LA SURPRISE DU CERTIFICAT D’ETUDES
L’école Rochambeau, elle se trouvait à Bab El Oued. Des intelligents y avait certes, (chof, je parle comme Verlaine) mais la vérité, je leur parlais pas bezef. Je préférais m’accoquiner avec des babaos qui aimaient plutôt jouer aux noyaux que de se taper les devoirs. C’est la raison pour laquelle je traînais dans la rue avec des Bensimon, des Agullo, des Capomazza ou des Mani.
Seulement, le certificat d’études primaires, et la vérité pour des études primaires c’était des études tout ce qu’il y a de plus primaires, à la fin de l’année il allait nous pourrir la vie avec nos parents qui voulaient tous nous voir devenir des docteurs « és » médecine. Les pauvres, nos parents, quelle désillusion y z’allaient se payer. Nous au moins on savait à quoi s’en tenir : y faudrait un miracle pour que certains de la bande de oualiones y réussissent au certificat. Raïeb, comment faire pour devenir docteur, manaraf (ça c’est normalement de l’arabe mais à savoir comment ça s’écrit). En classe, on pouvait tricher un maximum mais à l’examen, on se retrouvait tout seul sur notre banc comme un orphelin qu’on lui a tué son père, sa mère, son chien, s’il en a un, et sa fatmah (Pourquoi sa fatmah la pauvre qu’elle était gentille comme tout !) Alors qu’au certificat, une fois que le maître y nous avait donné les problèmes et la rédaction à faire, on se retrouvait seul avec seulement nos yeux pour pleurer. On avait beau se tourner dans tous les sens giratoires, on trouvait que des babaos en train de plancher ou de faire semblant de réfléchir. D’autres, raïeb, même pas y faisaient semblant parce qu’ils savaient que ça servait à rien. Y z’en avaient pris leur partie alors y s’en foutaient comme de l’an quarante ou du tiers comme du quart, comme tu veux, tu choises ! La plupart d’entre eux y préféraient penser aux tétés de Brigitte Bardot ou de Martin Carol, comme des véritables vicieux qui lisent en cachette Paris-Hollywood.
Les intelligents comme moi, les doigts dans le nez, y z’attendent l’examen avec sérénité. Mais, certains déjà, y se demandaient comment y z’allaient dire à leurs parents que jamais, au grand jamais, y seront docteurs. Les parents, les pauvres, qui avaient acheté déjà le stéthoscope pour que leur fils y s’entraîne (j’exagère un p’tit chouïa mais j’y peux rien, c’est ma nature !) y risquaient de se jeter au kassour avec la honte qui allait leur manger la figure. A la sortie, chacun y supputait ses chances. (Ba, ba, ba ce mot dé ! Supputer de sa mère !) Yen avait qui mentaient comme des arracheurs de dents, d’autres, on aurait dit qui z’avaient tué leur père et leur mère (c’est les mêmes que tout à l’heure y s’en sont pris à leur fatmah) et y avait ceux qui z’étaient hilares comme toujours.
Bensimon et Lopez, y pariaient sur leurs chances respectives. Bensimon il était un bon élève mais Lopez il avait un pois chiche dans la tête, le pauvre. Toute la semaine, dans le quartier il a été question de trouver une excuse pour que le père de Lopez que c’était un violent y tue pas son fils quand il apprendra les résultats. Zarmah, le maître il l’avait pris en grippe, zarmah, le maître c’était un pathos alors on le comprenait pas, zarmah, y parlait trop vite, y mangeait ses mots, on savait pas quoi inventer pour protéger notre ami Lopez.
Quand le jour fatidique de l’énoncé des résultats par le directeur, vous me croyez si vous voulez mais Lopez, il avait réussi mais le plus drôle de l’histoire, c’est que Bensimon, l’intellectuel de la bande, il avait échoué. Allez savoir !
Les histoires de jeunesse qui ont jalonné notre enfance se sont perdues dans les méandres de l’oubli.
Elles rejaillissent de temps en temps au cours de rencontres de hasard qui effleurent un souvenir échappé de notre mémoire meurtrie.
L’amitié de l’enfance est la plus belle invention de l’homme à conserver tout au fond, du grenier où l’on a emmagasiné les visages du bonheur perdu et qui parviennent encore à nous bouleverser malgré le temps et l’espace.
Amis de jadis, j’aimais vos tchalefs.
Amis d’autrefois, j’aimais votre accent.
Amis de toujours, je vous aime.
Je pense toujours à vous !
fin
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire