Partant d'Alger vers Ténès par la côte, à une dizaine de kilomètres avant Tipasa, sur les hauteurs du Sahel, s'élève le gigantesque mausolée, auquel la tradition populaire a donné le nom de Kabr Er Roumia (ou K'bour Er Romia), que l'on traduit incorrectement par ''tombeau de la Chrétienne''.
D'un côté, il fait face à la mer, de l'autre, il domine la Mitidja, position remarquable qui en fait le point de mire de la région. Situé à 260 m d'altitude, il servait d'amer aux navigateurs et aux pêcheurs.
Il n'y eut jamais de chrétienne dans ce tombeau, car il est antérieur au christianisme. Nous savons par Pomponius Mela, géographe romain qui écrivit vers 30 ap. J. C., qu'il était le tombeau ''commun à la famille royale'', ce qui ne renseigne ni sur cette famille ni, par conséquent, sur la date du monument, mais qui indique qu'il était achevé et connu à cette date.
Reposant sur un socle carré de pierres de taille dont les angles sont orientés et le débordent largement, le mausolée se présente comme un immense cylindre de 60 m de diamètre surmonté d'un cône, depuis longtemps délabré, fait de trente-sept gradins en retrait les uns des autres, élevant le monument à 33 m de hauteur.
Aux quatre points cardinaux, quatre fausses portes ornent le tombeau. C'est leur décor de pierre imitant les traverses en croix des portes en bois qui lui a valu le nom de ''tombeau de la Chrétienne''.
Soixante colonnes ioniques, par groupes de quinze, décorent le pourtour du cylindre surmonté d'une corniche saillante au-dessus de laquelle s'élèvent les gradins du cône.
Ce monument, dont aucune entrée n'était visible, n'a cessé, au cours des siècles, d'exciter la convoitise populaire, qui y plaçait un trésor caché.
Le pacha Salah Raïs essaya de s'en emparer en 1552. Puis Baba Mohammed ben Othmane le fit bombarder au XVIII e s., sans succès. Il refusa de révéler ses trésors.
Puis vinrent les Français. Ils eurent bien du mal aussi à découvrir le fameux secret de la porte.
C'est Louis-Adrien Berbrugger - le fondateur du musée d'Alger qui y pénétra enfin, le 16 mai 1866: Le monument était vide. Depuis longtemps déjà, des chercheurs de trésor plus rusés l'avaient devancé. Pratiquant deux longs tunnels vers le centre du monument en partant des fausses portes, ils avaient fini par déboucher sur un couloir qu'il suffisait de suivre pour s'emparer des richesses.
Pour découvrir la véritable entrée, il fallait soulever deux pierres épaisses du socle carré du monument, au pied de la porte sud. On apercevait alors une porte basse fermée par une herse.
Ce premier obstacle vaincu, on se trouvait dans un couloir bas qu'une autre herse obstruait, après quoi on pénétrait dans un vestibule. Là, une porte attirait l'attention sur la droite : le linteau portait, sculptés, un lion et une lionne, gardiens sacrés du monument. Pour qui était insensible à leur pouvoir magique, il fallait soulever la herse de cette porte, franchir un palier, monter quelques marches pour enfin se trouver dans une galerie circulaire au niveau du mausolée. Celle-ci, admirablement voûtée en plein cintre, s'infléchissait à gauche en suivant le pourtour du monument. Des niches en quinconce au bas de la voûte permettaient de disposer des lampes à huile pour suivre processionnellement ce long couloir annulaire. Celui-ci rejoignait presque son point de départ, mais, un peu avant la porte est, il changeait brusquement de direction pour s'enfoncer au cœur du tombeau. Une porte basse arrêtait de nouveau le visiteur alors qu'il approchait du centre, fermée, comme les autres d'une herse, précédant aussi un couloir bas qui débouchait sur une première chambre voûtée. Un second couloir permettait de pénétrer enfin, toutes difficultés vaincues, dans le caveau proprement dit. C'était une pièce rectangulaire voûtée de 4 m sur 3 m environ, chaque face étant percée d'une niche. Mais, vide de tout mobilier funéraire, elle ne permit pas de dater le monument.
A l'extérieur du mausolée, toujours à l'est, un lieu de culte s'élevait, soit que le défunt fût divinisé, soit simplement pour entretenir sa survie.
Ce tombeau est situé sur le territoire de l'ancien royaume de Maurétanie, qui comprenait en gros tout l'ouest du Maghreb. Cette monarchie s'effondra en 40 apr. J.-C. par l'assassinat de son dernier représentant, Ptolémée, à Rome, sur l'ordre de Caligula.
C'est le monument le plus représentatif parvenu jusqu'à nous de l'architecture des royaumes indépendants. Berbère par sa forme, celle des bazinas à degrés tombes surmontées de gradins - et par toutes les croyances religieuses qu'il implique, il est revêtu d'une parure punique : colonnes et chapiteaux, qui témoigne de l'influence profonde de la civilisation carthaginoise sur le nord de l'Afrique. Celle-ci était elle-même tributaire de la civilisation grecque hellénistique dont les modes architecturaux régnaient alors sur toute la Méditerranée sans la moindre contestation.
D'après Odette BOUCHER Historia Magazine.
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