samedi 25 décembre 2010

GUYOTVILLE SUR MER













Chacun ressent le bonheur de la paix retrouvée, loin du tumulte de la capitale. Dans ce village de Guyotville, tout allongé en bord de mer par le massif de la Bouzaréah, village qui nous a vu naître, où nous sommes allés ensemble à l'école, à l'église, au cercle, au stade,où toute boutique nous est familière, où tout habitant nous est connu. Le paysage y est enchanteur, du bord de mer au Plateau, de la forêt à la Madrague. Nous nous sentons véritablement chez nous, heureux, enracinés au plus profond de notre être.

Comme n'importe quel petit village de France, nous avons l'impression que Guyotville, qui a bercé l'existence de nos aïeux, de nos parents, a toujours existé.

L'atmosphère humide d'Alger est accablante ce midi d'été. Le long de la cabine des CFRA, à l'ombre des ficus, en face du café de Bordeaux, le car pour le village stationne, déjà plein. La place du Gouvernement est une étuve. Seul le Duc d'Orléans qui caracole, semble défier la fournaise.

Toutes vitres ouvertes, nous démarrons enfin. Un souffle d'air rafraîchit la peau moite, collée à la chemise.

L'autobus contourne la Place du Gouvernement, roulant vers Bab-el-Oued, oblique vers les escaliers de la Pêcherie à l'angle de la Mosquée en croix Djémàa-ed-Djedid ou de la Pêcherie. Il s'engage dans la large avenue du 8-Novembre flanquée de ses grands immeubles modernes, à l'endroit même de l'ancien quartier de la Marine, autrefois si pittoresque avec ses vestiges de la basse Kasbah.

Puis c'est la rue Borély-la-Sapie, à l'angle de la caserne Pélissier. Laissant à droite l'esplanade qui domine les bains Padovani et Matarèse, le car s'engage vers le front de mer. Le boulevard Pitolet, avec sa balustrade métallique, surplombe de 15 mètres mer et rochers. Il est parallèle, à gauche, au boulevard Malakoff, un square hérissé d'aloës séparant les deux avenues.

Un virage à droite, et le boulevard Pitolet côtoie l'Hôpital Maillot que longe le boulevard de Champagne grimpant vers la Bouzaréah. C'est un hôpital militaire, construit sur les anciens jardins du Dey Hussein. Puis il passe devant le Magasin général et la Caserne de la Salpétrière, ancienne maison de la poudre de 1815 du Dey. A cet endroit même coulait la source des génies ou des sept fontaines, lieu des négresses d'Alger y sacrifiant des poulets.

Voici le quartier de la Consolation sur une pointe rocheuse, nom donné en raison des canonnades échangées avec les vaisseaux anglais, à hauteur du Fort des Anglais, devenu le siège de la colombophilie.

Le boulevard Pitolet s'éloigne du front de mer, longeant le stade Marcel Cerdan, puis surplombe à nouveau les falaises, laissant à gauche les peupliers du cimetière européen et israélite, qui sont dominés par le massif de la Bouzaréah avec, tout en haut, le fort de Sidi-ben-Nour.

A la pointe des Deux Chameaux, il pénètre dans Saint Eugène. Jusqu'aux Deux Moulins, la route surplombe les cabanons construits sur des pilotis, dans les escarpements rocheux de la mer, les frangeant d'écume. Quelques petites plages s'y succèdent où l'on parvient par des escaliers abrupts, taillés dans le rocher, souvent en bois, plages des Deux Chameaux, Balard, de l'Olivier, des sports nautiques et du parc aux huîtres.

Le car longe à gauche une rangée de maisons et de villas, construites entre le boulevard Pitolet et l'avenue Maréchal Foch qui prolonge l'avenue Malakoff, plus centrale, sur le versant adouci de la montagne où s'élève la Basilique Notre-Dame d'Afrique, dominant de sa splendeur le merveilleux paysage, avec l'immensité de l'eau bleu outre-mer, parsemée de longues traînées turquoises, le ciel éclatant de luminosité, à l'azur estompé de brume.

Le soleil surplombe le trajet, éblouissant le ruban de bitume aux luisances d'étain bruni, balançant dans les virages les gens serrés, oscillant les bras agrippés vers le toit, aux tiges métalliques.

L'agglomération de Saint-Eugène est ainsi franchie. L'avenue Foch qui traverse le village, rejoint le Boulevard Pitolet.

Jusqu'à la Pointe des Deux-Moulins, deux kilomètres au-delà, la côte devient encore plus dentelée, hérissée de rochers bruns. A gauche, les pentes ravinées de la Bouzaréah se rapprochent à nouveau, les villas du bord de mer devenant plus élégantes.

