vendredi 19 novembre 2010

JEAN PANDRIGUE DE MAISONSEUL PEINTURE ET POLITIQUE

Jean Pandrigue de Maisonseul naît à Alger le 3 août 1912. Lors de la conquête de l’Algérie son arrière grand-père, officier de marine originaire du Vivarais, avait débarqué à Sidi Ferruch le 4 juillet 1830, son grand-père était également marin, amiral puis commandant du port d’Alger, son père avocat. Jean de Maisonseul commence à dessiner en 1922. À partir de 1928 il suit des cours de peinture à l’ « Académie-Art » d’Alfredo Figueras, peintre catalan réfugié politique à Alger, ami de Picasso. Il s’y lie avec le peintre algérois Louis Benisti. De 1929 à 1934 il travaille comme dessinateur chez Pierre-André Emery, architecte suisse installé à Alger en 1928 après avoir été un proche collaborateur de Le Corbusier à Paris. Maisonseul suit parallèlement de 1930 à 1933 des cours d’architecture à l’École des Beaux-Arts d’Alger.

En 1931 Maisonseul côtoie Le Corbusier qui séjourne régulièrement en Algérie de 1931 à 1936, lui faisant visiter la Casbah d’Alger. « Nous mesurions les marches des escaliers, les banquettes de maçonnerie, les dimensions des ouvertures et des niches, les hauteurs sous plafond et celles des appuis des parapets des terrasses. Ces mesures tournaient autour des constantes (...) que je retrouvais vingt ans plus tard à la publication du Modulor », se souviendra-t-il (Jean de Maisonseul, « A la recherche d’un tracé régulateur », dans Poïesis, n° 3, Toulouse, 1995, p.105). En 1931 Maisonseul se lie également avec Albert Camus, rencontré grâce à son condisciple Max-Pol Fouchet, qui lui donne à lire ses premières œuvres encore inédites.

En 1936 une bourse permet à Maisonseul d’obtenir un diplôme d’urbanisme à l’Institut d’Urbanisme de l’Université de Paris. De retour en Algérie en 1939 il est dessinateur au Bureau du Plan régional d’Alger bientôt devenu Service d’urbanisme du Département d’Alger, qu’il dirige de 1947 à 1956. Il est simultanément secrétaire général de l’Institut d’urbanisme de l’Université d’Alger. Participant au développement rapide de la ville d’Alger, il prend une large part dans le classement des monuments et sites historiques de l’Algérie.

Se rapprochant du philosophe André Mandouze, Maisonseul rencontre à partir de 1946 de nombreux intellectuels et artistes algérois. Il se lie particulièrement avec le poète Jean Sénac, participe aux revues « Soleil » puis « Terrasses » qu’il anime, et commence à exposer ses dessins et ses peintures à la librairie d’Edmond Charlot. Il fait la connaissance, en 1947 de Baya, recueillie par la tante de Mireille Farges qu’il épousera en 1956, et participe de 1952 à 1954 aux efforts des « Amis du Théâtre Arabe » qui tentent de nouer un dialogue interculturel. Après le tremblement de terre d’Orléansville (aujourd’hui Chlef), du 9 septembre 1954, Maisonseul est chargé du plan d’urbanisme pour la reconstruction de la ville.

En 1956 Maisonseul et ses « Amis du Théâtre Arabe », qui ont créé un comité pour la paix, se rapprochent de Camus venu à Alger le 22 janvier prononcer son « Appel à une trêve civile en Algérie » dont, grâce aux efforts de Maisonseul et d’Omar Ouzegane, les responsables nationalistes de la zone d’Alger acceptent l’idée mais que rejettent les dirigeants français, tels Guy Mollet qui, le soir même de la « journée des tomates » (6 février 1956), reçoit en vain Maisonseul et les « Libéraux » algérois. Sur dénonciation et après perquisition Maisonseul est rapidement malmené par le pouvoir, accusé d’atteinte à la sûreté de l’État, incarcéré le 26 mai à la prison Barberousse. ”Il faudra de toute nécessité m’arrêter aussi”, écrit dans Le Monde Camus qui le défend aussitôt énergiquement, jusqu’à sa libération provisoire le 12 juin (Albert Camus, « Essais », Bibliothèque de la Pléiade, pp. 1003-1008).

Nommé en novembre 1962 conservateur du Musée National des Beaux-Arts d’Alger au titre de la coopération, à la demande du ministère algérien de l’Education nationale, Jean de Maisonseul mène les longues négociations qui aboutissent en 1970 à la restitution des quelque 300 œuvres du Musée déposées au Louvre à la veille de l’Indépendance - « bien que dès le début André Malraux, alors Ministre de la Culture, ait reconnu que ces œuvres appartenaient à l’Algérie », précisera-t-il. Dès juillet 1963 Jean de Maisonseul assure la réouverture du Musée, en y introduisant les œuvres des jeunes peintres algériens, Aksouh et Benanteur, Guermaz, Issiakhem et Khadda, Martinez et Choukri Mesli. Il organise une rétrospective des gouaches de Baya qu’il encourage à reprendre son travail, interrompu après son mariage depuis près de dix ans. « Ce sont des amis, les de Maisonseul, de très grands amis, qui m’ont poussée », confie Baya en 1994 : « quand j’ai repris mon premier pinceau, mon premier papier, c’était Mireille et Jean de Maisonseul qui me les avaient offerts ». Jean de Maisonseul préfacera par la suite les nouvelles expositions de Baya. En 1963 à Alger, l’année suivante à Paris et de nouveau à Alger, Maisonseul participe simultanément au milieu de ses amis peintres aux premières expositions collectives qui suivent l’Indépendance et demeurera jusqu’à sa disparition attentif aux développements de leurs œuvres.

A partir de 1964 Maisonseul expose régulièrement à Alger. Il est nommé en 1970 directeur de l’Institut d’urbanisme de l’Université d’Alger, poste qu’il occupe jusqu’en 1975. Après la mort à Alger de Jean Sénac le 30 août 1973 il se dévoue à sa mémoire par la création de “fonds Sénac” à la Bibliothèque nationale d’Alger et aux Archives de la ville de Marseille. À sa retraite en 1975 il quitte l’Algérie pour s’installer à Cuers, près de Toulon (Var), s’y consacre à sa peinture et multiplie les expositions, notamment à Sens en 1982, chez Edmond Charlot à Pézenas en 1984, au Centre culturel Algérien à Paris et au Musée Picasso d’Antibes en 1988, et à Toulon. Il meurt à Cuers le 3 juin 1999.

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