Philips :
- Merde ! Direct je marquais, démarqué comme j'étais !
- Démarqué ? j'avais pas remarqué.
- J'avais pourtant réduit exprès l'angle.
- Trop ! ti'étais pluss dans l'axe. Ça s'appelle jouer trop personnel, qu'est-ce tu veux !
-Bénadi dégage, je reprends de la tête, Philips me pousse par derrière, peut-être sans faire exprès. Déséquilibré, je tombe.
Fiorentino me relève, et en colère :
- Tu vois pas que tu pouvais lui déhancher toute l'épaule en pluss ?
-Et après, contre Bénichou :
- Toi, coup en traître, pas coup franc !
- Un : tacle régulier. Deux : l'arbitre n'a pas à se justifier dans ses décisions.
- J'avais oublié. Excusez-moi m'sieur l'arbitre de la Fédération. Ça va Roro ?
- Impec !
-Bénichou :
- Le ballon, j'le jette entre vous deux pour celui qui l'attrape. Sans bousculade hein ! je sanctionne sans pitié toutes les brutalités.
- C'est ça, tiens-nous bien en mains. Mais pas le ballon, j't'en prie.
-Le regard qu'il nous jette en pluss ! Contrôle… je passe à Guastavino, qui alerte Marty, qui alerte Marco... tir canon.
- Il y est !!!
-Bénadi… son bond ! (qu'il aurait dû faire avant le shoot) :
- Où, il y est ? Il est passé au-d'ssus la barre transversale.
- Arrête un peu va ! et quand j'te dis "Arrête" c'est vrai, goal passoire comme ti'es...
- Bénichou ?
- M'sieur l'arbitre, j'vous ai dit !
- Vous permettez qu'il me parle comme ça ? Pas vrai, en pluss, qu'c'était au-d'ssus d'la barre transversale ?
- J'étais mal placé.
Tous en choeur rigolards :
- Comme Bénadi !!!
Bénichou ne répondant pas, imperturbable soi-disant...
- Pendant qu'tu réfléchis, tu décomptes l'arrêt d'jeu ?
-En faisant semblant, cet imbécile, de consulter son chronomètre inexistant, même pas une montre au poignet :
- But valable ! c'était dans la lucarne.
-On avait encore gagné, tous à me congratuler sans me tomber dessus, me faire tomber comme dans les vrais matches.
Et le match se poursuivait, se poursuivait, se pours.........

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