Après la Vigie, le Casino apparaît, surplombant la mer, le car tournant brusquement à gauche. La Bouzaréah, contre-fort abrupt, à dû être entaillé par l'homme.

Alors s'amorce la descente vers la Pointe-Pescade, entre la Réserve et la cimenterie Lafarge. Face à la mer s'élève la villa Xuereb, là où vécut Camille Saint-Sens.

Le massif s'est un peu éloigné de la mer, en sentiers sinueux, autrefois parsemé d'anciennes fortifications turques, seul Topanet-Mers-el-Debban ayant subsisté occupé par la Douane.

La longue route en car, une demi heure pour 15 kilomètres, par ce temps de canicule, est égayée, surtout devant les villages de Saint-Eugène et de la Pointe, par quelques hommes en bleu et blanc, des femmes en chemisette et jupe aux genoux, bouffantes, des vieilles et des vieux sous des arbres, des groupes d'enfants turbulents. Mais chacun a préféré se mettre sous l'abri tiède et ventilé dans la maison. Les pécheurs, penchés sur les barres arrondies du boulevard Pitolet, sont partis dans la matinée.

Le car traverse la Pointe-Pescade, adossée à la montagne, bâtie en losanges autour de la Place du 14 juillet. Du côté mer, après le cap de la Réserve, s'étale une petite plage arrondie, les Bains Franco ou "port aux mouches", autrefois refuge de pirates.

A partir de la Pointe, à mi-distance entre Alger et Guyotville, la température change brusquement et chacun éprouve les premiers bienfaits d'air plus frais, la ville semblant déjà loin. Les rares maisons de campagne apparaissent et les légumes s'étalent, derrière les rangées de roseaux secs, protégeant des rafales d'ouest. La route serpente entre la mer et les pentes du Sahel.

Après la carrière de pierres de Miramas, le car fonce vers les Bains-Romains et c'est le premier arrêt. Le moteur ronfle à nouveau et deux kilomètres plus loin, voici Baïnem-Falaise, dominée par la tache verte de la forêt de Baïnem. Une route étroite y grimpe, bordée de belles villas, jusqu'au garde forestier.

Deux cent mètres plus loin, la chaussée franchit un petit oued, non loin de la maison de loisirs du Palmarium, qui délimite les communes de Guyotville et de Saint-Eugène.

Et c'est le Cap Caxine et son phare, au bout d'une longue allée droite bordée de plantes, dominant la mer. Du haut de ses 22 mètres, assis sur une bâtisse à un étage, il a un feu portant à 65 milles et guide les bateaux venant d'Espagne ou du Maroc. Ses éclats se réfléchissent la nuit à travers les persiennes donnant sur la mer. Monsieur Tournon Claude le dirige.

Avec les légumes, la vigne fait son apparition sur les coteaux en contre-bas de la forêt, derrière les haies de roseaux ou de diss, et les nombreuses norias font leur bruit métallique répété à l'infini.

Un peu plus loin, c'est l'arrêt de Saint-Cloud, avec les établissements Grisa et son groupe de villas surplombant la mer, dont celle de mon grand-oncle Bouyé Alcide et de sa femme Louisette, avec "Dédé et Jean-Jean" qui ont mon âge, leur jeune soeur Marie-Thérèse, celle du Professeur en chirurgie Camille Vergoz en été. Les falaises de calcaire bleu, tranchent avec le bistre des rochers de bord de mer.

Dans un dernier assaut, la Bouzaréah projette le massif du Grand Rocher. Il obstruait le passage, sauf un étroit chemin muletier traversé par un tunnel, laissant passage à l'ancien petit train. Puis l'éperon rocheux fut dynamité, ouvrant la route. Sintes et Anglade y ont leur carrière de pierres bleues. Le docteur A Laffont y a sa villa.

Guyotville apparaît alors, au bout de la longue ligne droite qui longe la dentelle des rochers du bord de mer, laissant à gauche le cimetière et ses tombes. Et voici l'entrée du village, l'ancienne gare, la Makanghia, les écoles et enfin l'arrêt face au Monument aux morts. Deux autres arrêts suivront, place Marguerite et Docks. Saoulés par le trajet, les personnes descendent enfin, certains prenant une dernière anisette dans l'un des cafés, éparpillés dans le village

  AUTEUR INCONNU/ PRIERE DE VOUS FAIRE CONNAITRE/ MERCI

1 commentaire:

  1. merci beaucoup pour ce texte, :) je travaille sur un reportage touristique, ca m'a beaucoup aider merci.

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