mardi 23 novembre 2010

IL ETAIT UNE FOIS BAB EL OUED -14-

Si la glace reste l’apanage des Italiens, la boulangerie-patisserie est l’exclusivité des Espagnols. Il suffit d’énumérer la liste des boulangers qui s’affairent dans leur fournil afin de contenter une clientèle méditerranéenne pour laquelle le pain est synonyme de nourriture de Dieu. Les MULLOR, VILLA GROSSA, SCIANDRA, VIDAL, SOLBES, SANTAMARIA, PRAT, AZNAR, GARCIA, REALE, LOPEZ, MARTINEZ chantent l’Espagne aux quatre coins du faubourg et régalent de leurs multiples spécialités (ah le bon pain espagnol!) le palais des « goulafres1 » Bab El Ouédiens. La calentita à la farine de pois chiches, les montécaos et autres cocas variées témoignent de l’origine ibérique des boulangers de Bab El Oued.
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Tony MARIO se veut le roi des beignets italiens. Son kiosque place de l’Alma, situé au cœur du marché de Bab El Oued, attire une clientèle friande de ces douceurs dont le sucre vanillé embaume tout le quartier. Mais un homme ne l’entend pas de cette oreille. Son kiosque à l’angle du jardin Guillemin et de l’avenue de la Bouzaréah respire le Napoli d’hier au travers de l’accent à couper au couteau de PASQUALE, le tenancier de la « Bonbonnière ».

Son succès le prédispose à concurrencer le beau Tony MARIO pour le titre suprême de roi du beignet italien. A la vérité, à goûter les deux sucreries, personne ne se croit habilité à les départager tant les recettes sont identiques et le beignet savoureux. Alors, sagement, chacun s’accorde à reconnaître que Bab El Oued tient dans son sein deux rois du beignet italien.
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Il n’en est pas de même pour le beignet arabe dont BLANCHETTE détient le titre envié d’empereur de cette pâte cuite dans une huile quelque peu rance qui donne ce goût si particulier au beignet que certains préfèrent saupoudrer de sucre au grand dam des puristes. Si les zlabia et les mekrodes gardent le mystère de leur fabrication, il n’en est pas de même pour le beignet que BLANCHETTE, sous sa toque blanche de grand cuisinier, prépare à la commande. Ainsi, chacun peut voir cet africain au sourire boulimique jeter dans un geste auguste dont il a le secret la pâte dans l’huile surchauffée, retourner le beignet à l’aide d’un morceau de fer recourbé et le placer dans un papier absorbant grisâtre qui s’imbibe immédiatement de gras. Le festin peut alors commencer.
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Avant l’apparition de Monoprix qui ralliera tous les suffrages auprès des femmes tout en accablant la jeunesse du pays et les nostalgiques d’une époque hélas révolue du cinéma- music-hall dont le Trianon se vantait d’en être le dernier représentant, Discophone des sœurs LEGENDRE hérite, dès son ouverture, de l’appellation rare à Bab El Oued de moyenne surface. Sur trois étages, le magasin propose le linge de maison, les vêtements pour hommes, femmes et enfants, les parfums et autres accessoires de beauté féminine. Il jouit auprès de la population d’une flatteuse réputation pour la qualité de ses articles et pour le crédit accordé sans trop de difficulté. DISCOPHONE mérite de figurer au Panthéon des commerces qui ont permis l’élévation du niveau de vie des habitants par la mise à disposition d’un mini « galeries Lafayette » au cœur du faubourg,

Le TRIANON démoli, s’élève sur l’emplacement de ce cinéma au style rococo une bâtisse moderne de deux étages à l’enseigne de MONOPRIX. C’est l’époque du règne de cette entreprise nationale sur le commerce des moyennes et grandes surfaces et Alger ouvre sa première succursale à Bab El Oued en 1955.

Parmi les gloires locales figurent « BORRAS et SAMPOL », miroitiers de leur état, dont les attentats répétés brisèrent plus de carreaux et de vitrines en quelques années que dans toute une vie de vitrier dans d’autres villes. Les « Porsche » rouges, garées devant le magasin de l’avenue de la Bouzaréah témoignent de la réussite de cette entreprise, ce qui n’empêche pas les deux patrons de conserver leurs habitudes à la Grande Brasserie de « Pépette » SOLIVERES qui s’adosse à la miroiterie.

Une grande figure de Bab El Oued doit sa notoriété à son métier de tailleur-chemisier. Avenue de la Bouzaréah, cet apôtre de l’élégance masculine draine toute une clientèle « bon chic bon genre » qui suit ses avisés conseils. Du banquier au vendeur, de l’employé de bureau à l’avocat et du notaire au chirurgien-dentiste, l’homme distingué s’habille chez « JULES LE CHEMISIER » qui conserve sa clientèle malgré l’arrivée de la mesure semi-industrielle et se paie le luxe d’agrandir son magasin après la fermeture de ROMA GLACES en 1953.

Son pendant féminin « ANNE DE PARIS » offre à la convoitise des promeneuses au 3 de l’Avenue de la Bouzaréah des vitrines superbement habillées par l’étalagiste où des mannequins « que ma parole, on dirait des vraies! » présentent les dernières collections parisiennes. Peu nombreuses sont les élégantes qui ont la possibilité de se payer ces articles « hors de prix » pour la majorité des femmes de Bab El Oued » qui se contentent de s’envoler sur les ailes de l’imagination. « Belles comme on est, on a pas besoin de ces artifices, nous autres! »
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Au sein de ce faubourg de cent mille âmes, l’éducation nationale met un point d’honneur à scolariser tous les enfants d’immigrés. Ainsi, chaque quartier possède ses écoles et chaque école se révèle un trésor pour le commerçant avisé et opportuniste. S’ouvrent alors face aux établissements, nombre de cavernes d’Ali Baba, tenues par un marchand de bonheur. Dans ces jardins d’enfance, la jeunesse joue les prolongations en se gavant de caramels COSTA, de bibérine citronnée, de cheving gum GLOBO, en échangeant les illustrés CAPITAINE MARVEL, MANDRAKE, BUCK JONES, TARTINE MARIOLE, BLEK LE ROC ou MIKI LE RANGER’S, en achetant les toupies, les balles, les pétards, les billes ou les « taouètes » que les autres quartiers appellent « tire-boulettes » et la métropole, « lance-pierres ».

Revers de la médaille, ces magasins vendent également toute la panoplie du bon élève, cahiers, crayons, gommes, stylos, plumes sergent-major, encres et plumiers. Et ce rappel perpétuel de l’école dans ces maisons de l’enfance trouble le plaisir presque sensuel ressenti dès le seuil franchi.

« Coco et Riri », place LELIEVRE, « La Chinoise » rue FRANKLIN, « Palomba » rue MONTAIGNE, « Baby sports » avenue des Consulats sont les représentants les plus populaires de cette corporation qui demeure dans les mémoires des enfants de Bab El Oued.

A Bab El Oued comme ailleurs, personne n’échappe à la ruée de la rentrée des classes. Parmi les libraires et papetiers, RIVEIL et PINELLI qui se font face avenue de la Marne sont assaillis une bonne partie de la semaine bloquant la circulation malgré la vigilance volontaire des gardiens de la paix réquisitionnés pour la circonstance.

BLOGER et MESQUIDA à l’opposé de Bab El Oued se disputent la clientèle des Messageries en rivalisant d’amabilités et de petits gestes comme le bocal de bonbons trônant sur le comptoir.

Les gens aisés achètent plus que le nécessaire tandis que d’autres se contentent de recoudre le cartable, recouvrir les livres récupérés auprès de la famille, du strict minimum pour commencer. Les enfants « nécessiteux », orphelins de père ou de mère, pupilles de la nation, se voient dispensés d’acheter les livres qui leur sont offerts par l’éducation nationale. Les libraires gèrent cette ruée vers l’or du savoir avec diplomatie car chacun veut se faire servir le premier. Aussi, est-il obligé d’instaurer un ordre de passage qui ne fait pas forcément l’unanimité car ici on déteste s’enfermer dans un carcan de servitudes. La débrouillardise voire la resquille sont les seules valeurs dans la multitude.

Contrairement aux vendeurs ambulants qui possèdent une place en bonne et due forme située toujours à la même place comme au sein des marchés, il existe de nombreuses variantes de ce que l’on pourrait appeler le commerce itinérant. Musulmans pour la plupart, ces vendeurs font partie du paysage Bab El Ouédien avec leurs charrettes achalandées de maïs grillé sur la braise sous les yeux de l’acheteur, de figues de barbarie ouvertes avec dextérité par le tenancier qui évite ainsi au client de se piquer les doigts mais pas d’attraper « le bouchon1 », de jujubes et grenades, de tramousses (graines de lupins), d’allumettes aux anchois, de cacahuètes et de bien d’autres produits selon la saison. Une mention spéciale toutefois à ces petites unités qui inventent avant l’heure les « chips » que l’on râpe à la main et que l’on jette dans l’huile bouillante avant de les servir dans un cornet de papier absorbant et que l’on nomme ici « frites de la plage »

