vendredi 19 novembre 2010

ORAN PAR MIREILLE ATTIAS -3-




Le 14 juillet 1865, date à laquelle Napoléon III signe le senatus consulte sur l'état des personnes et de la naturalisation qui frappe de nationalité française les israélites et les musulmans qui le désirent, marque le début, en Algérie et à Oran, de la période anti-juive. Dès le début, l'antisémitisme algérien est une affaire de politique électorale. La première ligue anti-juive est fondée en juillet 1871 pour écarter les juifs des urnes ; nouveaux électeurs, ils sont 15% du corps électoral et en mesure d'arbitrer les conflits. Car, dociles et sans formation politique, ils votent selon les indications de leur consistoire. Or ceux-ci sont parfois présidés par des personnalités aussi discutées que le fut Simon Kanoui "Le Rotschild d'Oran", grand électeur de l'Oranie de 1871 à 1897 et qui proclamait beaucoup trop haut et beaucoup trop fort que personne n'entrerait à la Mairie sans son aval. Quand l'affaire Dreyfus éclate, la vague anti-juive grossit brusquement.

Des ligues anti-juives se créent, rassemblant dans un parti "français" les électeurs de gauche. Ils l'emportent aux élections municipales de 1897 : C'est le pharmacien Gobert, radical anti-juif, qui est élu. En mai 1897, un attentat contre un conseiller municipal d'Oran, venu assister à une course cycliste à Mostaganem, provoque le pillage du quartier juif de cette ville par les Musulmans et les européens. Cet exemple est suivi à Oran où la mise à sac des boutiques appartenant aux israélites dure trois jours.

Cependant le gouvernement refuse d'accéder aux exigences de la population qui demande l'abrogation du décret Crémieux.

Mais le marasme économique dans lequel se débat l'Algérie démobilise les politiciens. " On ne vit pas de politique " est-il écrit dans la dépêche algérienne du 1er avril 1902. Aux élections de la même année, les candidats républicains l'emportent sur les anti-juifs : Le calme est revenu.

Le porte-parole de l'anti-judaïsme sera longtemps un vieux médecin, le docteur Molle. Celui que ses amis appellent le rénovateur de l'antisémitisme algérien, ne pardonne pas aux juifs d'avoir voté contre lui. Fondateur d'une " ligue latine" , puis d'une " union latine " qui appelle l'union des latins contre les juifs, il réussit à obtenir le boycott des commerçants juifs. Aux élections municipales de mai 1925, sa liste l'emporte avec 2 000 voix de majorité.

Le docteur Molle est soutenu dans sa campagne par le journal "Le Petit Oranais" qui a pour manchette une phrase de Luther : " Il faut mettre le soufre, la poix et s'il se peut le feu de l'enfer aux synagogues et aux écoles juives, détruire les maisons des juifs, s'emparer de leurs capitaux et les chasser en pleine campagne comme des chiens enragés ". Obligé, à la suite d'une plainte du Gouverneur Général Violette de retirer cette manchette, le journal ornera, quelques années plus tard, sa première page d'une croix gammée. Les Unions Latines du docteur Molle prospérèrent et, de 1926 à 1932, elles domineront la vie politique de l'Oranie.

En 1932, un an après la mort du docteur Molle, Oran et Sidi Bel Abbès éliront encore des députés qui se proclament d'abord anti-juifs, par exemple Michel Pares qui se mettra au service de Mussolini.

Avec la montée de la crise économique, l'antisémitisme un peu assoupi se réveille ; "Le Petit Oranais" retrouve son ton furieux ; d'immenses croix gammées peintes au goudron apparaissent sur le mur des édifices d'Oran. Les établissements Juan Bastos ornent leurs cahiers de papiers à cigarettes de 12 croix gammées sans qu'on puisse dire s'il s'agit d'un manifeste politique ou d'un sens publicitaire dévoyé. La crise économique est toujours fort préoccupante et, le 17 décembre 1933, " Oran Matin" note : " Babouchiers, cordonniers, brodeurs n'ont plus rien à faire ; tous se promènent dans les rues offrant le triste spectacle du chômage et de ses funestes conséquences. " Le Maire, quant à lui, constate que " des tribus entières de pauvres diables n'ont rien ; tant que durent les figues de Barbarie, ils peuvent vivre ; après, ils en sont réduits à voler. "

La crise viticole des années 34 et 35 favorise la création de fronts paysans et la campagne du Front Populaire sert également de prétexte à une nouvelle et vigoureuse poussée d'antisémitisme.

promènent dans les rues offrant le triste spectacle du chômage et de ses funestes conséquences. " Le Maire, quant à lui, constate que " des tribus entières de pauvres diables n'ont rien ; tant que durent les figues de Barbarie, ils peuvent vivre ; après, ils en sont réduits à voler. "

La crise viticole des années 34 et 35 favorise la création de fronts paysans et la campagne du Front Populaire sert également de prétexte à une nouvelle et vigoureuse poussée d'antisémitisme.

A Oran, le maire, l'ex-Abbé Lambert, prêche, coiffé du casque colonial et ceint de l'écharpe tricolore, la mobilisation générale contre les juifs et le Front Populaire. Fondateur des "amitiés Lambert", il reprend la politique anti-juive des " unions latines" et désigne le Front Populaire comme une manifestation d'impérialisme juif. Or ce dangereux démagogue, idole de la plèbe oranaise, déchaîne l'enthousiasme à chaque discours . Son buste, vendu 3 francs se trouve dans toutes les maisons oranaises ; c'est paraît-il une précieuse amulette pour les femmes en couches.

Il faudra la loi du 21 avril 1939, réprimant les excitations à la haine raciale pour faire taire provisoirement les anti-juifs d'Algérie.

L'Abbé Lambert avait bâti sa propagande sur ses talents de sourcier, promettant l'eau douce à tous les Oranais. Mais c'est bien après lui que la ville et la région seront alimentées en eau douce. Et, histoire de se rappeler le bon temps, bon nombre d'Oranais ajouteront du sel dans leur tasse de café.

L'Abbé Lambert prêchait aussi l'aide à la " reconquista" , et les élus de droite se feront une gloire d'avoir été les premiers à réclamer la reconnaissance officielle du gouvernement Franco. Pendant que les dirigeants des " Unions latines" ravitaillaient les franquistes en volontaires et en argent, les syndicats d'Oran participaient à la contrebande de guerre et facilitaient les départs des brigades internationales.

A SUIVRE....

1 commentaire:

  1. Juif marocain, je ne savais pas que vous aviez été autant poursuivis.
    merci

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