lundi 11 avril 2011

LOUIS DE BRACEVICH INTERPRETE DU DEY AUPRES DE LA FRANCE


Bracevich (Louis De) était né à Raguse vers 1772. Ancien interprète de l’armée d’Égypte, il reprit son service en 1830.
Le Fort-l’Empereur, qui domine la ville d’Alger, venait de sauter, et nos troupes en occupaient déjà les ruines encore fumantes.
Le comte de Bourmont y était à peine établi avec son état major, qu’un parlementaire, envoyé par le Dey, se présenta aux avant-postes. C’était Sidi Mustapha, premier secrétaire de Hussein.
Le général en chef le reçut au milieu même des décombres. En arrivant auprès de lui, l’envoyé turc se prosterna, à la manière orientale; mais M. de Bourmont le releva avec bonté, et un interprète fut chargé de traduire ces paroles
« Hussein-Pacha baise la poussière de tes pieds, et se repent d’avoir rompu ses anciennes relations avec le grand et puissant Charles X. Il reconnaît, aujourd’hui, que, quand les Algériens sont en guerre avec le roi de France, ils ne doivent pas faire la prière du soir avant d’avoir obtenu la paix (Cette recommandation, que la tradition locale attribue à Barberousse, était, dit-on, écrite et déposée au kiosque de la Marine (l’amirauté), afin que les corsaires s’en souvinssent. Ils l’avaient parfaitement oubliée.). Il fait amende honorable pour l’insulte commise sur la personne de son consul ; il renonce, malgré la pauvreté de son trésor, à ses anciennes créances sur la France ; bien plus, il paiera tous les frais de la guerre. Moyennant ces satisfactions, notre maître espère que tu lui laisseras la vie sauve, le trône d’Alger, et que, de plus, tu retireras ton armée de la terre d’Afrique, et tes vaisseaux de ses côtes. »
Ce langage fut loin de satisfaire le général en chef. « Monsieur Bracevich, dit-il en s’adressant à son interprète, recommandez à ce parlementaire de rapporter fidèlement à son maître la réponse que je vais faire à ses propositions : "Le sort de la ville d’Alger et de la Casbah est entre mes mains, car je suis maître du Fort-l’Empereur et de toutes les positions voisines". En quelques heures, les pièces de canon de l’armée française, et celles que j’ai enlevées aux Algériens, auront fait de la Casbah et de la ville un monceau de ruines; et alors Hussein-Pacha et les Algériens auront le sort des populations et des troupes qui se trouvent dans les villes prises d’assaut. Si Hussein veut avoir la vie sauve, pour lui, les Turcs et les habitants de la ville, qu’ils se rendent tous à merci et remettent sur-le-champ aux troupes françaises la Casbah, tous les forts de la ville et les forts extérieurs. »
En entendant cette fatale réponse, une tristesse profonde se répandit sur la mâle et belle figure de l’envoyé du Dey; il parut consterné, et déclara que sa bouche n’oserait jamais transmettre à Hussein-Pacha de si dures conditions. Il fallut pour le décider que M. de Bourmont les fi t rédiger et apposât son cachet sur cette pièce officielle.
Sidi Mustapha avait demandé deux heures pour rapporter la réponse du Dey : il retourna au quartier général avant qu’elles fussent écoulées, accompagné de deux autres Maures, les plus riches d’Alger, qui avaient voulu se rendre auprès du général en chef pour le prier de vouloir bien adoucir les conditions qu’il entendait imposer.
Déjà les janissaires assemblés avaient décidé de décapiter le Dey, croyant, par ce meurtre, être agréable au vainqueur. Hussein-Pacha, de son côté, était, par son exaltation religieuse, disposé à se porter aux dernières extrémités. Si on lui imposait des conditions trop dures, il pouvait fort bien faire sauter la Casbah, comme il avait fait sauter le château de l’Empereur.
Sidi Bou-Derba, l’un des députés maures contribua à aplanir les difficultés.
Bou-Derba fit aisément comprendre à M. de Bourmont qu’il fallait abandonner cette demande de reddition à merci; car elle n’était propre qu’à exaspérer les hommes barbares qui, n’ayant jamais épargné un ennemi vaincu, verraient toujours dans cette clause la mort en perspective.
En effet, les premières conditions dictées par M. de Bourmont avaient causé une grande fermentation dans Alger, ainsi qu’à la Casbah. On ne se faisait point une idée juste de ce que le général entendait par ces mots : « se rendre à discrétion » ; on pensait que les Français avaient l’intention de se livrer aux actes les plus barbares.
De là, ces accès de rage et de fureur. Il était donc indispensable de rassurer les esprits, de développer les articles de la capitulation, et de les faire expliquer au divan par un interprète de l’armée.
M. de Bourmont rédigea une nouvelle convention, en ayant soin d’adoucir les conditions qui avaient jeté tant d’alarmes parmi les populations de la milice algérienne. Puis il remit cette pièce, revêtue de sa signature, aux envoyés d’Hussein; mais en même temps, et pour être plus sûr que son ultimatum serait fi dèlement traduit au Pacha, à qui ses secrétaires, tremblant toujours pour leur vie, pouvaient craindre de faire connaître la vérité, le comte de Bourmont proposa au plus ancien des interprètes, Bracevich, de se rendre à Alger et de lire au Dey les conditions qui lui étaient imposées.
Bracevich avait fait, trente-deux ans auparavant, la campagne d’Égypte, en qualité de premier interprète de France ; il avait été honoré de l’estime de Kléber, et avait connu Mourad-Bey, qui lui donnait le nom d’ami. Sans se dissimuler le péril qu’il allait courir, il accepta la mission qui lui était confiée.

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