Si la grande braderie d’Alger se déroulait le long des rues Bab El oued, Bab Azoun et le long de la rue d’Isly, tristement célèbre, le faubourg, pourtant très commerçant n’organise pas de ces fêtes marchandes pour une raison qui échappe à toutes tentatives d’explication. Aussi, devant ce désert commercial, il reste à stigmatiser la seule gloire que Bab El Oued tire de cette manifestation qui s’interrompît avec les événements : c’est une enfant du faubourg belle « à tomber parterre » qui remporta le titre envié de « Miss Braderie ». On se console comme on peut !

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Bab El 0ued suit la mode venue principalement d’Italie. La femme du faubourg s’habille avec « trois fois rien » ; « un rien l’habille » mais elle allie l’élégance à un goût raffiné qui ne la verra jamais sortir, serait-ce pour faire son marché, avec des vêtements mal assortis. Une veste bleue associé à des chaussures marron disqualifie, à vie, la plus belle des jouvencelles.

Lorsque la mode du « blue jean’s » émancipe la jeunesse, les garçons envahirent le marché de Bab Ej Did situé à deux pas de la prison civile de Barberousse, afin d’y « dégoter » la pièce rare au meilleur prix après des transactions « à couteaux tirés » avec le responsable du stand. Les plus aisés préfèrent choisir le « blue jean’s » dans les stocks américains qui détiennent des lots importés de meilleur aspect.

Quant aux chaussures italiennes à bout pointu, elles connaissent un succès fou dans les années 53-55, supplantées plus tard par les mocassins blancs sans semelles et les tennis « B.N.C.I. ».

La chemise blousée, la cravate cote de maille, la coupe « à la Marlon », les pantalons en coutil avant les « pattes d’éléphant » pour les hommes, la robe sac, la robe vichy « à la B.B. », les chaussures de danseuse « à la RIERA » danseuse étoile de Bab El Oued, pour les femmes, autant de signes extérieurs d’intérêt de la part des enfants du faubourg pour l’élégance et la beauté des choses.

/////  A SUIVRE.........

2 commentaires:

  1. je suis de Bab El Oued aussi j'habite au 22 rue Montaigne a coté de la rue Barra UN peut plus bas se trouve la bouzerea et plus haut la rue vaingston et bien sure bastos et a 100m de l'ecole condorcet et je suis a Montréal je retourne bientot, pour quoi sortir et partir d'alger il a fallu combattre et defendre ton chez toi quoi que se soit le prix ensemble on auraient fait un grand pays et une grande nation mais dans notre coeur vous ete toujours un algerois et fils de Bab El Oued Je suis profondément ému et touché par tes poèmes sur mon pays, sur mon bab-el-oued qu'ensemble on ne peut se séparer.

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  2. oulade bab el oued je vous salut tous dans se youtube a un moment donné il parle de la compléxité de l'occiddent se qui veut dire par la c'est que se sont les meme qui vous ont trahis hier et ils sont des complices de la faillite du pays. En fait ils sont toujours ensemble depuis 1962 l'administration francaise ce qui lui interesse c'est le petrol et le nucléaire au sahara et ben bella jusqu a ses amis d'aujoud'hui cherche tout simplement le pouvoir. Vous êtes les premières victime et nous sommes les suivants, la demacratie et la liberté doit s'instaler et trouver place chez nous bab el oueb et tout alger pleur ses enfants les murs noires de douleure et de chagrin de la rue montaigne et la rue Barra,rue vingston, ron valle,la zerge, la sabliere,kitani,le jardin Guemllain,la bouzerea,la casbah,franklin,et bien sure les trois orloges veulent devenir blanc comme avant avec son soleil brillant et chaleureux.
    je pense qu'on a compris la lecon, mettons les mains et les coeurs ensemble, demontrer votre soutient a ce pays qui est toujour le votre et a se peuple,que vous faite et ils font partie de vous. On a besoin l'un de l'autre. Faite le pour vous si non pour les futurs générations, oui c'est possible, l'espoir est réelle. Il faut garder l'honneur avec la tête haute car la justice finit toujour par triompher. En cette occasion des deniers évènement:

    http://www.youtube.com/watch?v=x4U8u99Oyms

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